Les limites d’un modèle

Outre-mer : La fin d’un cycle

15 avril 2009, par Risham Badroudine

La réalité réunionnaise que nous connaissons s’est bâtie en seulement trois siècles. Ces trois siècle ont été marqués par l’esclavage, jusqu’au 20 décembre 1848, date de l’abolition, la colonisation, l’engagisme, puis depuis le 19 mars 1946, le statut de département d’Outre-mer. Depuis cette date de gros progrès ont été réalisés et ont permis de régler des problèmes de fond (bien-être de la population, élévation des conditions de vie, de santé, d’éducation, biens matériels, infrastructures, équipements...). Cependant, le modèle économique a atteint ses limites dans le cadre d’une économie sans frontières. Les évènements de ses derniers mois dans les DOM en général montrent la gravité de la situation. A la crise conjoncturelle s’ajoute les limites structurelles des modèles de développement.

Le contexte économique actuel est très difficile. Le monde traverse l’une des plus graves crises de son Histoire. Malgré des décisions politiques de grande ampleur, les difficultés du secteur financier restent vives et pèsent sur l’économie réelle.
Concernant les territoires et départements d’Outre-mer, les évènements de ses derniers mois montrent la gravité de la situation. A la crise conjoncturelle s’ajoute les limites structurelles des modèles de développement.

Taux de chômage très important

Certes, les conditions de vie des Réunionnais se sont nettement améliorées au cours de ces dernières décennies. Mais l’importance du chômage reste la première caractéristique de notre économie. Actuellement, le nombre de demandeurs d’emploi à la Réunion s’élève à 109.877 individus. Les emplois créés restent insuffisants par rapport au nombre d’actifs qui arrivent sur le marché du travail.
Près de 150.000 Réunionnais dépendent d’un des minima sociaux soit 280.000 personnes (allocataires et familles) couvertes par les prestations. Ce nombre représente aujourd’hui plus du tiers de la population réunionnaise.
Le modèle actuel a également abouti à de très forte inégalité. 52 % de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté. L’écart des revenus à la moyenne qui mesure le degré d’inégalité entre les hauts et les bas revenus est à La Réunion deux fois plus élevé qu’en France. A côté de cela, le coût de la vie ne cesse d’augmenter puisque notre île connaît le plus fort taux d’inflation (2.6%) comparé à la France ou aux autre DOM. 
L’illettrisme reste aussi un problème majeur. Notre île connaît aujourd’hui 110.000 illettrés : 17% des 18-65 ans à La Réunion ont des difficultés à la compréhension d’un texte simple, 18% ont des difficultés dans la production de mots écrits. L’illétrime touche toute les tranches de la population même si le taux est plus important chez les personnes agées, lié l’héritage du retard de la mise en place du système éducatif.
Notre balance commerciale (importation-exportation) représente un déficit de 3 milliards 673 millions d’euros). La situation du commerce extérieur réunionnais évolue de façon inquiétante puisque notre déficit de cesse de se creuser. Notre île n’exporte que pour 270 millions d’euros et principalement du sucre. Notre taux de couverture (exploration/importation) n’est que de 6%.

Les limites du modèle

Notre île a conservé depuis près de 50 ans ce lien exclusif avec la France. En effet, plus de 70% de nos produits viennent de l’Europe et plus particulièrement de France. Nous nous approvisionnons donc vers les pays où les coûts de production sont les plus élevés et avec des frais de transport également élevés, liés à la distance. Notre source d’approvisionnement est donc l’un des facteurs de "vie chère".
L’ensemble de ces paramètres nous amène à un constat : le modèle a atteint ses limites. Il a abouti à un système très inégalitaire, avec un chômage de masse. En même temps, avec l’application des APE et l’ouverture des marchés, les économies des DOM vont se retrouver en concurrence avec les pays voisins où les coûts de production sont largement inférieurs.
L’OMC oblige également une ouverture des frontières et la suppression de toute forme de subsides.
Se pose également le problème de la filière canne/sucre à La Réunion. Nous sommes aujourd’hui au cœur des contradictions. Nous sommes dans l’impasse dans tous les secteurs. Quel chemin prendre aujourd’hui ? Le modèle économique actuel atteint ses limites. La sortie ne peut aujourd’hui se faire que par le biais du développement durable.

Risham Badroudine 


Les Accords de partenariat économique : une nouvelle donne

Face à une situation déjà très difficile, deux défis majeurs seront à relever dans un avenir proche. Cela concerne plus particulièrement :
1) Les Accords de Partenariat Economique (APE) qui devrait entrer en vigueur très prochainement. Dans le cadre des négociations des APE, l’Union Européenne a proposé un accès en franchise de droits et sans contingent pour tous les produits des pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique). Cela signifie une entrée sans droit de douane des produits des pays ACP sur le territoire de La Réunion. Comment nos producteurs locaux pourront-ils faire face à la concurrence des produits en provenance de ces pays où les coûts de production sont nettement plus bas que sur notre île ? Comment préserver l’immédiat sans hypothéquer l’avenir ?

2) La filière canne a bénéficié jusqu’à présent de quotas et de prix garantis, dans le cadre de l’Organisation communautaire de marché de l’Union européenne. Or, l’Union européenne s’intègre chaque jour davantage dans la mondialisation des échanges commerciaux. Elle doit s’adapter aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Celle-ci exige de plus en plus la suppression des quotas, des prix garantis et des aides publiques. L’OMC a déjà imposé à l’Union européenne des modifications importantes de son marché sucre. Par exemple, c’est en effet pour répondre aux exigences de l’OMC que l’Union européenne a décidé en 2006 de baisser le prix du sucre de 36%. Cette décision a entraîné une baisse de revenu pour notre filière canne-sucre. D’où la décision de l’Union européenne et du gouvernement français de venir en aide par des subventions. Ces aides sont assurées jusqu’en 2014. Mais l’OMC continue sa pression sur l’Europe et le gouvernement français pour qu’après 2014, ces subventions soient définitivement supprimées. L’Europe et la France céderont-elles ?

 R.B 

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