Un exemple d’agriculture durable à La Petite-Île

Les avantages de la production fruitière raisonnée

22 mai 2004

Au cœur de La Petite-Île, berceau de la production réunionnaise d’agrumes, Charles Vitry possède un verger d’un hectare composé d’oranges et de clémentines, et qui représente bon an, mal an, une production de 15 à 20 tonnes de fruits. L’exploitation de Charles Vitry se démarque des autres vergers en ce sens qu’elle fait partie des trois expériences pilotes menées en partenariat par les services de la Chambre d’agriculture et le Forum agricole pour une agriculture raisonnée responsable de l’environnement (FARRE). La production raisonnée en arboriculture fruitière "est un exemple à suivre pour s’engager dans un développement agricole durable" insiste Didier Vincenot, responsable filière fruits à la Chambre d’agriculture.
La “production raisonnée”, c’est tout simplement un ensemble de techniques qui consistent à entretenir le verger pour améliorer la qualité de la production fruitière, sans porter préjudice à l’environnement et à la santé humaine. En cela, c’est une réponse à une demande croissante de la part des consommateurs de plus en plus exigeants sur la qualité des produits. Actuellement, trois expériences sont menées sur des parcelles
pilotes à La Petite-Île, dont celle de Charles Vitry. Chaque semaine, ces vergers sont suivis par des techniciens agricoles qui s’assurent du respect des principes de la production raisonnée, à savoir : ajustement de la fertilisation en fonction d’analyses foliaires annuelles, maintien d’une couverture végétale sur le sol pour limiter l’érosion, préserver les nappes phréatiques et contribuer à la fertilisation du sol. Enfin, ces visites hebdomadaires permettent d’avoir un traitement phytosanitaire localisé et appliqué seulement en cas d’infestation parasitaire compromettant pour la récolte.

Achats de produits divisés par deux !

Évidemment, trois parcelles-pilotes dans une commune qui assure à elle seule le quart de la production d’agrumes de l’île, avec 2.000 tonnes, c’est peu. Mais les techniciens comptent sur un effet boule de neige et une propagation “naturelle” auprès des autres exploitants. Dans la mesure où les arboriculteurs constituent un public plutôt jeune (moins de 40 ans de moyenne d’âge), la remise en cause des techniques de production habituelles ne constitue pas un obstacle majeur. En revanche, reconnaissent Didier Vincenot et René-Claude Barret, élu de la Chambre verte, chez les arboriculteurs plus âgés, le message est plus difficile à faire passer.
Toutefois, les perspectives de la production raisonnée sont plus qu’intéressantes. Charles Vitry lui, avance un argument de poids : là où il dépensait chaque année entre 15 et 20.000 francs de produits phytosanitaires, la dépense est aujourd’hui réduite de moitié ! Mais les mentalités seront certainement difficiles à faire évoluer. Lorsqu’un arboriculteur voit sur ses arbres des “bébêtes”, son premier réflexe est de traiter à grands renforts de pulvérisation de produits phytosanitaires. Or, en production raisonnée, il ne s’agit pas d’un traitement “tous azimuts” mais au contraire de choisir les produits les plus sélectifs possibles afin d’éliminer les insectes nuisibles, mais de préserver les insectes utiles, en faisant également appel aux techniques de piégeage.
D’un aspect purement visuel, un verger en production raisonnée se remarque également par une couverture végétale au sol et un fauchage régulier de l’herbe entre les arbres. L’herbe permet d’éviter l’érosion. Le fauchage enrichit le sol et reconstitue en quelques années la couche d’humus indispensable à l’équilibre nutritionnel des arbres. Enfin, ce tapis végétal sous les arbres abrite aussi en son sein toute une série d’insectes utiles. Ces derniers contribuent de manière spectaculaire à réduire les attaques d’insectes nuisibles, telles les araignées rouges. C’est ainsi que l’on remarque un très faible développement des populations de cochenilles dans les vergers en production raisonnée.
On l’aura compris : la production raisonnée en culture fruitière, c’est tout bénéf. D’une part l’agriculteur réduit de moitié ses coûts de production en diminuant par deux les apports d’intrants et les interventions humaines. Et au bout du compte, on se retrouve dans une logique de développement durable, puisqu’ainsi, tout en améliorant la rentabilité de l’exploitation, on préserve la fertilité des terres pour les générations futures.

S.D


Une démarche officielle

La production raisonnée, d’une manière générale, consiste à mettre en œuvre des méthodes de production aussi compatibles que possible avec la préservation de l’environnement. Un référentiel de l’agriculture raisonnée, fixé par un décret ministériel en date du 25 avril 2002, officialise cette démarche pour permettre aux agriculteurs d’obtenir la qualification “Agriculture raisonnée”. À noter qu’à La Réunion, cette démarche est soutenue par les collectivités, dont la Région.


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