Le pays du Soleil levant séduit par l’excellence du café réunionnais

24 janvier 2007

Koman i lè ? C’est par ces mots que José Kawashima, directeur du Centre de recherches de l’Ueshima Coffee Company (UCC) a salué des élus du Conseil Régional ainsi que les acteurs réunionnais de la filière café présents hier à l’Auberge La Clé des Champs, dans les Hauts de Saint-Paul. L’ingénieur japonais n’étais pas venu seul. En effet, la délégation de l’UCC comptait une bonne dizaine de membres. C’est dire l’importance que cette entreprise, la première au Japon dans le secteur du café, avec 35% de parts de marché, accorde au contrat conclu avec l’Union des producteurs de café de La Réunion, sous l’égide du Conseil Régional.

Le marché conclu hier est la première consécration de la pertinence de la relance de la filière Café gourmet dans notre île. Dans son discours, hier, Paul Vergès a rappelé que, lorsqu’il accéda à la présidence de Région, en 1998, un de ses souhaits a consisté à revaloriser le café bourbon pointu. À l’époque, il est l’objet d’une avalasse de critiques.
Dans le même temps, deux phénomènes se produisent qui accompagnent cette volonté politique. D’une part, la trajectoire de Jose Kawashima a été importante dans la conclusion de ce contrat. En effet, il a travaillé, au cours des années 1970, sur le bourbon pointu lorsqu’il faisait ses études d’ingénieur. A la fin des années 1990, d’après l’entretien qu’il nous a accordé, il est revenu à La Réunion afin de voir quelle était la production locale. En août 1999, ayant appris les souhaits de la présidence de région, il contacte les personnes ressources de cette collectivité afin de mettre en valeur le “Bourbon Pointu” de La Réunion.
D’autre part, sur le plan intérieur, le CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) se lance dans un certain nombre d’expérimentations pour sélectionner le meilleur arôme possible, en collaboration avec les agriculteurs de la CIVAM (Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural à La Réunion).

La filière se met en marche

En 2002, la formation des caféiculteurs débute. Plus de soixante-dix producteurs se mettent à travailler cette culture de façon bénévole, avec la mise en place de parcelles expérimentales. Le Conseil Régional décide, cette même année, de financer un programme d’identification, d’expérimentation et d’expertise pour le lancement de la filière haut de gamme “Bourbon Pointu” à La Réunion. Le 6 mars 2004, l’Association des Caféiculteurs Associés pour une Filière Economique à La Réunion (CAFE-Réunion) est créée officiellement. Dans le même temps, les acteurs de la filière café se rendent au Costa Rica ou en Ethiopie, afin de mieux percevoir l’étendue des techniques de production de cette rubiacée.
L’aboutissement de la collaboration avec la CIRAD est prévu, selon Fabrice Gaulin, de “Café Réunion”, à la fin 2007. La fin de ce programme d’expérimentation devra se conclure par une sélection des meilleurs plants mais également des meilleurs terroirs locaux. Les mises en culture doivent commencer en 2008 et les récoltes débuteront en 2011. Une usine est prévue d’ici à 2012 ou 2013.
La visite que la dizaine de membres de cette entreprise a accomplie hier et aujourd’hui leur a permis de prévoir une exportation du café pei en mars 2007 pour une opération de commercialisation envisagée le mois suivant. Pour leur retour au pays du soleil levant, quoi de plus normal que de leur dire : « Alligato » (« merci » en japonais) ?

M. D.


La mémoire passe aussi par l’odeur

Dans son discours à l’adresse des Japonais et des acteurs de la filière du café, Paul Vergès les a remerciés. En effet, selon ses mots : « Ils nous aident à nous réapproprier notre histoire ». Il rappelle alors qu’à la Réunion, le caféier est un arbuste endémique. Il indique ensuite que l’histoire de l’île est tellement marquée par cette rubiacée que de nombreux lieux possédaient un espace appelé argamas, où l’on faisait sécher le café. Un hameau de l’Entre-Deux s’appelle d’ailleurs toujours ainsi. Puis, il fait référence à la Plaine des Grègues pour demander : « Qu’est-ce qu’une grègue ? » Et de répondre immédiatement qu’il s’agit d’un vieux mot français qui signifie chaussette. Donc, en cet endroit, mais aussi dans de nombreux autres écarts des Hauts, on faisait passer le café par les mailles des grègues. Le café “coulait” et son rendu donnait une couleur encre de Chine.
Proust avait sa madeleine, les Réunionnais ont leur café pei. Le Président de la Région se rappelle ainsi de l’odeur caractéristique des matins, dans les Hauts : celle du café grillé, puis “coulé”. Il est heureux de constater que, grâce à une volonté politique, les Réunionnais font sienne d’un autre fragment de leur histoire. Enfin, non content de s’en tenir là, il rappelle que Louis XIV buvait en son temps du Bourbon pointu à sa table. Il souhaite profiter de l’occasion qu’il a de rencontrer Chirac et Villepin, le 3 février à Paris lors d’une conférence internationale sur le climat pour que cette variété soit à nouveau reconnue à sa juste valeur. Tremperont-ils une madeleine dedans ?

M. D.


Le café bourbon pointu

Tout d’abord, un avertissement liminaire : Fabrice Gaulin, le représentant de « Café Réunion » nous informe que la marque « Bourbon pointu » que nous trouvons à Carrefour, par exemple, est d’origine malgache. Il ne contiendrait, d’après ses sources qu’1% de bourbon pointu. C’est pourquoi, Café Réunion a déposé une plainte à l’Office de répression des fraudes afin que ce produit ne puisse plus se prévaloir d’une telle appellation.
Le produit est prévu pour les épiceries fines et les grands hôtels. C’est un produit de « niche », dans le sens où les coûts de production interdisent une fabrication qui ne soit pas dirigée vers le haut de gamme.
La certification « bio » n’est pas recherchée pour l’instant. En effet, les producteurs ont peur des ravageurs qui pourraient détruire les premières plantations. Or, l’utilisation d’un seul pesticide contre un caféier malade a permis, une fois, d’éviter que cette infection ne se répande
aux autres.
En revanche, ils ont fait la démarche pour obtenir l’Identification Géographique Protégée. L’avantage de celle-ci par rapport à l’Appellation d’Origine Contrôlée réside dans le fait qu’elle est valable pour toute l’Europe, et qu’elle a une portée juridique. En outre, ils entameront peut-être une norme ISO pour le marché nord-américain.
Enfin, pourquoi « pointu » vient-il compléter « bourbon » ? Cette appellation vient de la forme du caféier (voir photo), mais également de celle de sa graine. Pour les curieux, sachez que cette variété est issue d’une mutation génétique, dite « Laurina », de l’Arabica. Une des grandes particularités de ce café réside dans sa très faible teneur en caféine. A consommer sans modération !

M. D.


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