Note de conjoncture de L’INSEE

Malgré une forte inflation, l’économie réunionnaise résiste

7 juillet 2023

Dans un contexte international tendu et une forte inflation, l’économie réunionnaise résiste. La croissance économique retrouve son niveau d’avant-crise sanitaire : le PIB augmente de 2,7 % en volume en 2022, sous l’effet de l’augmentation de la consommation des ménages. Le pouvoir d’achat résiste grâce à une bonne dynamique de l’emploi, des salaires et une hausse des prestations sociales.

La consommation des administrations, qui reste bien orientée malgré la baisse de l’emploi public, et le redémarrage du tourisme contribuent également à la dynamique de l’économie régionale. Seul l’investissement est en berne, en lien notamment avec le recul de la construction de logements.

Le PIB retrouve son rythme de croissance d’avant-crise

L’année 2022 est marquée à la fois par l’achèvement du rebond post crise sanitaire et par un contexte inflationniste inédit, lié à la désorganisation des chaînes d’approvisionnement accentuée par le déclenchement de la guerre en Ukraine en février.

Les prix à la consommation des biens et des services augmentent fortement, de 3,6 % en moyenne en 2022 à La Réunion, soit une hausse inédite depuis 30 ans. En France hors Mayotte, l’inflation est plus élevée encore (+5,2 %). La hausse des prix est importante pour tous les grands postes de consommation en 2022.

Les prix de l’énergie bondissent de 17,8 % à La Réunion et contribuent ainsi le plus à l’inflation. Les prix de l’alimentation augmentent de 5,5 %. Au sein des services, la hausse des prix des services de transports est particulièrement élevée (+19,5 %). Les prix des produits manufacturés augmentent de 2,6 %.

Malgré tout, l’économie insulaire reste bien orientée. Le produit intérieur brut (PIB) progresse de 2,7 % en euros constants après 6,7 % en 2021. Il retrouve ainsi son rythme de croissance d’avant-crise sanitaire (+ 2,5 % par an en moyenne entre 2014 et 2019). La croissance économique réunionnaise est similaire à la dynamique nationale (+2,5 %). En revanche, le taux de croissance du PIB est nettement plus faible qu’à Maurice (+8,7 %), où la reprise a été plus tardive qu’à La Réunion et n’intervient réellement qu’en 2022.

En 2022, à La Réunion, le PIB par habitant s’élève à 24 900 euros , soit 65 % du niveau national. Il progresse de 5,8 % en valeur après avoir augmenté de 6,8 % en 2021.

En 2022, la croissance économique est portée à parts égales par la consommation des ménages, par celle des administrations et par la reprise du tourisme.

La consommation des ménages se maintient malgré une hausse limitée du revenu disponible

Contrainte par la forte hausse des prix, la consommation des ménages augmente malgré tout en volume de 1,7 % et contribue pour 1,1 point à la croissance du PIB. La progression de cette composante de la demande intérieure est nettement moins marquée qu’en 2021 (+5,3 %).

En effet, le revenu disponible brut des ménages réunionnais progresse fortement (+4,9 % en valeur) au même rythme que dans l’Hexagone, mais le pouvoir d’achat est amputé par la hausse généralisée des prix à la consommation. Il augmente seulement de 1,1 % en un an en volume (après +2,1 % en 2021). En prenant en compte la croissance de la population, le pouvoir d’achat par habitant croît seulement de 0,7 %, tandis qu’il baisse de 0,1 % au niveau national.

La croissance de la consommation est aussi favorisée par une baisse du taux d’épargne. En effet, l’épargne bancaire des Réunionnais progresse deux fois moins vite qu’en 2021 (+3,2 % contre +6,6 %). En parallèle, les crédits à la consommation augmentent de 5,6 % en un an.

Le dynamisme de l’emploi contribue à la hausse des revenus disponibles

Les prestations sociales en espèces progressent de 2,4 % en 2022 après un repli en 2021. En effet, la baisse des prestations chômage et des aides liées au Covid est plus que compensée par la revalorisation des retraites et des minimas sociaux.

Les salaires versés sont quant à eux très dynamiques (+7,2 %). Ce rebond des salaires est lié aux augmentations salariales individuelles et à la croissance de l’emploi salarié (+2,2 %). La hausse de l’emploi salarié est plus dynamique à La Réunion que dans l’Hexagone (+1,3 %). En 2022, 6 350 emplois sont créés sur l’île et s’ajoutent aux 15 330 emplois créés en 2021. La croissance de l’emploi est portée par le secteur privé (+ 4 %), notamment grâce à l’apprentissage. L’emploi est particulièrement dynamique dans les secteurs de l’hébergement-restauration, des services aux entreprises et du commerce.

En revanche, l’emploi public recule de 1,6 % en 2022 (1 400 emplois détruits après 1 100 emplois créés en 2021), avec un moindre recours aux contrats aidés non marchands notamment (1 500 emplois en moins). L’évolution du volume d’heures rémunérées reflète cette dynamique de l’emploi en 2022.

De plus, avec 12 000 unités nouvelles immatriculées à La Réunion, les créations d’entreprises atteignent un niveau inégalé, supérieur de 46 % à celui de 2019 avant la crise sanitaire. Cette hausse ininterrompue depuis 2016 est portée par les micro-entrepreneurs (+9,0 % par rapport à 2021).

Le taux d’emploi augmente, pour atteindre 49 % des 15-64 ans. L’amélioration profite davantage aux femmes, aux jeunes et aux seniors. La hausse soutenue de l’emploi permet au taux de chômage au sens du BIT de se maintenir depuis trois ans à un niveau historiquement bas à La Réunion (18 %).

Les dépenses des administrations publiques contribuent autant que la consommation des ménages à la croissance

Les dépenses de consommation finale des administrations publiques progressent de 2,5 % en volume après une forte hausse en 2021 (+7,2 %). Elles contribuent pour 1 point à la croissance.

Du côté des rémunérations des agents de la fonction publique, principale composante des dépenses des administrations publiques, une revalorisation de 3,5 % de la valeur du point d’indice est actée en juillet. En outre, les dépenses des administrations publiques sont stimulées par l’accord signé entre la Région et l’État à hauteur de 840 millions d’euros pour la finalisation de la Nouvelle Route du Littoral, ou encore par l’enveloppe exceptionnelle de 274 millions d’euros accordée par l’État dans le cadre du Ségur de la santé.

Les dépenses des touristes doublent

Le tourisme contribue positivement à la croissance du PIB en volume (+1 point), Alors que le tourisme réunionnais était encore fortement impacté par les mesures de restriction en 2021, le rattrapage débute réellement en 2022. Le trafic aérien de passagers, deux fois plus important qu’en 2021, demeure toutefois inférieur de 9 % à son niveau d’avant-crise sanitaire. Les dépenses des touristes doublent même si elles ne dépassent par encore leur niveau de 2019. Stimulé par cette forte demande, le secteur de l’hébergement-restauration crée 1 200 emplois en plus (hors intérim).

En 2022, la fréquentation des hôtels réunionnais dépasse de 4 % son niveau de 2019. La part de la clientèle étrangère demeure très faible. En effet, 94 % des nuitées correspondent à des nuitées de résidents français. Si la clientèle française augmente de 10 % par rapport à 2019, la clientèle internationale est de 40 % inférieure à son niveau de 2019.

L’investissement se contracte

Fortement impacté par la hausse des coûts en 2022, l’investissement recule de 0,8 % en volume après une année 2021 très dynamique (+10,1 %). Il constitue la seule composante de la demande intérieure contribuant négativement à la croissance du PIB (contribution de -0,2 point).

En particulier, la construction de logements est mal orientée : les autorisations de construire baissent de 5 % et les démarrages de chantier de 20 % par rapport à l’année précédente. Dans le parc locatif social et intermédiaire, le nombre de nouveaux logements financés augmente en 2022, mais le nombre de démarrages de chantiers et les mises en service diminuent fortement.

Ainsi, l’investissement dans le secteur du bâtiment et travaux publics recule de 1,1 %. L’investissement diminue également (-2,6 %) du côté des biens d’équipement.
Les importations ralentissent en volume

Après une année 2021 très dynamique, les volumes importés et exportés ralentissent fortement en 2022. Malgré une hausse de 20 % en valeur, les importations ne progressent que de 1,3 % en volume (après +7,4 % en 2021). Ce ralentissement est notamment lié à la hausse des prix à l’importation, notamment du carburant, ainsi qu’à une demande intérieure moins dynamique en 2022. Les exportations croissent de 16 % en valeur, soit une augmentation de 6,9 % en volume (contre +14,3 % en 2021).

L’Hexagone reste un partenaire privilégié pour La Réunion. En effet, plus de la moité des importations (en valeur) proviennent de l’Hexagone. Du côté des exportations, l’Hexagone reste aussi le principal client de La Réunion (35 % des exportations). Les exportations réunionnaises sont portées par les exportations de poissons des mers australes (+40 %).

Par ailleurs, les exportations de sucre reculent de 4 % en valeur suite à une mauvaise campagne sucrière, pâtissant des conditions météorologiques difficiles (-15 % pour la production de canne livrée aux deux usines de l’île par rapport à 2021).

Au final, le déficit commercial se creuse en 2022 et pèse négativement sur la croissance (-0,2 point).

Contexte national - Confrontée à la persistance des restrictions sanitaires en Chine et à la guerre en Ukraine, l’économie mondiale a nettement ralenti en 2022

Au cours de l’année 2022, l’économie mondiale a été confrontée à de multiples contraintes, expliquant de fait le fort ralentissement de l’activité au fil des trimestres dans les principales économies. En premier lieu, la contrainte sanitaire a continué de peser sur l’activité mondiale : ce fut le cas en Europe au premier trimestre en raison de la vague épidémique liée au variant Omicron, mais aussi et principalement en Chine où, en conséquence de la stratégie « zéro-Covid », des confinements drastiques ont été imposés au cours de l’année, avant la levée complète des restrictions début décembre. De plus, le déclenchement de la guerre en Ukraine, fin février, a accentué le renchérissement des matières premières, notamment énergétiques, et fait craindre de nouvelles difficultés d’approvisionnement en Europe. La production manufacturière européenne a toutefois plutôt résisté au renchérissement des intrants énergétiques, avec un recul concentré sur les branches les plus énergo-intensives.

Les progressions du PIB enregistrées sur l’ensemble de l’année 2022 (de +1,9 % en Allemagne à +5,5 % en Espagne pour les principales économies européennes, +2,1 % aux États-Unis et +3,0 % en Chine) s’expliquent ainsi en grande partie par les acquis de croissance élevés à la fin 2021, résultant du rattrapage post-covid au cours de l’année 2021.

En France, le PIB a augmenté de 2,5 %, après +6,4 % en 2021. Cette croissance ne dépasse l’acquis de croissance à fin 2021 que de 0,4 point : en trimestriel, le niveau du PIB au quatrième trimestre 2022 est à peine supérieur au niveau du quatrième trimestre 2021. Si la production manufacturière a résisté aux difficultés d’approvisionnement et au renchérissement des intrants, avec une activité en hausse de 1,0 % en moyenne sur l’année, celle de la construction, également soumise à de fortes difficultés de recrutement, a diminué de 0,2 %.

En outre, la production d’électricité a été fortement pénalisée par de nombreuses maintenances de centrales nucléaires : l’activité de la branche « énergie, eau, déchets » a ainsi diminué de 10,3 % en 2022 par rapport à 2021, contribuant pour -0,3 point à l’évolution totale de l’activité. Les services marchands, qui étaient restés affectés en 2021 par des restrictions sanitaires, ont bénéficié d’un potentiel de rattrapage important et ont crû de 4,5 % sur l’année.

L’inflation, en forte augmentation, a rogné le pouvoir d’achat des ménages

Le contexte géopolitique a ainsi amplifié les tensions inflationnistes déjà présentes en 2021 à la suite de la reprise post-Covid. Les prix ont ainsi atteint en 2022 des niveaux très élevés dans les économies occidentales. L’inflation, en glissement annuel, s’est élevée jusqu’à 9,1 % aux États-Unis (en juin), 11,1 % au Royaume-Uni (en octobre) et 12,6 % en Italie (en novembre). En France, l’inflation se situait à 2,9 % sur un an en janvier 2022, tirée par les prix de l’énergie. Elle s’est progressivement hissée à environ 6 % sur un an en fin d’année, avec une diffusion à l’ensemble des produits de consommation, en particulier alimentaires.

Dans ce contexte de forte inflation, de nombreuses mesures ont été prises, pour en atténuer les effets sur les ménages, en tempérant les hausses de prix (bouclier tarifaire sur le prix du gaz et de l’électricité, remise à la pompe sur les carburants) mais aussi en soutenant leur revenu (revalorisations anticipées de nombreuses prestations, suppression de la redevance audiovisuelle, aide exceptionnelle de rentrée scolaire). Au total, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages a été quasi stable en moyenne 2022, soit +0,2 %, après +2,6 % en 2021. Le pouvoir d’achat par unité de consommation, qui tient compte des effets démographiques, a quant à lui légèrement diminué en 2022 (-0,4 %).

Pourtant, l’emploi salarié est resté dynamique et a connu un ralentissement moins marqué que l’activité économique, avec +337 000 emplois en fin d’année 2022 par rapport à la fin d’année 2021 (soit une hausse de 1,3 % entre fin 2021 et fin 2022). L’emploi salarié dépassait ainsi fin décembre 2022 de 4,5 % son niveau d’avant la crise sanitaire, soit près de 1,2 million d’emplois supplémentaires dont un tiers en contrat d’alternance. Ces créations d’emplois sont surtout concentrées dans le tertiaire marchand (+820 000 emplois fin 2022 par rapport à fin 2019), la construction (+115 000) et le tertiaire non-marchand (+161 000).

Ce dynamisme de l’emploi salarié a soutenu le pouvoir d’achat des ménages par le biais des revenus d’activité. Le taux de chômage a diminué de 0,3 point entre fin 2021 et fin 2022, après une baisse de 0,7 point l’année précédente. Il a ainsi atteint 7,1 %, son plus bas niveau depuis le premier trimestre 2008 (si on excepte le recul ponctuel en « trompe-l’œil » du deuxième trimestre 2020, pendant le premier confinement).

La demande intérieure a fortement ralenti, dans un contexte d’atonie du pouvoir d’achat et de resserrement des politiques monétaires

Dans un contexte de forte inflation et de quasi-stabilité du pouvoir d’achat, la consommation des ménages a fortement ralenti au cours de l’année 2022, jusqu’à se replier fortement au quatrième trimestre. Elle n’a ainsi augmenté que de 2,1 % en 2022, malgré des effets d’acquis importants fin 2021. Les baisses de consommation se sont concentrées dans les produits les plus soumis à l’inflation, c’est-à-dire l’alimentaire et l’énergie. Le taux d’épargne des ménages s’est établi à 17,5 % en moyenne annuelle 2022, soit 2,5 points au-dessus de son niveau moyen de 2019.

En réponse à la hausse de l’inflation, les principales banques centrales, dont la Banque centrale européenne à partir de l’été 2022, ont procédé à un resserrement rapide des politiques monétaires, entraînant une augmentation du coût du crédit pesant sur l’investissement des entreprises comme des ménages. Ce dernier a ainsi diminué de 1,3 % en 2022 par rapport à 2021.

L’investissement des entreprises, quant à lui, a résisté, avec une croissance annuelle de 3,8 % : outre le dynamisme persistant de l’investissement en services informatiques, l’allègement des difficultés d’approvisionnement pour la fabrication de matériels de transport, en milieu d’année, a permis un rattrapage de l’investissement en produits manufacturés.

De plus, le taux de marge des sociétés non financières s’est situé, en moyenne sur 2022, à 31,7 % de leur valeur ajoutée, soit un niveau proche de l’année 2018, préservant leur capacité à investir malgré les fortes tensions inflationnistes. Cela représente cependant une baisse du taux de marge de 2,2 points par rapport à 2021, avec la fin du recours massif à l’activité partielle et du versement du Fonds de solidarité.

La demande intérieure finale a ralenti en France mais aussi dans le reste de la zone euro, tandis que les confinements en Chine pénalisaient ses échanges commerciaux et flux touristiques. La demande mondiale adressée à la France a ainsi pesé sur les exportations françaises en volume, dont la croissance de 7,2 % en 2022 masque un ralentissement quasi-continu au fil des trimestres. Les importations, de leur côté, ont davantage augmenté que la demande intérieure (+8,7 % en 2022, après +9,2 % en 2021) : la baisse de production nationale d’électricité s’est traduite par des importations équivalentes.

Le commerce extérieur a ainsi contribué négativement, à hauteur de -0,6 point à la croissance du PIB. La consommation comme l’investissement des administrations publiques ont ralenti en 2022, l’année 2021 ayant été marquée par la reprise consécutive aux confinements de 2020 mais également par l’essor des dépenses de vaccination. La consommation des administrations publiques a ainsi augmenté de 2,9 % en 2022, et leur investissement de 1,5 %.


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