Accords de partenariats économiques

Les agriculteurs s’inquiètent toujours de la concurrence des produits importés

12 novembre 2007, par Edith Poulbassia

Malgré l’annonce d’un accord spécifique entre Maurice, Madagascar, Les Comores, les Seychelles et La Réunion, les agriculteurs sont inquiets pour l’avenir de la production locale. Ils ne veulent finalement pas d’un accord spécifique, mais demandent tout simplement que les régions ultrapériphériques soient exclues des accords de partenariats économiques. Lesquels laisseraient les produits des pays en voie de développement rentrer à La Réunion sans quota et sans droits de douane.

« Un accord uniquement avec les pays de la COI n’est pas suffisant. Nous demandons à ce que les Régions ultrapériphériques (RUP) soient exclues des APE ». C’est en somme la position de la CGPER concernant les APE (Accords de Partenariats Économiques). Malgré l’annonce, il y a une semaine, par le Président de la Région Paul Vergès, de la possibilité d’un accord spécifique régional entre les 4 pays de la zone (Maurice, Madagascar, Comores, Seychelles) et La Réunion, les agriculteurs ne sont pas rassurés. Ils craignent que cet accord ne suffise pas à préserver la production locale de fruits et légumes dans le cadre général des APE, qui devraient être appliqués dès 2008. La CGPER continue à demander que ces APE soient conclus uniquement avec l’Europe continentale.
Pour Jean-Yves Minatchy, Président de la Chambre d’Agriculture, l’accord spécifique ne va pas empêcher la concurrence des fruits et légumes importés. « La concurrence ne fait pas de cadeau. Avant de signer, il faut que toutes les données soient prises en compte ». Les pays voisins ont déjà entrepris des efforts pour diversifier leur production et concurrencer La Réunion. Ainsi, Maurice envisage de diversifier jusqu’à 30% de sa surface cannière, et Madagascar commence à concurrencer le café Bourbon Pointu, alors que le Cirad a fait des efforts de recherche pour ce produit d’excellence. Autre exemple : la production d’ail et d’oignon. « Avec les efforts des techniciens, la Réunion produit 1000 tonnes d’oignons pour 8000 tonnes consommées sur le marché. » Pour la CGPER, il y a des menaces directes qui pèsent sur les efforts entrepris depuis des années pour l’agriculture réunionnaise.

Pour un “traitement différencié” des RUP

Un accord spécifique avec les 4 pays de la COI ne protège pas la production de fruits et légumes locale de la concurrence des autres pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique). « L’Afrique du Sud est la plus grande puissance économique de la côte africaine. Elle dispose de 100 millions d’hectares de surface agricole. Avec un Smic qui atteint à peine 200 euros », précise Jean-Yves Minatchy. La pomme de terre, la carotte, les agrumes, les fleurs coupées en avril et mai... Ces produits qui proviennent du Mozambique, du Kénya, de la Tanzanie se trouvent déjà sur le marché réunionnais. « Le Kenya par exemple exporte de tiges de roses chaque année », ajoute le Président de la Chambre d’agriculture. A des prix 7 fois moins élevés qu’à La Réunion.
Il y a 5 mois, le Président de la Chambre d’Agriculture a demandé à rencontrer l’ensemble de la classe politique pour exposer leurs craintes et réfléchir à une solution. Auprès de Michel Barnier, Ministre de l’Agriculture et de la Pêche, et de Christian Estrosi qui ont eu l’occasion de visiter des exploitations, les agriculteurs ont insisté sur la nécessité de travailler en concertation. Jean-Yves Minatchy regrette qu’à ce jour les agriculteurs ne soient pas associés aux décisions concernant les APE.
Maintenir l’octroi de mer, maintenir les droits de douane pour les produits déjà protégés pour ne pas casser la dynamique engagée, c’est ce qu’attendent les producteurs de fruits et de légumes. Il sont 2200 à vivre de ce secteur d’activité, pour 10% de la surface agricole utile de La Réunion. L’agriculture a rapporté 113 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2005. Seul “un traitement différencié”, comme il a été possible de faire avec l’OCM sucre, peut permettre aux producteurs locaux de préserver leur activité.

Edith Poulbassia


A Madagascar, l’ananas à 20 centimes le kilo

Un jeune agriculteur, Emmanuel Darid, Président de la Confédération des Producteurs de Fruits de La Réunion (affilié à la CGPER), cultive l’ananas depuis 2 ans à Bras-Panon. Ses produits sont essentiellement destinés à l’exportation et à la transformation. Ses ananas sont rachetés entre 70 et 75 centimes d’euros le kilo par une société. Or, Madagascar produit à un coût beaucoup plus faible : 20 centimes d’euros le kilo. Autre exemple : un kilo de piment est vendu à 8 euros à La Réunion, le piment de Madagascar coûte un euro. « Si ces produits sont importés en plus grande quantité, que va t-on faire des ananas et des autres fruits et légumes ? », s’interroge le jeune agriculteur. Si les frais de douane préservent la production locale pour le moment, les prix des produits importés restent plus faibles.
Les producteurs de fruits et légumes s’inquiètent aussi du suivi technique, de l’utilisation des produits phytosanitaires dans ces pays. « Les normes européennes sont-elles respectées ? » A La Réunion, les agriculteurs doivent tenir un cahier de suivi des cultures, la DAF impose un contrôle stricte.

EP

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