Mobilisation des “Jeunes agriculteurs Réunion”

’On se met la corde au cou’

27 avril 2006

Hier matin, une poignée d’adhérents de l’association “Jeunes agriculteurs Réunion”, présidée par Nicolas Alaguirissamy, avait fait le déplacement sur le chef-lieu pour rencontrer le directeur de la DAF. Au menu des revendications, la baisse du financement des stages et formations préalables à l’installation des jeunes et l’asphyxie du revenu des planteurs induite par la convention canne.

Lors de son passage à La Réunion en décembre 2005, le ministre Dominique Bussereau avait assuré qu’il n’y aurait pas de gel des crédits sur l’installation, déclarée priorité du ministère de l’Agriculture. Formations et stages préparant les jeunes à créer ou reprendre une exploitation ne devaient rencontrer aucun frein budgétaire. Dans les faits, la création des emplois dans l’agriculture est reléguée au rang des annonces sans suite.

"Immobilisme des pouvoirs publics"

Les stages de 6 mois et de 40 heures, prérogatives à l’installation d’un jeune, tout comme le Contrat d’agriculture durable (CAD) qui permet aux exploitations de travailler dans le respect des normes environnementales, sont menacés. Pour 2006, le budget de l’enseignement agricole a chuté de 2 millions d’euros, remettant en cause le projet professionnel de deux tiers des stagiaires inscrits pour cette année. 40 dossiers de CAD sont en attente, alors que les agriculteurs postulants ont déjà financé leurs instructions. "Si l’on reste dans cette logique, le budget ne permettra de financer que 3 ou 4 CAD", explique Nicolas Alaguirissamy.
Alors que 150 agriculteurs s’engagent chaque année dans cette démarche qualité pour une agriculture raisonnée, l’enveloppe de 3,5 millions d’euros promise par le ministère de l’Agriculture pour La Réunion en 2005 se réduit à 85.000 euros pour cette année. À la fin de l’année, le dispositif CAD cessera sans mesure de substitution. Puisque le gouvernement affirme que le développement durable est devenu une notion incontournable de l’agriculture du 21ème siècle, "comment peut-il laisser au bord du chemin 150 agriculteurs prêts à s’engager dans cette démarche ?".
L’association “Jeunes agriculteurs Réunion”, déroutée par cette "sacro-sainte rigueur budgétaire", dénonce "l’attitude irresponsable et l’immobilisme des pouvoirs publics". Elle demande au gouvernement de respecter ses engagements et de garantir l’accompagnement d’un modèle agricole qui prend en compte les attentes de la société, tant sur le plan de l’environnement que de la sécurité alimentaire. Le directeur adjoint de la DAF (Direction de l’agriculture et des forêts), Bruno Derouand, répond qu’il faut attendre en début de semaine pour en savoir plus sur les aides à l’installation et que pour débloquer le nœud du CAD, il faut une intervention nationale, donc que le préfet intercède.

Ces conditions, sinon rien

Autre point majeur d’inquiétude pour “Jeunes agriculteurs Réunion”, les négociations de la nouvelle convention canne qui va fixer un prix unique de la canne pour les 9 campagnes à venir et sceller ainsi le revenu des planteurs pour la même période. "Nous ne signerons pas si cette convention ne répond pas à des conditions bien précises", soutient Nicolas Alaguirissamy qui souhaite qu’au-delà des industriels, de l’État et des planteurs, sa signature s’étende aux collectivités et importateurs. Jusqu’en 2014, le revenu des planteurs sera bloqué, alors que parallèlement, "sans parler de l’inflation que tout le monde paye", les charges d’exploitations vont continuer d’augmenter (+25% sur les 6 dernières années).
“Jeunes agriculteurs Réunion” souhaite ainsi que le Département s’engage à fixer un prix d’irrigation jusqu’en 2014, avec la garantie d’une remise de 15% sur facture en cas de sécheresse. Elle sollicite "un coup de main" de la Région Réunion pour déterminer un prix du gasoil pour cette période, sachant que pour les petits agriculteurs qui ne possèdent pas de gros engins, l’extension de cette détaxe s’étendrait à l’ensemble des véhicules d’exploitations utilitaires. Sur le même principe, les 2 plus gros importateurs d’engrais et de désherbants devront s’engager à bloquer leurs prix.
Enfin, l’association attend que les industriels s’engagent à augmenter le prix de base de la canne de 20% et que l’État augmente l’aide au transport. "Les autres font ce qu’ils veulent, mais moi, je ne veux pas mentir aux agriculteurs, défend Nicolas Alaguirissamy. Si on signe en l’état, on se met la corde au cou. C’est avec ces conditions, sinon rien". La DAF et “Jeunes agriculteurs Réunion” ont convenu d’envoyer respectivement des invités aux acteurs concernés pour mettre ces questions à plat.

Estéfani


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