Filière lait

« Les services de l’Etat veillent rigoureusement... »
Peut-être... Mais il y a urgence !
Et le principe de précaution ?

13 juin 2008

Après les interpellations des éleveurs de l’ADEFAR, le Préfet Maccioni rappelle, dans un communiqué, ce qui semble être devenu le dogme des services de l’Etat, dans la controverse soulevée par plusieurs dizaines d’éleveurs des filières lait et viande. La controverse porte sur l’analyse des causes de la surmortalité dans les cheptels constatée aussi par les « experts indépendants mandatés par le Ministre de l’agriculture et de la Pêche, Michel Barnier ».

Selon l’audit de l’état sanitaire réalisé dans le cadre de la mission menée par MM. Gérard Coustel, inspecteur général de la santé publique vétérinaire, et Jean-Noël Ménard, inspecteur général du génie rural, des eaux et forêts, la surmortalité constatée n’est pas imputable aux maladies contagieuses, elles aussi avérées, mais davantage, selon ces experts, à « des facteurs liés à la conduite et à l’environnement de l’élevage... (alimentation, accidents, lutte contre les vecteurs) ». Ce point est vivement contesté par ces éleveurs, qui estiment que la crise actuelle a pour cause des facteurs sanitaires, lesquels appelleraient d’autres types de mesures.
L’audit dit aussi que « Pour ce qui concerne les maladies réglementées, ...les programmes de lutte et de prévention sont mis en œuvre dans le département de La Réunion, conformément aux instructions du Ministère de l’agriculture et de la pêche. La situation sanitaire est très bonne dans ce domaine » affirme encore le Préfet, citant le rapport Coustel-Ménard.

Le communiqué du Préfet rappelle la constitution du comité stratégique d’orientation sur le développement de la filière lait. Réuni une première fois le 30 mai, il ne devrait se réunir à nouveau, sous la présidence d’Alain Gérard, sous-Préfet de Saint-Pierre, que le 26 septembre 2008.
Et le communiqué de poursuivre en annonçant que l’ADEFAR serait « invitée à participer à plusieurs groupes de travail, dont les groupes intitulés “Comment accompagner les exploitants en difficulté ?” et “Comment garantir la qualité sanitaire des élevages ?” » C’est un pas vers plus de démocratie et plus de transparence, avec la convocation d’un groupe de travail sur les éleveurs en difficulté, dès la fin de ce mois.
« Le Préfet rappelle solennellement que les services de l’Etat veillent rigoureusement, et en toute indépendance, à ce que l’ensemble des produits alimentaires qui sont mis sur le marché remplisse toutes les garanties sanitaires fixées par la réglementation européenne qui est la plus exigeante au monde dans ce domaine » conclut le communiqué.

Le renvoi à trois mois de la prochaine réunion du comité stratégique d’orientation exclut la prise de conscience d’une urgence sanitaire. Est-ce juste ? Est-ce bien conforme au principe de précaution ?
Il ne fait pas de doute que les autorités, depuis l’envoi d’une mission sénatoriale, l’an dernier, ont fini par prendre la mesure de la situation dramatique vécue par de nombreuses familles et qu’elles se feront un devoir d’y répondre.
Mais d’importants manquements sont intervenus dans la crise pendant plusieurs années. La DSV peut-elle rendre publiques les analyses portant sur le taux de cellules somatiques dans le lait ? Peut-on expliquer pourquoi la brucellose - identifiée l’an dernier dans des autopsies - n’est pas reconnue à La Réunion comme “maladie réglementée”, selon les dires des éleveurs ? Qui va dire ce qu’il advient des carcasses d’animaux malades non euthanasiés ? Pourquoi le rapport de Gérard Coustel n’intègre-t-il pas toutes les constatations faites, en ce début d’année, sur l’exploitation de Pascal et Rock Ethève, alors que les professionnels ont déjà reproché à l’expert de s’être limité à cette seule exploitation ?
Enfin, si la situation sanitaire est « très bonne », pourquoi ces pressions sur la vétérinaire du GDS et l’injonction faite à un vétérinaire parisien, Gilbert Mouthon (et non Gabriel) de ne pas faire part de sa propre analyse ? Faut-il rappeler le suicide de cet éleveur de Saint-Joseph, l’an dernier ou la tentative de suicide de l’ex-laborantin de l’URCOOPA, après les importations de 2003, pour que soient réellement prises les dimensions de cette crise, et enfin reconnue la notion d’urgence sanitaire ?
Dans certains départements de France actuellement, c’est ce que dicte l’application du principe de précaution. Pourquoi pas à La Réunion ?

P. David


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