25 èmes Journées de Microéconomie Appliquée à La Réunion

Microéconomie, des analyses précises qui s’intéressent aux gens

31 mai 2008

Jean-Charles Hourcade, co-prix Nobel de la paix 2007 pour ses contributions au GIEC, a ouvert l’un des plus important colloque de Microéconomie Appliquée de l’espace francophone organisé cette année par un centre de la Faculté de Droit et d’Économie de La Réunion. Sur deux jours, 120 chercheurs ont pu faire état de leurs travaux qui bien souvent orientent les décisions politiques.

Pour leur 25ème anniversaire, c’est Le Centre d’Etudes et de Recherches Economique et Sociales (CERESUR) de l’Université de La Réunion qui s’est chargé d’organiser cette rencontre annuelle des enseignants chercheurs de l’espace francophone en microéconomie appliquée.

Les 120 participants à ce colloque viennent de vivre deux jours intenses de partage de leurs travaux lors de 33 ateliers thématiques aussi variés que l’économie de l’éducation, la fiscalité et les finances publiques ou encore la discrimination, migration et emploi.
Ce fut également l’occasion pour une quarantaine de doctorants de présenter leurs résultats et de les discuter avec d’autres chercheurs. Parmi eux deux jeunes chercheurs réunionnais, Lionel Richefort dont le sujet de thèse porte sur la modernisation de l’irrigation à La Réunion (voir encadré) et Stéphane Hoareau impliqué dans des analyses de la consommation.

Les économistes choisissent la plupart du temps entre deux orientations. La macroéconomie regarde le fonctionnement du monde sous un angle général en découpant les interactions en sphère du travail, des ménages, des finances, des biens, de la monnaie.
« La microéconomie s’intéresse à ce que font les gens. » explique Michel Paul, maître de conférence en économie à l’Université de La Réunion. La microéconomie ne regarde pas "les ménages" avec des chiffres globaux mais à "un ménage" à partir d’enquêtes précises fournies par l’INSEE par exemple. « On pourra voir si on taxe l’alcool ce qui se passe en terme de consommation. On peut encore étudier l’efficacité des allègements de charges sur l’emploi à La Réunion et relever qu’elles ont une efficacité différente selon le secteur de production. »

En référence à la conférence d’ouverture du colloque par J. C. Hourcade (voir encadré), Michel Paul précise que sur les questions d’environnement comme pour d’autres questions, les pouvoirs publics sollicitent les économistes pour des études et des expertises, mais il n’en reste pas moins que les décisions appartiennent aux politiques.

Par ailleurs les analyses en microéconomie peuvent aboutir à des résultats qui interpellent parce que justement ils n’ont pas d’explication. Concernant l’offre de travail des ménages, un des résultats présenté portait sur la mesure de la perte de salaire lorsqu’une femme interrompt ou pas sa carrière pour élever ses enfants. Mme Dominique Meurs de l’ERMES ¬- Université Panthéon-Assas Paris et ses collègues se sont penchées sur la compréhension des inégalités de salaire entre les hommes et les femmes, salaires diminués globalement de 17 % pour les femmes. Il était intéressant de se demander si les interruptions de carrières des femmes pour élever leurs enfants grevaient leur potentialité à une égalité des salaires ; les femmes ayant peut-être moins d’années d’expériences. « Nous sommes partis d’une étude de l’Institut national des Études Démographiques (INED) qui permettait de voir la totalité de la carrière des femmes après leurs études initiales. En restreignant l’étude à des femmes de 39 à 45 ans, nous avons vraiment comparé les hommes et les femmes qui n’ont jamais eu d’interruption et nous retrouvons une inégalité de salaire de 10 % qui n’ont aucune explication.... » À moins que cette inégalité soit liée à une discrimination de la valeur du travail des femmes !

La microéconomie s’attache à mieux comprendre la complexité du monde dans lequel nous vivons et peut initier des prises de décisions plus nuancées dans le but d’un développement partagé.

Jean-Charles Hourcade, co-prix Nobel de la paix 2007.
(photo M.M.)

La prise en compte de la macro et de la microéconomie comme Jean Charles Hourcade le fait semble une meilleure analyse, et cela semble logique, pour tenter de considérer nos problèmes de société et tenter de les aborder d’une manière plus juste.

Muriel Martineau


Géopolitique de l’énergie : en finir avec des décisions sous hypnose

En invité de marque, Jean Charles Hourcade, Directeur de recherche au CNRS, Directeur du Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (CIRED), co-prix Nobel de la paix pour sa contribution aux travaux du GIEC, Groupe d’Experts Inter gouvernemental sur l’Évolution du Climat a ouvert la manifestation par une conférence sur 20 années de négociations entre les états dans l’affaire climatique.
Le conférencier est revenu sur les négociations depuis le G7 de 1988, époque postérieures aux chocs pétroliers où le coût de l’énergie était au plus bas, puis sur le sommet de Rio en 1992 et les décisions prises en matière de géopolitique de l’énergie ayant conduit au détermination des choix d’imposer soit des taxes aux pays émetteurs de carbones, soit des quotas a autoriser selon le "développement" du pays et du confort non négociables des états les plus riches et des autres en développement.
En mêlant réflexions, calculs et analyses globales dans le champ de la macro économie éclairé par la microéconomie au niveau d’un état, il explique les tensions entre équité et efficacité qui gère les tentatives pour diminuer les émissions de CO2 dans l’atmosphère au niveau mondial, dont sa conséquence, le réchauffement climatique est devenu un problème majeur, global et même catastrophique. Comment compter, ou doit on ne pas évaluer réellement les coûts des catastrophes en cours et à venir ? Un Indien a t-il le droit à la même quantité d’émission de carbone qu’un américain sur l’ensemble de sa vie ? Questions extrêmement délicates et essentielles parfois traitées "sans cœur" par des économistes. J. C. Hourcade n’hésite pas à dire qu’au plus haut niveau « les négociations se font sous hypnose. » En terme de prospective, il dit qu’il est nécessaire de coupler la microéconomie et la macroéconomie. Son rêve serait que les pays émergeants puissent très vite, dans les 5 ans, investir dans une politique énergétique durable et qui n’en ajouterait pas au réchauffement. En conclusion, il a souligné qu’« il y a assez de capitaux dans le monde pour construire des infrastructures durables dans ces pays. »


Un exemple de recherche en microéconomie qui ne demande qu’à être appliqué.

Lionel Richefort, doctorant et ATER (Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche) et de en dernière année de thèse au CERESUR de l’Université de La Réunion participe pour la première fois à la Journée de la Microéconomie Appliquée.
Pour lui c’est une belle opportunité car cela lui permet de présenter ses travaux dans le cadre d’une manifestation scientifique de haute portée sans avoir à se déplacer et grever son budget déplacement.

Accueilli au CIRAD qui est en contact permanent avec les gestionnaires de l’eau, ce jeune chercheur réunionnais travaille sur l’évaluation des politiques publiques dans le domaine de la modernisation de l’irrigation des zones agricoles.
Il évalue les différents dispositifs incitatifs, autrement dit les subventions à l’équipement et à la formation-conseil pour moderniser l’irrigation à La Réunion. « L’idée étant de comprendre quels sont les freins des agriculteurs à adopter les nouvelles technologies d’irrigation économe en eau. » indique t-il.
Il relève que pour les matériels les plus sophistiqués, très intéressant en gain de productivité et en économie d’eau, un effort plus conséquent doit être fait pour la formation et le conseil pour accompagner les subventions.


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