Filière canne-sucre

Les sucriers mauriciens misent sur la valeur ajoutée créée à Maurice

26 juillet 2013

Vue de Maurice, l’annonce d’un nouveau règlement sucrier en Europe est accueillie « avec beaucoup de sérénité ». Dans l’île sœur, la réforme du marché du sucre européen a été anticipée avec le remplacement du sucre roux livré en vrac par la production de sucre blanc de canne raffiné à Maurice et exporté en containers. Dans un article paru le 28 juin dernier, Jean-Noël Humbert, CEO du Syndicat des sucres, expliquait la stratégie des Mauriciens.

Alors que l’accord sur la fin des quotas sucriers en Europe à partir de 2017, conclu mercredi (26 juin - NDLR) , a provoqué une vague d’inquiétude parmi les producteurs ACP de sucre roux, le Syndicat des sucres a accueilli cette décision européenne avec beaucoup de sérénité. « Avec les moyens que nous nous sommes donnés, nous pouvons mieux nous défendre et assurer des revenus confortables pour notre industrie » , a déclaré au Mauricien son CEO Jean-Noël Humbert.
Le Syndicat des sucres puise sa confiance dans le fait que les sucres mauriciens sont compétitifs. « La stratégie commerciale adoptée depuis plusieurs années porte maintenant ses fruits » , a dit Jean-Noël Humbert. La menace de suppression des quotas, selon lui, a été étudiée depuis pas mal de temps. C’est ce qui a amené l’industrie sucrière mauricienne à arrêter l’exportation du sucre roux pour s’engager dans la production de sucre à valeur ajoutée, a-t-il expliqué.

Revenus sucriers en hausse

Le recours aux conteneurs à l’exportation des contingents sucriers au lieu du vrac a donné au Syndicat des sucres une plus grande flexibilité en matière d’exportation dans la mesure où l’industrie mauricienne n’est plus dépendante des raffineurs portuaires et peuvent désormais procéder à des livraisons dans tous les ports européens. Cette nouvelle stratégie s’est avérée profitable dans la mesure où les revenus sucriers sont en hausse.
Revenant sur la politique commune agricole européenne, Jean-Noël Humbert explique que les quotas constituent un instrument de management dans le cadre du régime sucrier européen. « Les producteurs de betteraves produisent du sucre et chaque pays a un quota. Tout le sucre obtenu au dessus du quota fixé est retourné sur le marché. La commission européenne a établi des quotas pour chaque pays européen afin de maintenir un équilibre entre l’offre et la demande dans le marché. Ces quotas prenaient également en compte les importations sucrières notamment celles en provenance des pays ACP, des PMA ainsi que les pays comme l’Australie, Cuba et le Brésil bénéficiaires du “quota CXL”. De temps en temps, l’Union européenne applique des accords de libre-échange. Dans ce contexte, il était important pour l’union d’avoir une gestion des quotas. Lorsque l’équilibre entre l’offre et la demande n’était pas satisfaisant, elle avait la possibilité de retirer le surplus et de le classer comme “hors de quota”. Elle pouvait aussi le remettre sur le marché. Ce sont ces quotas là qui vont disparaître » , soutient-il.

Compétitivité du sucre mauricien

Pour le CEO du Syndicat des sucres, la décision européenne signifie qu’à l’avenir toute la production de betterave en Europe seront disponibles pour faire du sucre qui sera commercialisé sur le marché européen ou destiné à l’exportation. «  Avec l’abolition des quotas, un instrument de management disparaît. On peut s’attendre à ce qu’il y ait une nouvelle dynamique sur le marché à partir de 2017 qui ne sera plus basé sur l’offre et la demande. Il y aura aussi un élément très commercial. C’est-à-dire que les producteurs sucriers en Europe seront plus au même niveau en termes de coût de production. Tout le sud de l’Europe abandonne en ce moment la production de betterave mais il y a un surplus de production dans le nord européen. Cependant, le transport du sucre du nord au sud coûte plus cher que le transport du sucre de Maurice jusqu’au sud de l’Europe. Il faut tenir compte de ces éléments qui sont plus commerciaux qu’institutionnels. »

422 euros la tonne

L’avantage de Maurice, ajoute Jean-Noël Humbert, « est d’avoir en main des sucres de valeur ajoutée de consommation directe qui nous permet de nous rapprocher du consommateur final » . « En ce faisant, nous pouvons nous attirer plus de valeur du marché. Aujourd’hui si nous vendons le sucre nous le faisons directement à des industriels et à des champions de l’agro-industrie mondiale. Nous avons choisi des partenaires qui ont des réseaux de distribution importante à travers le continent et qui nous permettent d’avoir accès plus facilement aux consommateurs. Cette situation nous a fait faire un grand progrès sur le plan des revenus. Cela se reflète dans une large mesure dans les prix que nous sommes actuellement en mesure de proposer » , a-t-il précisé.
C’est ainsi que cette année, le Syndicat des sucres sera en mesure d’offrir Rs 17.363 la tonne (422 euros - NDLR) comme prix final contre Rs 16.020 (389 euros - NDLR) l’année dernière. « Même ce prix ne reflète pas la réalité de ce que nous avons obtenu, parce que sollicités par les autorités nous avons du participer à la réforme des institutions financées par le Cess. Nous avons donc eu à payer Rs 400 M pour aider à la réforme de “Cess Funded Institutions”. Si nous n’avions pas eu à faire cela nous aurions offert un prix supérieur à Rs 18.000 la tonne » , a expliqué Jean Noël Humbert.

15.000 containers exportés chaque année

Pour le CEO du Syndicat des sucres, la stratégie commerciale adoptée depuis plusieurs années rapporte maintenant ses fruits. « Nous avons également adopté une logistique qui nous offre une très grande souplesse par rapport aux marchés. La plupart de nos sucres sont exportés en conteneurs. Avec le sucre roux, dont l’embarquement se faisait par le biais du vrac, nous avions qu’une seule entrée en Europe dans la mesure où il nous fallait passer par une raffinerie portuaire. Avec les 15.000 conteneurs que nous exportons chaque année nous pouvons aller chercher la valeur là où elle se trouve. Nous avons la possibilité de déposer les conteneurs dans tous les ports européens en fonction de lignes maritimes disponibles. Notre stratégie consiste à chercher le meilleur prix. Nous nous assurons que les ventes de nos sucres se rapprochent le plus proche possible des marchés qui nous offrent la plus forte valeur » , a ajouté Jean-Noël Humbert.
Le CEO du Syndicat des sucres reconnaît qu’avec la fin des quotas, le marché sera moins stable que dans le passé et sera plus volatile. « Avec les moyens que nous nous sommes donnés je pense que nous allons pouvoir mieux nous défendre et mieux assurer des revenus confortables pour notre industrie » , confie-t-il. Selon lui, il est évident qu’il faudra continuer à être compétitif. « Le risque posé par la compétition est plus grand » , conclut-il.

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