À propos de la quinzaine équitable

Le label équitable : marque de convoitise !

4 mai 2007

Lorsque les défenseurs du commerce équitable faisaient découvrir un produit phare, le café équitable, ils étaient loin de s’imaginer l’impact. Que l’on s’entende, le commerce équitable ne tient pas encore une place conquise, mais attire les investissements des plus grands distributeurs de ce monde.

On le doit sûrement à Max Havelaar et à sa volonté de s’afficher dans les grandes enseignes de la distribution mondiale. La fédération des Artisans du monde, avec quelque 170 points de vente créés depuis 1974, pèse de son poids pour la reconnaissance d’une idée du commerce mondiale. Si leurs boutiques sont utiles, on peut se demander l’échelle de leur communication. International fair trade association (IFAT), dont fait partie les Artisans du monde, revendique sa démarche, sans compromis possible avec les gros porte-feuilles. Le Fair trade labelling organizations (FLO), composé de l’association Max Havelaar, entreprend une démarche, certes critiquée, mais efficace. « L’association pactise avec le diable », entend-on. Mais, en distribuant une quinzaine de produits dans plus de 45.000 supermarchés, à travers le monde, et particulièrement des pays riches, le FLO peut facilement expliquer que son action aide 1 million de familles à vivre dans de meilleures conditions.
Même si l’IFAT et le FLO semblent diamétralement opposés sur l’approche de la clientèle, ils se retrouvent aux côtés de nombreuses ONG au sein de la Plateforme pour le commerce équitable. Il importait en effet que tous les vrais défenseurs du commerce équitable s’associent dans une bataille nouvelle. Et si les grands distributeurs, sous la bannière de l’équité, devenaient de sérieux concurrents, que deviendraient les producteurs des pays du Sud ?

Quand les grands groupes s’en mêlent !

Il y a de quoi s’inquiéter. Après avoir insufflé une autre manière de commercer, dans l’optique de rétablir les poids justes sur la balance du commerce mondial, on voit arriver de nouveaux acteurs, aux valeurs sûrement moins altruistes, dont le cahier des charges est moins exigeant. Carrefour, qui propose déjà les produits étiquetés Max Havelaar, veut se tourner vers les produits équitables. Refusant de s’acquitter du droit d’usage du logo Max Havelaar, il envisagerait de créer son propre label équitable. Aux Pays-Bas, l’enseigne Ahold ne prévoit pas de tarif minimum pour les petits producteurs, alors que son logo “Utz Kapeh” assure du prix du juste.
Attention, la dérive est facile. La Plateforme pour le commerce équitable (PFCE), créée en 1997, est un collectif national de concertation et de représentation d’acteurs de commerce équitable français, et même du tourisme équitable. Ensemble, le collectif fait valoir les vertus du « vrai commerce équitable ». D’ailleurs, la quinzaine du commerce équitable est un événement phare pour faire la promotion de la démarche. Quand les grands groupes s’en mêlent, les petites organisations doivent se regrouper, associer les efforts, au moins pour pouvoir survivre.

Un label public, est-ce pertinent ?

Et l’Etat ? Peut-il s’impliquer davantage ? Sûrement. Mais quant à savoir si la solution demeure dans la création d’un label équitable garanti par les pouvoirs publics, c’est beaucoup moins évident. L’Etat, par exemple dans la gestion du label “Agriculture biologique”, peut garantir que le produit est sans pesticide, mais ne peut promettre que le circuit de production et de distribution soit en totale adéquation avec la problématique environnementale. L’intégrité politique devrait davantage appuyer la démarche. Déjà que le débat en France autour du commerce équitable n’a pour l’heure débouché que sur une définition du commerce équitable. En plus, comme le révèle Antoine de Ravignan, rédacteur de Alternatives Internationales, « le monde associatif craint qu’un label public se borne à définir quelques critères mesurables - comme le prix au producteur -, ce qui ouvrirait la porte à des acteurs qui n’ont cure du volet politique du commerce équitable ». Restent des initiatives, individuelles parfois, mais aussi la formidable implication d’associations à but non lucratif qui continuent de mener cette bataille pour un prix juste. Et nous, dans notre zone de vie, dans l’Océan Indien, à La Réunion, peut-on se tourner vers le commerce équitable ?

Willy Técher


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