Élections à la Chambre de Commerce

Magamootoo, l’embrouille

27 octobre 2004

Le candidat socialiste à la CCIR a voulu donner un caractère politique au scrutin. Dans sa conquête de la plus importante des trois chambres consulaires, il se flatte d’avoir obtenu l’appui des deux plus hauts responsables de l’UMP à La Réunion. Son ambition est de développer à la tête de la Chambre la politique de son parti : opposition frontale au Département et à la Région - et surtout, dénonciation et critique d’un gouvernement soutenu par ses deux partisans les plus actifs, André Thien Ah Koon et Jean-Paul Virapoullé !

Le monde politique ne peut raisonnablement dire qu’il est totalement indifférent à l’élection à la Chambre de Commerce. L’avenir de la plus importante des trois chambres consulaires, dont le budget annuel est de 700.000 euros, qui gère le port de la Pointe des Galets et l’aéroport de Gillot et qui dispose d’un important dispositif de formation ne peut laisser indifférents ceux et celles qui ont pour charge la chose publique.
Cependant, à ce jour, seule la fédération socialiste s’est permise de donner une consigne de vote aux plus de 20.000 électeurs de la Chambre. Elle explique, sans ambage, qu’il faut faire de cette élection un vote sanction contre la politique ultra-libérale du gouvernement Raffarin et contre ceux qui le soutiennent. Quand on se souvient des déclarations de déception du MEDEF local après le vote de la loi-programme ou des accusations de “patrons-mendiants” portés par la ministre de l’Outre-mer à l’égard du patronat local, on peut se demander qui sont les personnes visées par l’appel du PS.

La dynamique politicienne

Se situant dans la même dynamique de politisation, Éric Magamootoo, candidat dans le collège des plus de 10 salariés, n’a pas hésité à revêtir son habit de responsable politique pour se situer dans cette élection. Fort du soutien que lui apportent deux responsables de l’UMP, André Thien Ah Koon et Jean-Paul Virapoullé, il a cru bon de donner une tournure toute politicienne au scrutin en cours. Il a plaqué une analyse et un vocabulaire empruntés au politique sur une élection professionnelle. Il a déclaré qu’il était un homme de consensus et de rassemblement dans un scrutin où la multitude des collèges électoraux témoignent de la diversité des situations et des intérêts.
La politisation de cette élection lui permet de justifier le soutien d’André Thien Ah Koon et de Jean-Paul Virapoullé. Sans parler du concours plus discret mais réel du maire de Saint-Pierre dont on dit qu’il aura besoin du conseiller régional PS en 2007 ou 2008 pour faire face aux municipales à une liste de l’Alliance. D’où aussi la diversion construite par Magamootoo sur le PCR qu’il accuse de faire le jeu du MEDEF. Ceci pour pouvoir expliquer qu’en contrepoint, sinon en retour, il est soutenu par l’UMP et la Relève.
Une multitude de listes est en compétition. Ce qui, ajouté à la multiplication des collèges électoraux, n’aide pas à apprécier l’enjeu du scrutin. Comment, dans ce contexte, Magamootoo explique que c’est sur la liste qu’il conduit et sur son nom que portent les soutiens de TAK et de Virapoullé ? Qu’est-ce qui fait qu’ils se distinguent ainsi parmi les autres ?
L’intéressé s’est démis de ses fonctions de responsable du cabinet du maire de Saint-Joseph. Plus pour se mettre en conformité avec les conditions pour être candidat que par volonté de séparer le politique du professionnel. Il s’est engagé à se démettre de son mandat de conseiller régional au cas où il serait élu président. À aucun moment il ne s’est démarqué des prises de position de la formation politique à laquelle il appartient. Il se prétend homme de consensus, mais le dirigeant socialiste qu’il est n’a pas démenti l’appel du PS à sanctionner le gouvernement Raffarin et ses soutiens. Il n’a pas pris ses distances avec les déclarations de guerre de son secrétaire fédéral contre la Région et le Département. Il ne s’est pas démarqué de son chef de file lorsqu’il déclare ne pas vouloir poser en photo auprès de Paul Vergès et de Nassimah Dindar pour défendre la cause des planteurs ! Il n’a jamais pris ses distances avec l’attitude systématique d’opposition et de critique du groupe auquel il appartient au Conseil régional. Il y a même pris activement sa part.

La stratégie de la fédération

Le futur président de la Chambre de commerce aura à travailler et à collaborer avec les deux collectivités. Elles sont des bailleurs de fonds de la chambre consulaire. La CCIR devra gérer en partenariat avec la Région, l’aéroport de Gillot. Si jamais il devenait président, Magamootoo ne jouera pas le jeu. Il ne cache pas son ambition de se servir de la position de pouvoir qu’il aura pour mettre en œuvre la stratégie de la fédération, c’est-à-dire faire obstruction aux deux assemblées locales et dénoncer l’action gouvernementale. Dans la logique qu’il s’est choisie, celle d’une politisation du scrutin aujourd’hui et de la chambre, demain, il restera un politique et un partisan. Il n’a rien fait pour démontrer l’inverse. Il ne le fera : il veut se comporter comme un dirigeant socialiste.
Et c’est là qu’est l’embrouille. Comment expliquer que les deux responsables de l’UMP que sont André Thien Ah Koon et Jean-Paul Virapoullé vont ouvrir une voie royale à Magamootoo en donnant à ce dernier et à son parti des positions de pouvoir où ils pourront contester un gouvernement qu’ils soutiennent ? On a du mal à croire que les deux parlementaires UMP seraient tombés sur la tête.

J.M.


En France, Régions et Chambres de commerce vont travailler ensemble

Mais, pas à La Réunion ?

Dans son édition datée du 25 octobre, “le Monde” écrit : "élus régionaux et chambres de commerce vont pouvoir travailler ensemble". Le quotidien parisien explique : "conseillers régionaux et responsables des chambres régionales de commerce et d’industrie (CRCI) vont, en effet, se retrouver autour de la même table pour discuter des schémas régionaux de développement économique. La possibilité d’élaborer ce type de document, à titre expérimental, existe depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. Cela autorise ensuite les régions à attribuer les aides de l’État aux entreprises". “Le Monde” cite l’exemple de la région Rhône-Alpes où le président socialiste, Jean-Jack Queyranne, veut mettre en œuvre la nouvelle procédure. Ce dont se félicite le président sortant de la Chambre de commerce : "je me félicite de l’excellent dialogue que nous avons avec le Conseil régional", commente Christian Gauduel.
Les deux institutions ont, selon “le Monde”, déjà balayé les champs où elles auront à collaborer : "nous devons rechercher un partenariat de réflexion autour du développement économique, mais aussi d’action, (...) en recherchant la complémentarité", a prévenu le président de la Chambre.
Les secteurs de coopération sont : l’exportation ; l’attractivité du territoire ; les grandes infrastructures (aménagements autour de l’accès à la liaison Lyon-Turin, création d’une liaison fluviale entre le Rhin et le Rhône, contournement de Lyon par l’Ouest) ; la formation professionnelle.
Cette coopération -qui a aussi ses limites, la Région Rhône-Alpes ne souhaitant pas faire de la chambre un partenaire privilégié- ne serait-elle pas possible si jamais Éric Magamootoo deviendrait président de la CCIR ? Le leader de la CGPME est plus enclin à appliquer la ligne stratégique de son parti, celle d’un affrontement avec la Région qu’à rechercher des secteurs de coopération. Ses déclarations partisanes, le climat de combat politique qu’il a introduit dans la campagne sont des éléments témoignant d’une volonté d’affrontement avec la pyramide inversée.


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