Quinzaine du commerce équitable

Le commerce équitable : une utopie ?

10 mai 2007

Qu’il est beau de vouloir changer le monde, aider à éradiquer la misère des pays pauvres ! Il est ainsi beau de faire la part belle au commerce équitable. L’esprit de notre journal nous permet, avec facilité, de donner place au contre-argumentaire. En quinzaine du commerce équitable, le débat est ouvert.

Loin de rejeter la démarche des associations qui “travaillent” bénévolement pour défendre les intérêts du commerce équitable, certains se posent des questions sur sa réelle équité, s’interrogent sur les réelles conditions de protection sociale et de rémunération pour les petits producteurs.
(Photo BBJ)

Le concept de commerce équitable est largement développé en France comme à travers le monde. Loin de rejeter la démarche des associations qui “travaillent” bénévolement pour défendre les intérêts du commerce équitable, certains se posent des questions sur sa réelle équité, s’interrogent sur les réelles conditions de protection sociale et de rémunération pour les petits producteurs. Sur le site d’une association écologique (http://ecolo.asso.fr/), 10 objections sont formulées. D’une, pour cette association, le commerce équitable est « inéquitable ». Et d’expliquer qu’« en effet, pour qu’un échange soit réellement équitable, les conditions de protection sociale et de rémunération des individus qui produisent devraient être identiques à celles des personnes qui consomment ». L’argument se tient. Et ce site de fustiger, comme tant d’autres, l’association, que dis-je, la “firme” du commerce équitable, Max Havelaar. Exemple qu’il cite : « Selon le site MaxHavelaar, www.maxhavelaarfrance.org, au prix actuel, il faut 300 ans à un Manuel, producteur local en Colombie, pour gagner 15.000 euros (environ la rémunération moyenne annuelle chez nous). Manuel reçoit, au nom du commerce équitable, d’après les chiffres fournis par Max Havelaar, 3 fois plus que ce que lui donne le marché*, il ne lui faudra donc plus, au prix du marché équitable, que... 100 ans ! Pour être vraiment équitable, le prix du paquet de café (de 250 grammes, dans l’exemple Max Havelaar) devrait être acheté 100 fois plus cher - 19 euros - et être vendu à Pierre, en France - 21,8 euros. Pierre ne le paye aujourd’hui que... 2,35 euros. Ce commerce est donc simplement "moins inéquitable" ».

Sans foi, ni loi de concurrence ...

Pour cette même association, le commerce équitable favorise la concurrence déloyale, puisque les défenseurs du commerce équitable sont des bénévoles, et qu’ils vendent leurs produits, aux nez des producteurs locaux. Prenons le jus de fruit équitable, qui concurrencerait les productions de producteurs de jus de fruits locaux. Exemple tiré d’un fait réel : « Marie fabrique des chapeaux sur le plateau du Larzac. Elle les vend sur le marché à Millau. Sur ce même marché, Jacques propose des chapeaux estampillés "commerce équitable" moitié moins cher que ceux de Marie. L’association qui importe les chapeaux vendus par Jacques ne paye pas, comme tous les commerçants, le transport à son coût réel : le kérosène des avions et le gasoil des bateaux ne sont pas taxés. Cette association de commerce équitable profite aussi, dans une moindre mesure que le commerce classique certes, des faibles rémunérations et de l’absence de protection sociale des pays producteurs, et joue sur la force de l’euro. Enfin, Jacques n’est pas payé : salarié du Crédit Lyonnais, il occupe son temps libre en faisant du bénévolat pour cette association. Résultat : Jacques met en faillite l’activité de Marie, avec d’autant plus de force qu’il le fait avec la meilleure conscience possible, sûr de contribuer à un monde meilleur ». Et de rappeler que le commerce équitable ne tient pas compte des coûts écologiques. On apprend aussi, comme par magie, que tous les produits ne sont pas issus de l’agriculture biologique, même pas raisonnée. La revue “Silence” n°274 (p.24) met en évidence des pratiques critiquées par moult Organisations non-gouvernementales (ONG), mettant en danger la vie d’ouvriers du Tiers-monde. <br /

Notre terroir en péril ?

En consommant un produit équitable, met-on en danger les productions locales ? Oui, selon certains, se basant sur un exemple simple. « Patricia est en train de finir de manger sa banane "commerce équitable". Elle a aussi acheté un pamplemousse, une orange et une pomme. La diversité de sa corbeille de fruits étant à l’échelle du globe, Patricia néglige alors la biodiversité locale. Alors que sa région comptait 50 espèces de pommes voici 20 ans, il n’en demeure plus que 5 aujourd’hui ». Au lieu de servir la biodiversité locale, le commerce équitable accompagnerait la déculturation de la production, disent les opposants au commerce équitable. A mon humble niveau, je dirais tout simplement que rien ne nous empêche de connaître les produits du monde entier, tout en préservant notre terroir. Les consommateurs peuvent faire le choix d’un achat citoyen, autant pour sauver les producteurs des pays pauvres que pour les producteurs du pays. Le commerce équitable nous éloignerait du primordial, c’est-à-dire « re-localiser l’économie ». Peut-être. Mais alors, pourquoi regarder vers les pays de la zone Océan Indien, signer des actes de partenariats économiques ? Pourquoi nous déclare-t-on à tout bout de “chant” que nous devons aller vers une coopération régionale ?

La diabolisation du commerce équitable

Que n’entend-on pas ? Le commerce équitable servirait à financer l’achat d’armes de guerre. On nous raconte l’histoire de Loba, paysan ivoirien, qui pratiquait une culture vivrière pour se nourrir et alimenter le village. Le gouvernement décide « fermement » de produire des fèves de cacao, contraignant ainsi Loba au cours mondial du cacao. Loba se paupérise vite à cause de la baisse du cours de cacao, souffre même de la famine, alors que son pays achète des avions de chasse à la France. Et Bruno Clémentin et Vincent Cheynet, auteurs de l’article visible sur le site cité plus haut, d’écrire que « grâce au commerce équitable, Loba a un peu moins faim. Il reçoit maintenant juste assez d’argent pour acheter la nourriture qu’il produisait avant, et la Côte d’Ivoire peut continuer à acheter des tanks à la France. Mais le retour à l’autosuffisance alimentaire s’est à nouveau éloigné, et Loba ne connaît toujours pas le goût du chocolat : un produit réservé pour les riches occidentaux ». Le problème vient-il vraiment des défenseurs du commerce équitable, ou vient-il du diktat des gouvernants ? Certes, des enseignes du commerce équitable pactisent avec le diable, la grande distribution. On reproche par exemple à Max Havelaar de ne cesser de se réjouir d’être distribué dans un nombre croissant de grandes surfaces. « A cause de celles-ci, entre 1966 et1998, selon l’INSEE, la France a perdu 17.800 boulangeries-pâtisseries (44%), 73.800 épiceries (84%), 3.500 fromageries (76 %), 1.300 librairies, 4.700 commerces de chaussures (50%), 4.300 quincailleries (46%), etc... », précisent les deux auteurs. Le fait est que le commerce équitable, selon Max Havelaar par exemple, joue dans la cour des grands. Du moins, c’est la volonté affichée de faire progresser un commerce sur les plus grands étals. Le commerce équitable cautionne-t-il la mondialisation ? Sûrement, puisqu’il vient jouer sur le terrain des grands ténors de la mondialisation. De là dire que le commerce équitable n’est que de la mondialisation labellisée “équitable” ! Oui, le commerce équitable prêche pour une autre mondialisation. Pourquoi s’en plaindre ?

Willy Técher


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Messages

  • Bonjour,
    J’ai cherché sur le site de l’INSEE une de vos citations "A cause de celles-ci, entre 1966 et 1998, selon l’INSEE, la France a perdu 17.800 boulangeries-pâtisseries (44%)..." mais je ne le trouve pas.
    Pourriez-vous mettre la référence exacte ?
    Merci.

  • Un manuel en colombie n’a pas les même charge que nous en france, alors je ne vois pas ou se situe le rapport de dire que nous gagnons 15000€.
    Le rapport n’est pas le même et entre parenthèse 2€50 en colombie est uivalent à environ 18€00 en france.
    Ne pas induire les gens en erreur facilitera le commerce équitable.

    Voir en ligne : Ecole de Pizzaiolo Aveyronnaise

  • Le commerce équitable devient utopie quand le commerce est plus important que l’équité.

    Il faut voir comme Maw Havlaar fait des alliances avec de multinationales comme Nestle laquelle fait, en divers pays, du nettoyage social ainsi que la vente de produits pourris (comme le lait).
    Rainforest donne une certification de bonne conduit sociale à Chiquita Brand, une multinationale condamnée pour payer de paramilitaires pour tuer de syndicalistes, SANS COMMENTAIRES !!!!!

    Alors le commerce équitable est de demander aux entreprises (du Nord ou du Sud) d’avoir des engagements sociaux vis à avis aux travailleurs. Le Sud achète de voitures, de parfum, des assurances , de la nourriture , etc, qui viennent du Nord, alors le Nord en échange achète de produits faits dans las pays du Sud. Cela est le commerce, l’équité sera de payer le prix selon les engagements sociaux de deux partis.

    Le reste est et sera de l’Utopie sera, du bla, bla, et de mettre du misérabilisme et de la charité sans pour autant rien changer.


Témoignages - 80e année


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