Crise alimentaire

Les pays émergents sont-ils coupables ?

6 juin 2008, par Risham Badroudine

Les pays occidentaux expliquent la crise alimentaire actuelle en lançant des accusations envers les pays en développement. Les récents propos de Georges W. Bush ont suscité de très vives réactions en Inde. Ce dernier a affirmé : « il y a 350 millions de personnes en Inde qui sont considérées comme “classes moyennes”. C’est plus que l’Amérique. Leurs classes moyennes sont plus importantes que toute notre population. Et quand vous commencez à vous enrichir, vous commencez à exiger une meilleure nutrition et une meilleure alimentation, et cela fait augmenter la demande, et cela fait monter les prix », (Times of India, le 3 mai 2008).

Lors de l’actuel sommet de Rome, le ministre chinois de l’agriculture, Sun Zhengcai a rappelé que lancer des accusations aux pays en développement ne fera pas baisser les prix des produits alimentaires. « Il n’est ni bon, ni constructif d’attribuer la hausse de la demande mondiale en produits alimentaires à la croissance des pays en développement », a déclaré le ministre.
Les pays occidentaux estiment que l’augmentation de la demande des économies émergentes comme la Chine et l’Inde est responsable de la récente flambée des prix.
Pour le ministre chinois, une récente étude de la FAO (organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) montre que les économies émergentes ne sont pas responsables de la hausse des prix car « depuis 1980, les importations de céréales dans ces deux pays (Chine et Inde) sont en baisse », selon ce rapport. Rappelons que la Chine et l’Inde comptent ensemble pour 15% des importations agricoles mondiales. Ces deux pays réunis représentent près de 40% de la population mondiale et 55% des agriculteurs de la planète, et ne disposent à eux deux que de 21% des terres arables.
Si l’on analyse les modèles de consommation, chaque peuple a son propre mode alimentaire. Par exemple, un Indien consomme en moyenne 2.040 calories par jour et environ 2.700 pour un Chinois. C’est aux Etats-Unis qu’on mange le plus : 3.774 calories par jour. Cela représente 30,9% de plus qu’il y a 40 ans. La France se situe au 7ème rang avec 3.654 calories par jour et par habitant.
Une personne est en situation de sécurité alimentaire dès qu’elle est assurée d’un accès permanent à une nourriture saine et nutritive. Bien que les besoins alimentaires dépendent de plusieurs facteurs (morphologie, activité, situation géographique...), la FAO estime que chaque individu devrait avoir accès, chaque jour, à une alimentation lui apportant entre 2.400 et 2.800 calories.
Le tableau suivant, établi par les experts internationaux, montre l’impact des différents régimes alimentaires sur la santé :

Or, rappelons que :
• 2 milliards de personnes souffrent de malnutrition dans le Monde (moins de 2.400 calories par jour/habitant)
• Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim ou de ses suites immédiates. Plus de 6 millions en 2007. Toutes les quatre minutes, quelqu’un perd la vue à cause du manque de vitamines A. Ce sont 854 millions d’êtres qui sont gravement sous-alimentés (moins de 2.000 calories par jour/habitant), mutilés par la faim en permanence. (1)
• Dans 54 pays sur 177 étudiés l’apport quotidien moyen de calories est inférieur à 2.400 calories par habitant (sous-alimentation)
• Dans 67 pays sur 177 étudiés cet apport est supérieur à 2.800 calories (suralimentation)

La production agricole mondiale actuelle suffirait à nourrir de façon plus que raisonnable (2.720 calories par jour) chaque être humain de la planète si la répartition était faite de façon équitable.

Blâmer les uns ou les autres pour résoudre cette crise alimentaire mondiale n’a pas de sens. Mais, Il faut au contraire des efforts concertés de la communauté internationale pour lutter, contre la flambée des prix des produits de premières nécessités, et pour la réduction des inégalités.

Risham Badroudine

(1) Voir article "La faim et les droits de l’homme" paru dans "Témoignages" du mardi 4 juin 2008.

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