Les éleveurs de bovins lancent un appel de détresse

11 avril 2007

Hier matin, plusieurs éleveurs, notamment ceux de l’Adefar (l’association de défense des agriculteurs de La Réunion), se sont donné rendez-vous au rond-point de la Balance à Saint-Pierre pour faire connaître les difficultés qu’ils rencontrent actuellement face à la crise sanitaire. En signe de protestation, ils ont donc placé un tracteur en plein milieu de la chaussée, ce qui a perturbé la circulation.
De nombreuses maladies sévissent dans leur troupeau, notamment la “fièvre Q”, et aujourd’hui, les bêtes meurent les unes après les autres. Les éleveurs souhaitent qu’il y ait plus de transparence sur ces maladies, premièrement pour le consommateur, mais également pour eux-mêmes, en tant que producteurs.

Les éleveurs ont ramené une vache malade.(photo S.P.)

La crise sanitaire soulevée aujourd’hui ne date pas d’hier. En effet, selon les éleveurs présents hier matin, cette situation dure depuis 2003. L’Adefar met en cause un bateau qui transportait des bêtes vers La Réunion en 2003, qui était contaminé par un certain nombre de maladies, notamment la “fièvre Q”. « On aurait dû abattre tout le troupeau, mais au lieu de ça, les bêtes ont été placées dans nos étables sans aucune vérification, rien n’a été fait », souligne un éleveur. Un autre nous explique que la “fièvre Q” est transmissible à l’Homme, et si cette maladie est détectée chez l’humain, il est immédiatement placé en quarantaine, mais concernant les animaux, il n’y a aucun problème, il peut être transporté même si cette maladie provoque des fièvres, malformations, avortement...
Un éleveur ira même jusqu’à dire que les effets de cette maladie sont les mêmes que ceux du chikungunya. On peut alors se poser des questions, à savoir pourquoi la DSV (Direction des Services Vétérinaires) n’a-t-elle pas agi ?
Nicolas Krieger, Directeur adjoint de la DSV chargé des ruminants et animaux de compagnie, venu rencontrer les éleveurs vers 12h15, accompagné du sous-préfet de Saint-Pierre, Olivier Magnaval, explique que cette maladie “fièvre Q” ne fait pas partie des maladies réglementées et donc, n’est pas à la charge de l’Etat. « Des scientifiques européens ont classé cette maladie dans la catégorie “maladies non réglementées” car ils estiment qu’elle ne présente pas de dangers potentiels pour la vie humaine, ni pour la vie économique », précise Nicolas Krieger.
Et que dire des abattages nocturnes qui se dérouleraient chez certains éleveurs ? Face à cette crise, ces éleveurs ne savent plus quoi penser, ni quoi faire. Les maladies tuent leur cheptel, et ils se retrouvent quasiment tous endettés.

C’est tout un cercle vicieux

Joseph Payet, éleveur au Petit Tampon, résume bien la situation. « A l’époque, on avait déjà emprunté de l’argent pour lancer notre exploitation. En 2003, lorsque ce bateau contaminé est arrivé dans les exploitations, les maladies ont commencé à se propager. De nombreuses bêtes sont mortes, et on était obligé d’emprunter encore une fois de l’argent à la banque pour continuer de travailler. Moi et beaucoup d’autres avons été obligés de vendre des biens de famille pour continuer à travailler, et aujourd’hui, nous ne pouvons plus, nous n’avons plus rien. De nombreuses familles vivent aujourd’hui avec le soutien du Secours catholique ».
Joseph Payet demande comment on peut justifier la perte de 5.000, voire 7.000 bêtes, sur l’île en 7 ans ? Quelles sont ces maladies ? D’où viennent-elles ? « On est en colère quand on entend la Sicalait dire que c’est de la faute des éleveurs si les bêtes sont malades, elles ont été mal nourries. C’est inadmissible d’entendre ce genre de propos. Dans ce cas, si c’est la nourriture qui est de mauvaise qualité, il faudrait s’en prendre à l’Urcoopa ! ».
Aujourd’hui, la banque ne leur accorde plus de prêts, et ils se retrouvent au chômage et à demander le RMI et les aides de la CAF. De plus, « il faudrait que ces allocations ne soient pas versées sur nos comptes, sinon la banque bloquera tout et on se retrouvera sans rien. La banque nous a même demandé de prendre l’argent que nous avons placé pour nos enfants, c’est inacceptable », affirme Joseph Payet.
« Nous sommes victimes d’une mafia organisée et légale, ajoute-il, les éleveurs se demandent si La Réunion n’est pas prise pour un cobaye, pour servir de tests ».
Ils dénoncent certaines pratiques de la Sicalait et d’une banque bien connue des agriculteurs. « Les GFA (Groupement Foncier Agricole) et autres, qu’ils ont mis en place, c’est pour augmenter encore plus la fortune des créanciers. Le Plan de Développement Laitier (PDL) a mis tout le monde dans la m...) ».
Aujourd’hui, les étables sont vides, et qui va indemniser ces éleveurs ? Vont-ils pouvoir retravailler ? Beaucoup d’agriculteurs se posent aujourd’hui ces questions et demandent qu’il y ait un procès pour faire la lumière sur toute cette affaire.

Comment peut-on arriver à une situation pareille ?

Ces éleveurs se trouvent dans une situation extrêmement difficile. Ils voient des années de travail s’envoler, certains devaient transmettre leur exploitation à leurs enfants, qui se sont formés, obtenu des diplômes, et tout cela s’écroule. À cause de qui ? Ils se retournent vers la Sicalait.
C’est bien la Sicalait qui a importé des bêtes de Métropole par bateau, et sur ce même bateau, d’autres bêtes, elles, transportées pour le compte de la Sica Révia. Arrivées à bon port, dans notre île, la Sica Révia aurait abattu l’ensemble du troupeau. Ce qui n’est pas le cas de la Sicalait.
Lorsque des bêtes arrivent dans l’île, elles doivent être saines, dans le cas contraire, elles doivent être mises en quarantaine, et cela n’a pas été fait, ni par la Sicalait, ni par la DSV. Alors, c’est bien de dire que la maladie n’est pas réglementée, donc on ne s’en occupe pas, alors qui va s’en occuper ? Les génisses ont donc rejoint les exploitations de l’île sans le moindre problème. La maladie, l’IBR (voir encadré) , véhiculée par ces bêtes venues de Métropole s’est donc propagée et a contaminé d’autres exploitations. Devant ce désastre, les éleveurs se retournent vers la banque qui ne peut répondre favorablement à leurs demandes. Il ne faut pas oublier que la banque ne vous accorde des prêts que si vous êtes solvables. Et ce n’est plus le cas de ces éleveurs. Alors, vers qui se retourner ? Ces éleveurs sont ruinés, ils perdent leurs outils de travail, tout cela a des répercutions sur la santé, sur la vie de famille, tout s’écroule autour d’eux.
Dans cette crise, il est essentiel que chacun prenne ses responsabilités et trouve des solutions durables pour sauver cette filière qui est aujourd’hui menacée, et ce n’est qu’ensemble, tous les acteurs travaillant dans le même sens, que la situation pourrait redevenir normale.

Sophie Périabe


Réactions

• Payet Félix, représentant de la CGPER élevage

« Nous demandons que tous les acteurs se réunissent autour d’une table »

« Il faut faire la lumière sur toutes ces maladies et ne pas dire que c’est un mauvais éleveur. Cela va obligatoirement entraîner une baisse de la vente de viande et du lait, alors il est nécessaire que la Sicalait arrête de mettre la pression sur les éleveurs et travaille dans le bon sens. La CGPER, la Chambre d’Agriculture, la Sicalait, le Département, l’Etat, tous les acteurs concernés doivent se réunir autour d’une table pour trouver des solutions. Et si rien n’est fait, le mouvement va se durcir, et la CGPER soutiendra ce mouvement. Aujourd’hui, la situation est claire : le troupeau est malade, l’éleveur est endetté, le Crédit agricole ne suit plus, alors il faut trouver d’autres solutions car sinon, ce serait la fin de la filière ».

• M. Evenat, Directeur de la Sicalait

« Il faut bien qu’ils trouvent un coupable »

« Je ne suis pas au courant de ce mouvement, et je n’ai eu aucun appel de la part des éleveurs. Aujourd’hui, les éleveurs sont en difficulté et il faut bien qu’il trouve un coupable, alors il accuse la Sicalait ».

Propos recueillis par S.P.


L’IBR, c’est quoi ?

L’IBR (Infectious Bovine Rhinotracheitis, soit, en français, Rhinotrachéïte Infectieuse Bovine) est une maladie qui se manifeste par des épidémies d’infections pulmonaires. Elle est due à un herpès-virus qui n’atteint que les bovins : le Bov-HV1. Chez les animaux infectés, ce virus est également responsable d’avortements et d’infécondité. C’est pourquoi, on appelle l’IBR également IPV pour vulvo-vaginite pustuleuse infectieuse.
Les principaux symptômes sont une rhinite purulente puis nécrotique pouvant entraîner la mort des bovins lorsque la maladie se diffuse brutalement dans un lot de bovins. On observe également des vaginites pustuleuses à l’origine d’infécondité et des avortements principalement aux environs du 5ème mois de gestation.
Cependant, la plupart des animaux infectés n’auront pas de signes visibles de la maladie après avoir été infectés. Ils ne se débarrassent jamais complètement du virus et deviennent des "porteurs sains". Habituellement, ils ne sont pas spécialement contagieux pour les autres bovins. Mais ils peuvent redevenir contagieux en cas de stress important ou si l’immunité devient insuffisante : transport, stress, parasitisme pulmonaire...
La contamination entre bovins se fait surtout par contact direct car le virus ne survit pas plus d’une dizaine de minutes à l’air libre et sous l’action des UV. Dans quelques rares cas, une transmission par le matériel a été mise en cause.
Un cas très particulier de contamination mère-veau est aussi possible : lorsqu’une mère porteuse du virus de l’IBR vêle, elle est susceptible de transmettre à son veau le virus. Lors de la prise colostrale (1ère phase de lactation), le veau absorbe des anticorps lui permettant de se protéger de la maladie. Grâce aux anticorps maternels, tout se passe comme si le veau avait éliminé le virus. Mais le virus reste tapis dans les ganglions nerveux. De ce fait, le veau ne développe pas d’anticorps propres contre le virus, tout en étant un "porteur sain" ou "latent", et sera séronégatif aux prises de sang à partir de 4 mois. C’est plus tard, à l’occasion d’un stress (transport, vêlage,...) que le virus sera réactivé et pourra contaminer d’autres animaux, et que le bovin deviendra séropositif. Aussi, la seule manière de se protéger vis-à-vis de cette éventualité est de n’acheter des bovins que nés dans les élevages indemnes, c’est-à-dire dans lesquels il n’y a eu aucune circulation du virus IBR depuis au moins 2 prophylaxies.

(Source : site des Groupements de Défense Sanitaire de Rhône-Alpes)


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • Bonjour.J’ai contracté la fievre Q en Mai 2005:hepatite aigue,endocardite,opération du coeur et changement de la valve nitrale.La sécurité sociale estimant que c’est une maladie bénine bien sur je n’ai droit a aucune indemnité.Depuis sous antibiotique:plaquenil,doxicicline et ketek,j’ai de grosses fatigue cronique.Evidemment je n’ai ni assedics ni rmi ouisque normalement c’est comme ci j’avais un rhume.Les vaches meurent et les gens aussi mais l’état ne s’en occupe pas.Au fait je suis SDF bien entendu ;merci la fievre Q.J’ai habité la réunion de 1997 à 2OOO,si mon témoignage peut vous aider a faire vacciner,les ovins et bovins tant mieux.Daniel


Témoignages - 80e année


+ Lus