La chronique économique

Le retour au protectionnisme ?

10 août 2006, par Risham Badroudine

Le protectionnisme désigne la mise en œuvre de moyens destinés à limiter l’accès au territoire national des produits, services et capitaux étrangers (droits de douanes, réglementation, quotas...). L’État intervient dans l’économie pour protéger ses entreprises et aider ses produits par la mise en place d’un certain nombre de mesures.

Les économistes libéraux ont toujours critiqué les mesures protectionnistes et préconisé le libre-échange. L’instrument le plus classique du protectionnisme est la barrière douanière formée par les droits de douane. Le montant des droits de douane est un indice fiable du degré de protectionnisme. Des normes sanitaires ou techniques spécifiques, des avantages donnés aux produits nationaux par l’État, constituent aussi des protections efficaces.

Mais lorsqu’on analyse l’histoire économique, on constate que les pays développés ont construit leur industrie en utilisant le protectionnisme. Une fois que leur industrie est devenue supérieure au reste du monde, ils ont ouvert leurs frontières à la concurrence. Cette politique a permis à ces pays de prévenir l’émergence de concurrents mais aussi d’acquérir des matières premières à moindre coût.

Aujourd’hui ces pays reviennent-ils au protectionniste car ils se sentent menacés par l’émergence de nouveaux pays industrialisés du Sud ?
Des grands économistes " libéraux " comme Joseph E. Stiglitz (Prix Nobel d’Economie 2002) ou encore Paul Samuelson (Nobel d’Economie et professeur au Massachusetts Institutes of Technology) analysent aujourd’hui les conséquences négatives du libre-échange pour les Américains, victimes de la pression à la baisse sur les salaires exercée par la Chine et l’Inde.
La concurrence des entreprises des pays du Sud fait aujourd’hui peur aux pays développés. Le président des Etats-Unis dispose même depuis 1998 d’une arme pour contrer les OPA jugées dangereuses : le Cifus (Committee on Foreign Investments in the United States). Cet organe lui recommande d’interdire tout projet qui mettrait en péril la " sécurité nationale ".

A l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), Pascal Lamy a beaucoup de mal à boucler le cycle " de Doha ". Les efforts faits jusqu’à présent sont aujourd’hui remis en cause. Les discussions entre pays industrialisés et émergents n’ont pratiquement aucun résultat. Les Américains refusent d’ouvrir le marché des produits agricoles. Cet échec de " Doha " nous renvoi à la question de la canne et du sucre. Pourquoi l’Europe a-t-elle voulu faire payer aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et à l’Outre-Mer, par une baisse du prix du sucre, alors que les Américains continuent de protéger leur marché agricole ?

Le temps où les grandes puissances occidentales s’entendaient d’abord entre elles avant de négocier au cas par cas avec le reste du monde est révolu. Les pays en voie de développement ne veulent plus la domination de l’Occident. Le Brésil, la Chine et l’Inde ont pris du poids. Les autres pays en développement sont aussi décidés à faire entendre leur voix.

En quinze ans, le déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine s’est considérablement creusé. La Chine est de plus en plus compétitive dans le secteur industriel.
L’Inde forme plus de 500 000 ingénieurs anglophones de haut niveau chaque année, soit quasiment autant que les Etats-Unis.
Le secteur de la Recherche et Développement (R&D) connaît un essor spectaculaire en Chine et en Inde. Aujourd’hui, ces pays sont beaucoup plus que de simples sous traitant.

Risham Badroudine

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