Équipement et foncier industrialo-portuaire

Le TCO propose le rachat d’un terrain “réservé”

22 octobre 2004

En commission permanente, mercredi, il s’est trouvé une majorité d’élus pour voter l’attribution aux Brasseries de Bourbon d’un terrain du Port appartenant au Département, et voué à une activité d’exportation. Le Territoire de la côte Ouest a d’autres projets et propose au Département de lui racheter ce même terrain, dont il semble être encombré...

La décision votée mercredi en Commission permanente, concernant un terrain à vocation industrialo-portuaire - mais dont la destination est “réservée” depuis un an - en a surpris plus d’un. Précipitée, incohérente, la décision d’attribuer neuf hectares de la zone portuaire aux Brasseries de Bourbon ressemble à première vue à un canular... Mais elle a bel et bien été votée ! Ou peut-être est-ce l’une de ces bourdes monumentales dont certains de nos élus ont le secret.
Il faudra un jour raconter par quels “arguments” un obscur émissaire, proche parent d’un ancien préfet de La Réunion devenu directeur de cabinet à l’Élysée, a pu, à force de s’agiter du côté de Saint-Paul, pousser certains élus du Département à prendre une décision qui risque d’inquiéter les milieux économiques par son incohérence, dans un contexte de rareté du foncier industriel.
Le terrain en question est situé au Port dans une zone de 11 hectares commercialisables, pour lesquels le Département se plaint de ne pas trouver d’opérateurs.

Menace d’une délocalisation à Maurice

"Le CPI (comité de pilotage de l’industrie) a approché peut-être 450 entreprises, sans en trouver une qui soit intéressée par un projet d’export. La Réunion n’est pas un pays d’export industriel", expliquait hier Christian Dijoux, directeur général des services au Département.
Cette collectivité et ses élus ne peuvent toutefois ignorer les projets en cours et le temps nécessaire à leur construction. Y avait-il une urgence économique prioritaire à répondre précipitamment aux Brasseries de Bourbon, qui disent chercher à déménager depuis cinq ans déjà, entre autres raisons pour réduire leurs coûts de transport ? Et qui, pour en convaincre des élus peu regardants, n’ont rien trouvé de mieux que de menacer d’une délocalisation à Maurice !

Les conseillers de la majorité ont opté pour la précipitation, en partie pour satisfaire leurs amis de la Semader, qui se plaignent eux aussi de perdre 150.000 euros de loyer par an, depuis la mise en liquidation de l’entreprise textile TSB, victime de la crise malgache de 2002.
Le débat entre les élus a porté sur la vocation export des terrains du Port et sur la consommation d’eau. On a déjà dit le peu de confiance que les conseillers généraux de la majorité mettent en la capacité des Réunionnais à développer une industrie à l’export.
Sur le second point, le parti pris est pour le moins léger. Les conseillers de la majorité semblent avoir oublié que la DRIRE (direction régionale de l’industrie, la recherche et l’environnement) a déjà refusé un terrain du Port aux Brasseries de Bourbon, à cause de sa consommation d’eau.
Et Cyrille Hamilcaro, qui fustigeait la consommation d’eau du projet Promergy, a été un des plus virulents dans la défense d’une entreprise qui en consomme quatorze fois plus !
La réponse à toutes les objections sur ce point s’appelle au Conseil général “transfert des eaux” : 8 millions de mètres-cubes attendus (...mais quand ?) qui devront à hauteur de 30% satisfaire les besoins nés de l’urbanisation et de l’industrialisation.

Gaspillage choquant

Dans un précédent article, pour faire saisir l’énormité du volume d’eau gaspillé dans les tunnels du transfert, “Témoignages” avait interrogé... les Brasseries de Bourbon, qui nous avaient alors répondu que les quantités perdues chaque jour sur le chantier équivalaient à peu près à deux mois et demi de consommation de l’entreprise. Ce qui veut dire que, de part et d’autre, il s’agit de volumes extrêmement importants...
Compte tenu des conditions dans lesquelles s’est opéré ce revirement du Conseil général, les choses n’en resteront certainement pas là. Le vote, acquis contre les objections du maire du Port et malgré un avis défavorable du Territoire de la côte Ouest - qui a fait d’autres propositions aux Brasseries de Bourbon - pourrait déclencher une pluie de recours.
Les responsables du TCO ont fait part hier, par courrier, de leur "déception" devant "une décision choquante", tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, l’absence de concertation qui a présidé à ce choix court-circuite les logiques d’aménagement du développement économique. Sur le fond, le TCO explique que les Brasseries de Bourbon n’ont pas à être à proximité des quais et qu’un tel gaspillage va choquer et peut-être décourager les industriels.
La solution de sortie de ce qui ressemble à une belle bourde tiendrait dans l’offre de rachat que le TCO propose au Conseil général, si vraiment il s’impatiente de ne pouvoir rien faire de ses terrains. "Ce n’est pas une raison pour gaspiller un foncier stratégique" disait-on hier au TCO.
En présence d’un élément nouveau, rien n’oblige la présidente du Conseil général à donner suite au vote de mercredi. Une autre issue est possible, qui permet de se sortir honorablement de ce mauvais pas. La réponse devrait être connue en fin de semaine.

P. David


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