Washington profite de la crise financière pour liquider sa dette à moindre frais

Nouvelle étape dans la guerre monétaire lancée par les Etats-Unis

19 septembre 2008, par Manuel Marchal

La crise financière ne fait pas que des perdants. Derrière tous les événements qui se succèdent pointe une stratégie. Le gouvernement américain a saisi cette occasion pour vider les caisses de ses créanciers, et pour régler des comptes politiques en Amérique Latine et dans le Caucase. Où s’arrêtera cette guerre monétaire lancée par les Etats-Unis ?

Depuis la semaine dernière, le gouvernement américain a nationalisé plusieurs banques. Après le sauvetage de Fannie Mae et Freddy Mac, deux organismes garantissant 40% des crédits immobiliers aux Etats-Unis, c’est l’assureur AIG qui est devenu la propriété du gouvernement américain en échange d’un prêt de 85 milliards de dollars.
Mais Washington n’a pas levé le petit doigt pour sauver Lehman Brothers. C’est bien la preuve que le gouvernement américain fait des choix, et ne laisse donc pas faire le marché. Et qui dit choix dit stratégie, et tout porte à croire que ces opérations s’inscrivent dans une guerre monétaire lancée par les Etats-Unis pour liquider leur dette à moindre frais, et pour porter un coup à deux pays qui contrarient ses plans en Amérique latine et dans le Caucase, le Nord du Moyen-Orient.
Une nouvelle annoncée hier confirme clairement cette orientation : les rendements des Bons du Trésor américains se sont effondrés mercredi. Un piège se referme. Depuis déjà plusieurs mois, la banque centrale américaine ne cesse d’injecter des dizaines de milliards de dollars pour soutenir les marchés. Pour financer cette politique, elle s’appuie sur les Bons du Trésor, libellés en dollars. Ces bons sont achetés la plupart du temps par des investisseurs étrangers aux Etats-Unis.
Hier, Washington a franchi une nouvelle étape en mettant aux enchères des Bons dont le rendement est au plus bas. Cette opération était censée rapporter 40 milliards de dollars. Mais que vaudront demain ces 40 milliards de dollars ?
Pendant des décennies, les investisseurs étrangers, les banques étrangères, les fonds souverains, ont acheté ces Bons. Aujourd’hui, leur rendement est au plus bas. Autrement dit, ils ne valent plus grand chose et le risque est qu’ils ne soient plus que des morceaux de papier.
Tous les fonds d’investissement, toutes les banques qui possèdent ces bons voient donc leur caisse se vider. Pour prendre un seul exemple, il est à noter que la Chine possède à elle seule 500 milliards de dollars en bons du Trésor américains.
Le résultat est clair : la crise financière entraîne une perte énorme pour les réserves monétaires du monde entier au profit d’un seul pays, qui a la possibilité de faire marcher la planche à billet pour liquider sa dette à moindre frais. Ce pays, ce sont les Etats-Unis.

Un coup porté au Venezuela et à la Russie

Le deuxième niveau de cette stratégie est la baisse brutale des cours du pétrole. Deux pays sont notamment concernés par cette évolution : la Russie et le Venezuela. Or, ces deux pays ont comme point commun de contrarier les intérêts de la Maison-Blanche, et d’utiliser la rente pétrolière comme un pilier de leur politique. La Russie a infligé un revers à la Géorgie, un candidat à l’adhésion à l’OTAN, tandis que le Venezuela a décidé d’expulser l’ambassadeur US à Caracas, et de renforcer le contrôle de l’Etat sur la distribution des carburants, au détriment des compagnies américaines.
On peut remarquer que cette baisse du prix du pétrole est liée à la crise financière. On constate également que Lehman Brothers est une banque d’affaire fortement impliquée dans le marché du pétrole. L’annonce de sa faillite n’a fait qu’amplifier la baisse des cours, du fait que les spéculateurs aient retiré brutalement leur investissement. Cela explique donc pourquoi Washington a sacrifié Lehman Brothers, alors qu’il a préservé l’assureur AIG, et d’autres banques.

Dominer la mondialisation libérale

Les difficultés sans précédent connues par les banques d’affaire de Wall Street deviennent alors des dégâts collatéraux. Sur l’autel de sa stratégie, Washington doit sacrifier quelques intérêts. C’est la faillite de Lehman Brothers qui met des dizaines de milliers de travailleurs au chômage dans le monde entier, c’est la vente aux enchères de la première caisse d’épargne US, Washington Mutual, qui menace de ruiner des millions de petits épargnants. Sacrifis également Merill Lynch lors du rachat de cet établissement par Bank of America, dans l’optique de constituer la première banque du monde.
Pendant la Seconde guerre mondiale, les Etats-Unis avaient également dû faire des sacrifices, mais ils ont servi au triomphe d’une stratégie : la création des institutions de Bretton Woods et le remplacement de l’or par le dollar comme étalon des échanges commerciaux.
Washington utilise l’arme monétaire dans un objectif : porter un coup à ses concurrents pour être le pays qui dirigera le marché unique mondial de la mondialisation ultralibérale. Jusqu’où ira cette guerre monétaire ?

Manuel Marchal


Des bons du Trésor US aux enchères

Le département américain du Trésor va mettre des bons aux enchères pour soutenir la Réserve fédérale, qui a multiplié les initiatives ces derniers jours face à la crise financière, annonce la "Presse canadienne".
La première enchère pour un montant de 40 milliards de dollars devait avoir lieu hier, avec des "cash management bills" d’une durée de 35 jours.
La banque centrale américaine est intervenue à plusieurs reprises ces derniers temps pour injecter des liquidités dans le système financier et sauver de la faillite des institutions financières victimes de la crise du crédit hypothécaire avec des prêts d’urgence. Le dernier d’un montant de 85 milliards de dollars accordé mardi soir à l’assureur AIG, en échange de la nationalisation.
Par ailleurs, "La Tribune" annonce que les rendements des Bons du Trésor américains « se sont effondrés mercredi ». Ils atteignent leur plus bas niveau depuis 50 ans. Mais, constate "la Tribune", « ce fort repli permet à l’Etat américain de financer à moindre coût sa dette alors qu’il doit trouver des fonds pour mettre en place les plans de sauvetage des établissements de refinancement hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mac et de l’assureur AIG. »


La première caisse d’épargne US vendue aux enchères

« La première caisse d’épargne américaine aurait entamé une procédure d’enchères pour sa vente, selon le New York Times », indique "la Tribune" d’hier.
Le quotidien américain affirme ainsi que Washington Mutual a entamé une procédure d’enchères par laquelle elle se met en vente.
« Jugée comme l’une des banques les plus exposées aux titres adossés à des crédits hypothécaires, WaMu n’a cessé d’augmenter le montant de ses provisions pour créances douteuses : de 1,53 milliard de dollars au 4e trimestre 2007, elles sont passées à 10,3 milliards de dollars neuf mois plus tard. Son titre a encore chuté de 13,36%, à 2,01 dollars mercredi. Depuis le début de l’année, il s’est effondré de 85% », indique notre confrère.

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