Conséquence de la révolution technologique et de l’état de pauvreté de la société réunionnaise

Nickel : 50.000 Réunionnais clients d’une banque conçue pour les pauvres

29 juillet 2020, par Manuel Marchal

La révolution technologique et la précarité de la société réunionnaise expliquent le succès d’un nouveau genre de banque sans agence et gérée par un opérateur téléphonique : Nickel. 50.000 Réunionnais sont client d’un service de paiement qui fonctionne comme un compte bancaire à une exception près : le découvert est interdit. Nickel est l’illustration d’un service conçu pour les pays en développement, qui s’appuie sur le téléphone mobile, et qui ne pourra que rencontrer un succès croissant dans notre île compte tenu de la précarité de la population réunionnaise.

A La Réunion, 50.000 personnes sont clientes d’une banque sans agence : Nickel. Dans notre île, la distribution de ce service est assuré en exclusivité par un opérateur de télécommunication, Zeop. Les ouvertures de compte s’effectuent dans 45 points de vente chez des commerçants, notamment des buralistes.

Dans une communication à la Commission des Finances du Sénat en date de juin 2017, intitulée « Les politiques publiques en faveur de l’inclusion bancaire et la prévention du surrendettement », ce service était présenté de la manière suivante :
« La Financière des Paiements électroniques, établissement de paiement dont 95 % du capital a récemment été racheté par BNP Paribas, propose, depuis février 2014, un service de compte de paiement, appelé Compte-Nickel, qui permet à chacun de disposer d’un compte, d’un relevé d’identité bancaire (RIB) et d’une carte de paiement Mastercard à autorisation systématique. Ces comptes sont censés s’ouvrir, très rapidement, dans un bureau de tabac : le client obtient immédiatement un RIB qui lui permet de domicilier des revenus et des prélèvements et une carte à autorisation systématique en contrepartie d’une cotisation annuelle (de 20 euros) et de frais sur certaines opérations (retrait ou dépôt d’espèces chez un buraliste, retrait d’espèces dans un distributeur, saisie sur compte, rejets de prélèvements au-delà du troisième rejet dans le mois, etc.). L’alimentation du compte se fait par virement ou dépôt en liquide. Aucun découvert n’est autorisé et le suivi du compte se fait en temps réel : chaque opération ou tentative d’opération génère un SMS qui la récapitule et donne le nouveau solde du compte »

Nickel n’est donc pas une banque au sens classique du terme. C’est un service de compte de paiement, « Établissements qui ne sont pas des établissements de crédit et qui fournissent à titre habituel des services de paiement (services permettant de verser ou retirer des espèces sur un compte de paiement, exécution de paiements par carte, virements et prélèvements, etc.). », précise la communication au Sénat.

« L’ouverture de comptes bancaires en ligne ou de comptes de paiement auprès de prestataires de proximité peut ainsi apparaître plus simple que de mettre en œuvre la procédure du droit au compte et le mode de fonctionnement de certains de ces comptes peut s’avérer un cadre plus sécurisant pour les personnes rencontrant des problèmes de trésorerie et des difficultés de gestion qu’un compte bancaire, sur lequel les dysfonctionnements se traduisent par la perception d’agios et de commissions d’intervention, dont le montant, même plafonné dans le cadre de l’offre spécifique, peut se révéler très élevé. Une enquête menée auprès de 41 000 clients du compte Nickel démontre ainsi que « l’absence de frais cachés » constitue une des trois principales raisons de souscription ».

Les opérateurs télécom comblent un vide

Nickel n’est pas un cas isolé dans notre région. A Madagascar, à peine 10 % de la population a ouvert un compte dans une banque. Ce nombre peut s’expliquer par les frais de gestion relativement important. Les banques y visent les clients solvables, en proposant des offres destinées aux fonctionnaires notamment.
La majorité utilise donc d’autres solutions. Des opérateurs téléphoniques proposent des services bancaires à l’image de Nickel. Ainsi, quand une personne achète du crédit à un opérateur mobile, c’est comme si elle rechargeait un porte-monnaie situé dans son téléphone. Libre à elle ensuite d’utiliser cette somme pour régler des achats chez des commerçants acceptant d’être payés par un transfert de crédit sur leur téléphone.
Par ailleurs, il est possible de retirer de l’argent chez un commerçant en lui transférant du crédit. Les factures d’eau et d’électricité peuvent être payées sous cette forme.
Il est à noter que depuis le début de l’épidémie de coronavirus à Madagascar, plusieurs milliers de personnes ont perçu une aide d’urgence directement sur leur téléphone. Par ailleurs, un partenariat entre l’État et la Poste de Madagascar permet aux fonctionnaires situés dans des endroits isolés de percevoir leur salaire sous cette forme.
Ces comptes de banque mobile offrent donc les mêmes prestations que Nickel, la carte bancaire étant remplacée par le téléphone pour effectuer des paiements dématérialisés. Pour chaque opération, l’opérateur touche une commission.

Pour les pays en développement

Nickel apparaît donc comme une solution imaginée pour des pays en développement, où l’accès à une banque est réservée à une minorité, celle qui peut compter sur un salaire régulier payé chaque mois.
Le succès de cette formule à La Réunion confirme aussi l’existence d’une grande précarité. Ici, pas de coûts cachés et pas de droit au découvert : l’endettement n’est pas permis.
Elle souligne aussi combien la révolution technologique change de nombreux secteurs, et les opérateurs de télécommunication sont devenus de fait non seulement des fournisseurs de contenu audiovisuel concurrençant la télévision, mais aussi des banques Désormais, les banques classiques sont face à une concurrence nouvelle, et elles sont amenées elles aussi à développer des offres analogues.

M.M.

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