Nouvelle illustration de l’impasse de l’intégration

Les natifs de La Réunion minoritaires parmi les cadres à La Réunion

7 novembre 2020, par Manuel Marchal

Comparée à ses voisins, La Réunion est sans doute le pays où la proportion des natifs parmi ses cadres est la plus réduite. Moins de la moitié des postes de cadres sont en effet occupés par des personnes nées à La Réunion. Cette statistique rapproche La Réunion, considérée alors comme une région, de la moyenne des autres régions françaises. C’est une nouvelle illustration de l’intégration de La Réunion au sein d’un ensemble situé à plus de 10.000 kilomètres, de l’autre côté de l’Afrique. Car même si le rattrapage avec la moyenne française était atteint, alors à peine plus de la moitié des cadres seraient des natifs. Quel contraste avec nos voisins, et aussi avec les Antilles !

L’orientation politique du système éducatif en place à La Réunion est-elle de lutter contre le chômage des jeunes Réunionnais à La Réunion ?

L’INSEE a publié hier une étude relative à la part des personnes nées à La Réunion dans l’encadrement. L’INSEE constate que 47 % des cadres employés dans notre île y sont nés, donc 53 % ne le sont pas :

« En 1990, les natifs de l’île étaient davantage présents parmi les personnes en emploi (84 % en 1990, 76 % en 2016).Cette évolution a suivi la même tendance dans les régions de France de province (71 % contre 65 %) ou aux Antilles (86 % contre 77 %), les populations se déplaçant plus facilement qu’avant. Parmi les travailleurs, les cadres sont particulièrement mobiles, à La Réunion comme ailleurs. Ils sont donc moins souvent en poste dans leur région de naissance. En 2016, parmi les 31 000 personnes exerçant un emploi de cadre à La Réunion, 47 % y sont nées. C’est moins qu’en province, où les natifs occupent en moyenne 52 % des emplois de cadre dans leur région de naissance.
Aux Antilles, la part des natifs parmi les cadres est plus élevée encore (57 %) ; c’est l’inverse en Corse (45 %). »
« En 2016, au sein des cadres, 5 800 « hauts responsables » sont en poste à La Réunion. Il s’agit de dirigeants, professionnels et experts de haut niveau. Parmi eux, 34 % sont nés sur l’île, soit 1 950 personnes. Cette part a augmenté depuis 1999 (28 %), en lien avec l’augmentation des natifs parmi l’ensemble des cadres. Mais elle reste nettement moindre que dans les régions de province (46 %) et aux Antilles (44 %). L’élévation plus récente du niveau de formation des Réunionnais explique là aussi la persistance de cet écart. »

Illusion du rattrapage

Sur la base de ces chiffres, plusieurs lectures sont possibles. La première considère La Réunion intégrée à la France, et donc comme n’importe quelle autre région française Paris exceptée. De ce point de vue, La Réunion se situe presque dans la moyenne nationale avec 47 % de cadres nés dans la région, contre 52 % dans la moyenne des régions françaises. Si le différentiel est plus important dans les « hauts responsables », 34 % contre 46 %, il s’explique selon l’INSEE par un manque de diplômés sur place, obligeant donc à faire venir des cadres d’une autre région.
Dans ces conditions, l’objectif reste de rattraper le taux moyen de cadres natifs de leur région dans cette catégorie de personnel. Dans ces conditions, il est nécessaire d’améliorer l’accès à des formations permettant d’occuper ce type de poste.

Plus de 15 000 postes de cadre échappent encore aux Réunionnais

Si l’on considère La Réunion par rapport à ses voisins, alors la lecture est radicalement différente. En effet, il y a fort à parier qu’à Maurice, Madagascar, aux Comores ou aux Seychelles, le pourcentage de natifs parmi les cadres est nettement supérieur à celui observé à La Réunion.
D’ailleurs, si la comparaison se fait avec la France en se basant sur le pays de naissance, il est clair que l’écrasante majorité des cadres en France sont nés dans ce pays.
Et là se pose la question de l’objectif assigné à la politique de formation à La Réunion. En 2016, sur 31.000 postes de cadre, plus de la moitié étaient pourvu par un candidat venu de l’extérieur. Pourtant, en 2016, La Réunion dispose d’une Université, d’un IUT, de sections de BTS et même d’un Campus professionnel dans le Sud. La formation est un des secteurs où les crédits européens sont les plus importants, autant dire que les moyens ne manquent pas pour former à La Réunion des cadres.
Comment alors expliquer que la résistance soit si grande pour faire confiance à des Réunionnais ? Nul doute que si l’objectif assigné à la politique de formation dans notre île est l’emploi des Réunionnais à La Réunion, alors il faut compléter ce dispositif par des mesures drastiques empêchant le recours à une main d’oeuvre extérieure sauf lorsqu’il est démontré qu’aucune personne résidant à La Réunion n’est susceptible d’occuper ce poste.
Cela suppose une transparence totale sur les offres d’emploi, ainsi qu’une volonté politique d’aller vers un objectif : l’emploi pour les Réunionnais à La Réunion.

M.M.

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