Aux antipodes de la nécessité d’un mix énergétique à partir des ressources locales

Mini-réacteurs nucléaires contre l’autonomie énergétique

21 août 2023, par Manuel Marchal

Un débat a lieu en Kanaky Nouvelle-Calédonie au sujet de la mise en service en 2030 de réacteurs nucléaires pour répondre aux besoins en énergie de l’industrie du nickel. Avec une population d’un million d’habitants en 2030, La Réunion peut constituer un débouché pour l’industrie naissante des mini-réacteurs nucléaires. Cette menace ne doit pas être écartée car elle mettrait fin définitivement à toute possibilité d’autonomie énergétique, renforcerait la dépendance de notre île à l’extérieur et obligerait la population à vivre dans la hantise d’un accident aux conséquences catastrophiques.

Nouvelle-Calédonie Première a évoqué la semaine dernière la question de la transition écologique dans le territoire. Le média est revenu sur les déclarations de hauts responsables de la République à ce sujet lors de visites officielles :
« "Le seul moyen d’avoir un avenir pour la filière nickel c’est de produire une énergie qui est compétitive et beaucoup plus décarbonée », a lancé Emmanuel Macron lors de son discours le 26 juillet à Nouméa. (…) En juin dernier, déjà, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, avait lancé un pavé dans la mare lors du séminaire de la FEDOM, à la CCI. " On doit avoir en Nouvelle-Calédonie une énergie autonome, pas chère et décarbonée ». Et de dire : « il ne faut pas écarter le mini-réacteur nucléaire !" »
Cette question fait débat en Kanaky Nouvelle-Calédonie. Les indépendantistes sont en effet opposés à l’introduction de l’énergie nucléaire dans le pays. Lors d’une émission télévisée le 10 août dernier, Roch Wamytan, le président du Congrès, a déclaré : « je suis contre, on s’est toujours battu pour un Pacifique dénucléarisé. Ce n’est pas trente ans après l’arrêt des essais nucléaires en Polynésie qu’on va recommencer, je suis contre ! ».

Importer les problèmes du nucléaire en Kanaky Nouvelle-Calédonie

Selon les informations de Nouvelle-Calédonie Première, ce sont deux réacteurs nucléaires qui sont en projet avec une mise en service prévue en 2030, dans 7 ans. Techniquement, il s’agit de deux « small modular reactor », des réacteurs nucléaires miniaturisés, livrés en kit et assemblés sur place. Des prototypes fonctionnent en Chine et en Russie.
En Kanaky Nouvelle-Calédonie, l’énergie nucléaire servirait donc à alimenter l’industrie du nickel. La France est un des pays au monde qui a le plus développé l’énergie nucléaire. Il ne fait donc guère de doute que ces mini-réacteurs constitueront une nouvelle source de profits pour l’industrie française. Mais même s’ils sont plus petits, ces réacteurs ont les mêmes caractéristiques que leurs aînés : obligation d’importer de l’uranium, production de déchets radioactifs pendant plusieurs milliers d’années et risque d’accident toujours présent.

La Réunion concernée ?

Si la Kanaky Nouvelle-Calédonie pourrait être concernée, elle risquerait de ne pas être la seule. En effet à La Réunion, moins de 20 % de l’énergie produite est issue de sources locales. L’importation du modèle occidental de consommation nécessite un besoin important d’énergie qui ne peut qu’augmenter au rythme de la population. Statistiquement, le remplacement du charbon par des pellets de bois importés d’Amérique du Nord comme carburant des centrales thermiques fait que les énergies dite décarbonées ont vu leur part augmenter de manière importante dans le mix énergétique. Et aux yeux de Paris, le nucléaire est une énergie propre car elle n’émet pas de gaz à effet de serre pour produire de l’électricité.
Il n’en demeure pas moins que si un ou plusieurs réacteurs nucléaires de ce type étaient implantés à La Réunion, c’en serait fini de l’autonomie énergétique. Car l’uranium doit être importé. C’est également faire courir le risque à la population d’être victime d’un accident aux graves conséquences environnementales et sanitaire. C’est aussi faire reposer sur les générations futures la question de la gestion des déchets nucléaires et de la dépollution des centrales arrivées en fin de vie.
Ce qui se passe en Kanaky Nouvelle-Calédonie n’est pas anodin.

Privilégier les sources locales

Ceci rappelle la nécessité d’amplifier la bataille pour que l’autonomie énergétique soit une réalité à La Réunion. Avec l’eau, le soleil, le vent, le volcan et l’océan, La Réunion dispose d’énergies renouvelables en abondance. Toutes les conditions sont réunies pour que notre île puisse parvenir rapidement à cette autonomie énergétique, à condition de diminuer drastiquement la pollution causée par le transport et de lutter contre les importants gaspillages. Le retour du train s’inscrivait dans cette perspective.

M.M.

A la Une de l’actuImpasse du modèleKanaky Nouvelle-Calédonie

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • C’est vrai nous avons toutes les ressources naturelles nécessaires à la Réunion pour réaliser notre autonomie énergétique mais ce qui nous manque pour atteindre cet objectif c’est la volonté politique de considérer le considérer comme une priorité et d’y consacrer une part conséquente de nos moyens financiers .
    Rien n’empêche nos collectivités territoriales (régionales, départementales et communales ) de promouvoir et de soutenir tous les projets dont le but serait de produire de l’énergie propre et renouvelable à partir de l’eau, du vent , de la géothermie , de l’océan , de la biomasse , du soleil, ou de tout autre moyen qui pourrait s’avérer efficace et rentable économiquement .Par exemple, créer des fours solaires qui pourraient produire de la vapeur d’eau qui ferait tourner des turbines à vapeur capable de produire de l’énergie électrique .
    Je rappelle en passant mon idée de transformer le grand étang de Saint Benoit en une grande retenue naturelle de plusieurs centaines de millions de m3 d’eau alimentée par les crues des ravines situées à proximité , pour produire de l’électricité tout en permettant d’irriguer une grande partie des surfaces agricoles de l’ile ,qui auront de plus en plus besoin d’eau compte tenu des périodes de sécheresse qui seront provoquées par le réchauffement climatique .

  • Excellente question dont le corollaire est : autonomie ou dépendance ?
    On est toujours toujours dépendant de quelque chose, mais vaut-il mieux n’être dépendant au départ QUE pour l’achat des installations, et fonctionner pendant des décennies très majoritairement en autonomie avec des énergies renouvelables ET non polluantes, ou être dépendant pendant toutes ces décennies d’une technologie ultra-sophistiquée (secrète, même !), dangereuse, polluante, et même FOIREUSE pour ce qui concerne l’EPR (voir les fiascos n° 1 et 2 de Taishan, mais il ne faut surtout pas en parler !) ?
    Cf. CRIIRAD et Le Canard Enchaîné du 5 août 2023, mots-clés EPR et Taishan 1, et même Taishan 2 qui a pris le même chemin, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

    Vaut-il mieux attendre 10 ans pour avoir (peut-être !) "beaucoup" d’énergie chère, centralisée et sale pour laquelle on est pieds et poings liés, ou commencer rapidement à mettre en place une production progressive, peu chère, propre et renouvelable qui est l’émanation du territoire ?
    Moi qui suis métropolitain, j’ai envie de vous dire, avec tout le respect que je ressens : vous avez fait l’objet, contrairement à d’autres, d’une colonisation "réussie" (au moins au sens du colonisateur), faut-il en "remettre une couche" en vous créant une dépendance draconienne supplémentaire, ou accentuer votre émancipation par le choix d’une autonomie énergétique ? En se souvenant qu’un pouvoir central déteste l’autonomie !
    La question me paraît devoir être posée ainsi... Mais c’est vous qui voyez !

  • Il n’y aura pas plus d’autonomie énergétique grâce aux panneaux solaires, éoliennes, centrales géothermiques (je ne parle même pas des gadgets basés sur les énergies de la mer). Sinon ce serait fait depuis longtemps non ?
    Le vrai sujet de fond est la réduction de nos consommations énergétiques, donc la sobriété dans nos usages (nos déplacements principalement). Oui mais à quel prix ? Et comment répartir l’effort ? Ce sont là les vrais questions et le seul débat à avoir sur le choix de société réunionnaise que l’on voudra laisser à nos marmay.
    Quand on sait que les recettes de nos régions d’outre mer repose fortement sur les importations d’hydrocarbure, on a du soucis à se faire. Mais heureusement nos chers dirigeants charismatiques et forces de propositions ont identifié ce problème...


Témoignages - 80e année


+ Lus