Réflexion

Les origines du sous-développement

4 novembre 2005, par Risham Badroudine

Si l’on excepte les sociétés dites primitives, on peut avancer avec certitude que, dans la période pré-coloniale, les écarts dans les niveaux de développements économiques et techniques des divers pays étaient peu importants. Le niveau des pays aujourd’hui développés était alors voisin, voire, dans certains cas et certains domaines, inférieur à celui de la majorité des pays aujourd’hui sous développés.

Certes, entre la France, l’Angleterre ou l’Espagne d’une part et l’Inde et la Chine d’alors, d’autre part, pour ne parler que de l’Europe et des deux principales puissances de l’Asie, il y avait des différences profondes dans les structures sociales et religieuses des sociétés qui les composaient. Mais pris dans l’ensemble, il est très difficile de déterminer lequel de ces deux groupes de sociétés avait atteint, à l’époque, un niveau de développement économique plus avancé. Ces économies, à la veille des conquêtes coloniales fonctionnaient de manière parfaitement cohérente. Elles avaient pu atteindre un degré de civilisation élaboré, souvent en avance sur l’Europe.

Le monde de l’ère pré-coloniale s’est d’abord construit hors du regard européen. Il se peuple d’une infinité de sociétés, chacune exploite à sa manière son milieu naturel. Le commerce terrestre ou maritime intègre les économies. Ainsi se constituent des pôles de civilisation et de puissance en Asie, en Amérique précolombienne, en Afrique. À partir du 16ème siècle, le pôle européen, par sa puissance militaire, commence à soumettre ses voisins à sa loi. Il pose des drains dans le monde entier ; en Asie dès le 15ème siècle, en Amérique au 16ème siècle, en Afrique et dans le Pacifique au 19ème siècle. Commence la colonisation.

Cette colonisation va complètement bouleverser ces sociétés :
Les pays colonisateurs ont imposé à ses colonies des cultures d’exportation uniquement destinées à satisfaire les besoins de la métropole. Par exemple en Inde, la Grande-Bretagne refuse à sa colonie le droit de s’industrialiser. Libre-échangiste pour le reste, elle continue d’appliquer à l’Inde le système mercantiliste. C’est à propos du coton et du jute que le problème se pose d’abord. Les industriels anglais entendent que ces fibres soient entièrement exportées brutes vers l’Europe, pour être travaillées exclusivement dans les usines, et que les Indiens se contentent du rôle d’acheteurs des tissus de la métropole. Le coton accomplit ainsi un circuit de plusieurs milliers de kilomètres, inattendu mais conforme à la division du travail dont l’Angleterre du 19ème siècle entend profiter. Ainsi s’accomplit une véritable désindustrialisation de l’Inde. Les milieux d’affaires anglais obtiennent même qu’une taxe spéciale frappe les produits manufacturés de fabrication indienne vendus en Inde, afin que l’avantage reste aux articles de provenance de la métropole.
Les équilibres démographiques sont bouleversés par la présence européenne : population décimée en Afrique (traite des Noirs qui emporte quelques dizaines de millions d’hommes et de femmes pour travailler dans des plantations en Amérique ou dans les îles afin de fournir des matières premières aux industries européennes) et en Amérique (extermination des Amérindiens).
La sujétion politique conduit à une “balkanisation” des territoires (en Afrique surtout) : le découpage des frontières s’effectue en fonction des rivalités européennes et non des intérêts économiques et des unités ethniques.
Cette sujétion s’accompagne d’une sujétion économique : l’insertion forcée dans la division internationale du travail se fait dans des conditions inégales. Réduits au rôle de fournisseurs de matières premières à bas prix et d’importateurs de produits manufacturés à prix forts, ces pays deviennent dépendants de l’extérieur. Leur économie se trouve “extravertie”, c’est-à-dire tournée vers les besoins des pays colonisateurs et non vers leurs besoins propres.

Le commerce au long cours permet à la richesse européenne de s’accumuler. Les puissances de l’époque, Portugal et Espagne d’abord, Hollande, France, Angleterre ensuite, conquièrent le monde. Les empires se constituent et perdurent par la force pendant que les peuples colonisés vivent dans une extrême misère.

Risham Badroudine

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