Plus de croisières aux Seychelles, Emirates licencie le tiers de son personnel

Le modèle actuel de tourisme ne pourra pas survivre au coronavirus

19 mai 2020, par Manuel Marchal

La fermeture des Seychelles pendant deux ans aux bateaux de croisière et le licenciement du tiers des effectifs d’Emirates, compagnie aérienne en pleine dynamique avant la crise, soulignent que dans notre région et ailleurs dans le monde, beaucoup pensent que le modèle de l’industrie touristique ne survivra pas à la crise du coronavirus. D’où la nécessité d’envisager un autre développement, ce qui ne semble pas être le chemin suivi à La Réunion où certains pensent qu’en y mettant les subventions et en demandant à l’État de supprimer la quarantaine à l’entrée à La Réunion, il sera possible de repartir comme avant. C’est à l’opposé du choix responsable fait par les Seychelles.

L’épidémie de coronavirus a entraîné une remise en cause radicale de nombreuses certitudes. L’industrie du tourisme en fait partie. Avec une épidémie d’une telle ampleur et sans vaccin, qui peut croire que tout va reprendre comme avant au bout de quelques mois ?
Plusieurs informations rappellent cette réalité que certains vendeurs d’illusion à La Réunion semblent ignorer et font en tout cas ignorer à la population.

Plus de croisières aux Seychelles

La première information capitale vient des Seychelles. Cet État de notre région est peuplé de moins de 100.000 habitants, et le tourisme est donc une source importante de recettes. Malgré cela, les Seychelles ont décidé d’interdire pendant 2 ans toute arrivée de bateaux de croisière dans ses ports. Cette mesure vise à éviter toute résurgence de l’épidémie de COVID-19 aux Seychelles. En effet, grâce à la fermeture de l’aéroport au trafic passagers, les Seychelles ont réussi à se préserver de l’épidémie. Au plus fort de la crise, moins de 20 cas étaient dénombrés, et cela fait depuis près de trois semaines qu’aucun nouveau cas n’a été révélé.
A La Réunion, une telle éventualité ne manquerait pas de soulever quelques indignations. Aux Seychelles, c’est le choix de la raison et de la responsabilité. En effet, le directeur de Seychelles Ports Authority a déclaré : « La Seychelles Ports Authority apprécie le fait que le gouvernement ait pris une décision prudente pour atténuer l’impact que COVID-19 pourrait avoir à moyen terme. Il convient de noter que l’industrie des croisières a été un catalyseur majeur par lequel le COVID-19 s’est propagé à travers le monde (…)il est important de reconnaître le fait que le facteur de risque d’une résurgence du COVID-19 aux Seychelles l’emporte de loin sur le coût d’opportunité de ne pas avoir des escales de croisière dans le port pour les deux prochaines années ».

Emirates licencie un tiers de ses effectifs

C’est du Moyen-orient que vient l’autre information capitale : Emirates s’apprête à licencier 30.000 salariés sur 105.000, soit quasiment le tiers de ses effectifs.
Avant la crise du coronavirus, Emirates n’était pas dans une situation aussi inquiétante que d’autres compagnies comme Air Austral. Sa santé était si vaillante, que Emirates avait sérieusement rebattu les cartes de l’offre de vols long-courrier intercontinentaux ce qui obligea les anciennes majors à revoir leur stratégie sans pouvoir trouver la parade à la croissance d’Emirates et des autres compagnies du Golfe comme Ethiad ou Qatar Airways. C’est ce que rappelle la création par Air France de Joon, une low-cost long-courrier qui n’a pas réussi.
Pour la direction d’Emirates, les choses sont claires, « nous prévoyons qu’il faudra au moins 18 mois, avant que la demande de voyages ne revienne à un semblant de normalité », a dit son PDG, le Sheikh Al Maktoum.
Si une compagnie en pleine croissance décide de se séparer du tiers de son effectif, c’est bien parce qu’elle pense que croire que tout va revenir comme avant est une illusion. D’où l’importance de revoir le modèle, et ce sont les salariés qui paient par la perte de leur emploi le coût de cette crise.

Le tourisme sous perfusion à vie de la Région Réunion ?

A La Réunion, des professionnels du tourisme et la Région n’en sont pas encore à ce niveau de réflexion. Ils tentent de colmater les brèches, priant le gouvernement de prendre des mesures pour supprimer toute quarantaine, une mesure suicidaire compte-tenu du taux de prévalence du COVID-19 en France. Pendant ce temps, le contribuable réunionnais, via la Région Réunion, est prié de payer encore pour un « bon » supplémentaire : après le « bon » pour payer moins cher l’avion, le « bon » pour avoir un ordinateur gratuit, c’est un « bon » de 300 euros qui est proposé à condition de le dépenser chez des professionnels du tourisme à La Réunion.
Or, il est clair que si à La Réunion, certains pensent que tout va redémarrer comme avant, alors le seul moyen est de subventionner à vie par la Région Réunion toutes les structures qui vivent du tourisme dans notre île.
En effet, les principaux pays émetteurs de touristes pour La Réunion se situent dans l’épicentre de l’épidémie. Et plus largement, les habitants de l’Europe occidentale et les États-Unis sont confrontés à une crise sanitaire toujours pas résolue, qui est devenue aussi crise économique et sociale. Faute de vaccin contre le coronavirus, la règle reste l’application des mesures barrière et de la quarantaine dans des pays comme La Réunion. Cela signifie par exemple la fin des voyages long-courrier dans des avions transportant plus de 400 passagers venus pour une ou deux semaines. En effet, à quoi bon dépenser des milliers d’euros pour passer ses vacances enfermé dans un hôtel ou dans une chambre pendant 14 jours ?
Pour les Seychelles, c’est la fin des croisières pendant deux ans, et gageons que d’autres pays imiteront cette initiative responsable qui casse un des vecteurs de l’épidémie.
Vivre avec le coronavirus, cela signifie revoir totalement le modèle du tourisme et non pas bercer la population d’illusions à coup de subventions qui sont financées par la même population, et de propositions qui mettent en danger la santé de cette même population.

M.M.

Luttes pour l’emploiA la Une de l’actuDidier RobertCoronavirus

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