Pêche et marché intérieur

Le “Germon nouveau” arrive jeudi

9 novembre 2004

En cette période de passage des thons blancs, les producteurs fêtent le début de la saison de pêche en organisant une vente directe aux consommateurs ce jeudi 11 novembre, sur le quai, autour du bateau.

Comme on fête le vin nouveau, on fêtera jeudi le germon nouveau. En ce début de saison de pêche au thon blanc, l’initiative de promotion à laquelle les pêcheurs palangriers invitent le tout-public s’inspire de ce que les viticulteurs font autour du beaujolais nouveau.
C’est l’occasion de découvrir un produit de saison et avec lui, une profession, ses difficultés et ses réussites. C’est ce qui a conduit le Syndicat des armateurs de pêche palangrière pélagique (SARPP) à organiser cette “criée” occasionnelle, présentée hier au Port au siège du Comité des pêches maritimes.
Des réussites, la pêche réunionnaise en a plus d’une à son actif, mais le pays semble ne pas très bien le réaliser encore ! Pourtant, ces dix dernières années, la pêche palangrière a pris sa place entre la petite pêche côtière - vis-à-vis de laquelle elle se sent une responsabilité - et la pêche dans les “terres” australes.

Un marché “squatté” par des produits d’importation

Elle assure "les 2/3 des débarquements réunionnais en pêche fraîche pour une valeur de l’ordre de 6 millions d’euros" et alimente deux unités de transformation, explique le secrétaire général du SARPPP, Rémi Lannuzel. Autour de Gilles Albin, président du syndicat nouvellement créé, le vice-président Luc Minatchy (Saint-Pierre) et le secrétaire général ont cherché à donner plus d’emphase à cette saison 2005, "pour que les produits réunionnais soient mieux connus et mieux valorisés sur le marché local et sur les marchés à l’exportation", poursuit Rémi Lannuzel.
Les pêcheurs réunionnais vivent en effet ce paradoxe qu’après avoir tout fait pour développer leur activité, après avoir ouvert un marché, ils le voient “squatté” par des produits d’importation vendus - dans le cas du thon blanc - trois fois moins cher que celui qu’ils rapportent.
Gilles Albin, le président du SARPPP, se rappelle l’époque où son père, pêcheur lui aussi, “bradait” de l’espadon frais auprès des restaurateurs... pour le faire connaître ! "Aujourd’hui, on trouve de l’espadon partout, il est démocratisé... mais il vient d’ailleurs", constate-t-il.
Le même phénomène se produit avec la légine : les pêcheurs créent un marché et se le font prendre parce que leurs coûts de production ne leur permettent pas de rivaliser avec des pays où toute la chaîne des coûts est dévaluée.
La riposte passe par la conquête du marché intérieur et par l’export, entre autres. D’où cet appel aux consommateurs réunionnais. "Le goût se forme dès l’enfance", observe Gilles Albin. "Si dans les restaurants scolaires, on donne la nausée aux enfants avec du thon importé très bas de gamme, ça ne va pas aller !"
Le président du SARPPP n’a pas de raison d’y aller avec le manche de la fourchette. Les poissons d’importation occupent 80% de la consommation en poisson, ce qui paraît tout à fait anachronique et absurde après les efforts faits pour le soutien à la filière.
"Les pêcheurs ont la capacité de fournir de grosses quantités de thon. Ils peuvent alimenter les cantines, les hôpitaux... Et ici, il y a une vraie traçabilité : on peut visiter les bateaux, voir travailler les pêcheurs. Nous voulons faire voir que cette filière émergente, la pêche, est une filière importante", ajoute Rémi Lannuzel.

“Poisson batar”

Les amateurs de poisson frais trouveront donc jeudi, dans les quatre ports cités, un bateau de pêche de retour de la zone des 200 milles. Des adhérents du SARPPP seront là, autour du bateau, pour informer le public, lui proposer du poisson frais - vendu avec l’accord des services vétérinaires - à 6 euros/kg, en tranches ou entier. Ils ont même prévu de parler cuisine avec les amateurs et d’échanger avec eux sur les mille-et-unes façons d’accomoder le germon.
...Un poisson que les Réunionnais bouderaient parce qu’il n’est pas de la “bonne” couleur ? Ce “racisme” anti-germon (appelé ici “poisson batar”... on ne se refait pas !) n’a que trop duré, estiment les producteurs, qui observent que les consommateurs du Sud de l’Europe en sont très friands et que, si la baisse du dollar met les pêcheurs à la diète, le thon de La Réunion continue de se vendre, pour sa qualité et sa régularité.

À propos de régularité, ce serait bien que les Réunionnais prennent aussi l’habitude de consommer “péi”. La vente occasionnelle de jeudi est l’occasion d’en savoir plus sur le monde de la pêche, de découvrir un produit et, pour les producteurs, d’inaugurer une nouvelle manière de promotion qui, comme le petit poisson devenu grand, ne demande elle aussi qu’à prendre toute sa place.

P. David

Vente directe aux consommateurs : jeudi 11 novembre, de 14 heures à 18 heures, dans les quatre ports de Sainte-Marie, Le Port, Saint-Gilles et Saint-Pierre.


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