Exonération de la taxe professionnelle en pleine crise financière

Les Réunionnais devront-ils payer une décision du gouvernement ?

25 octobre 2008, par Manuel Marchal

Pour relancer l’économie en France, Nicolas Sarkozy propose une exonération totale de la taxe professionnelle pour tous les nouveaux investissements « jusqu’au 1er janvier 2010 ». Le président de la République affirme que ce manque à gagner pour les collectivités locales sera compensé par l’Etat. Mais les précédents du transfert de l’APA et du RMI appellent à la vigilance : l’Etat doit plus de 200 millions d’euros au Conseil général. Autrement dit, les collectivités locales réunionnaises devront-elles augmenter les impôts ou diminuer les investissements pour financer un plan de soutien aux entreprises décidé par l’Etat ?

Le 20 octobre dernier, le Premier ministre avait annoncé un plan de soutien de 5 milliards d’euros aux collectivités pour faire face à la crise. Trois jours plus tard, ce plan est amputé de 20%.
En effet, dans le plan de soutien aux entreprises présenté jeudi par le chef de l’Etat figure une mesure qui concerne directement les collectivités locales. Il s’agit de l’exonération de la taxe professionnelle pour tous les nouveaux investissements jusqu’au 1er janvier 2010. Cette mesure apporte un bol d’air de 1 milliard d’euros par an aux entreprises. Etant donné que la taxe professionnelle est une fiscalité perçue par les collectivités locales, l’Etat s’engage à compenser le manque à gagner. Ce dernier sera pris en compte dans le Budget 2011, soit plus de trois ans après l’entrée en vigueur de cette mesure décidée par Paris.
Autrement dit, pour la fin de l’année et l’année prochaine, l’Etat ne prévoit donc apparemment pas dans ses dépenses la compensation. Ce qui veut dire que les collectivités locales devront attendre 2011 pour être remboursées d’un manque à gagner concernant les deux derniers mois de 2009 et toute l’année 2010.

Celui qui paie doit décider

Sur la forme, force est de constater que cette décision est prise par l’Etat, mais ce seront les communes qui devront payer alors qu’elle n’ont rien décidé. Alors que la logique veut que celui qui décide soit celui qui paie.
Sur le fond, à La Réunion, l’application de cette décision prend un relief particulier, car elle diminue un potentiel fiscal déjà inférieur de moitié à celui des collectivités locales de France.
De plus, même si le plan prévoit que cette mesure figurera dans le Budget 2011, les précédents de la décentralisation de la gestion des prestations sociales au Département notamment appellent à la vigilance. L’Etat doit encore en effet plus de 200 millions d’euros à la collectivité au titre du financement de l’APA et du RMI. Cette dette de l’Etat met le Département en difficulté financière, et est à l’origine d’une hausse de son endettement. Ce qui pénalise les investissements que doit faire cette collectivité.
Par ailleurs, cette mesure intervient dans un climat financier aggravé pour les communes. Dans son édition d’hier, "Le Quotidien" évoque « un contexte de baisse des dotations de l’Etat mais également de diminution des rentrées fiscales, le recours au crédit est indispensable pour boucler le volet investissement de leur budget ».

Des recettes déjà en baisse

Or, avec la crise financière et son impact sur les banques qui travaillent avec les collectivités locales, le coût du crédit a considérablement augmenté. S’exprimant hier dans "Le Quotidien", Roland Robert, président de l’Association des maires, précise que « les taux ont quasiment doublé (...). Nous étions à 3,5%, nous sommes à 6% ». Or, « les emprunts représentent entre 20 et 25% dans nos investissements », poursuit Roland Robert.
Autrement dit, cet effort demandé aux finances des communes par l’Etat arrive au moment où la situation financière des communes s’aggrave. Comment, dans ces conditions, les collectivités réunionnaises pourront-elles remplir leurs missions ?
Si ce projet est maintenu, ce serait donc aux Réunionnais de payer encore davantage, soit par une hausse de la fiscalité, soit par une diminution des investissements. Or, dans notre pays où 52% de la population vit sous le seuil de pauvreté, deux questions reviennent au centre des débats : le pouvoir d’achat et les investissements nécessaires au développement du pays et à l’emploi. Concernant ce dernier point, la commande publique joue un rôle moteur dans la filière du BTP, et toute mesure ayant pour conséquence une baisse des investissements va à l’encontre de l’intérêt général de La Réunion.
Ceci souligne donc plus que jamais la nécessité de se rassembler sur l’essentiel et de porter ensemble le message de la défense de l’intérêt général du pays.

Manuel Marchal


Le Premier ministre face à la contestation des députés de sa majorité

« Le premier budget de science-fiction ! » pour un député UMP

Dans son édition du 23 octobre, notre confrère "Le Parisien" fait état d’une réunion de recadrage convoquée par le Premier ministre à l’attention des parlementaires de l’UMP. Ces derniers dénoncent un Budget virtuel, plombé par la crise. C’est dans ce climat que les députés débattent de mesures telles que le financement des investissements à La Réunion par la défiscalisation. Extrait.

« Alors que vient juste de commencer le marathon budgétaire, les dissonances sont flagrantes chez les députés de la majorité, dont beaucoup raillent un budget plombé par la crise. « On est dans le virtuel, c’est le premier budget de science-fiction ! », s’amuse Thierry Mariani (Vaucluse). « Dans nos mairies, on ne pourrait pas présenter un tel budget, le préfet le refuserait, ironise le villepiniste Jean-Pierre Grand (Hérault). Là, nous allons voter un texte qu’il faudra très vite refaire, et tout le monde le sait... ». Et l’UMP François Goulard (Morbihan) d’admettre : « Il me paraît excessif de dire que ce budget est obsolète, mais il serait irréaliste de prétendre qu’il pourra être exécuté tel qu’il a été prévu en août. Le gouvernement ferait bien de ne pas s’accrocher à ses prévisions. On gagne toujours à ne pas rester dans l’irréalité ». Hier, Fillon a défendu son projet de budget : « Il est parfaitement adapté à la situation. Si la croissance est moins forte que prévu, on réajustera les chiffres le moment venu, et nous accepterons l’idée d’avoir un déficit un peu plus élevé, ce que permet le pacte de stabilité dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons ».

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