Des acquis mais une crise qui s’aggrave

Outre mer : Les limites d’un modèle

20 février 2009

La Réunion, terre intégrée dans la République française et dans l’Union européenne, a su tirer profit de son positionnement géographique et historique. Ce qui nous a permis d’obtenir des moyens et de régler des problèmes de fond (bien-être de la population, élévation des conditions de vie, de santé, d’éducation, biens matériels, infrastructures, équipements...). Cependant, ce modèle a atteint ses limites dans le cadre d’une économie sans frontières. La crise que traverse actuellement les DOM pose un problème de fond sur l’avenir de ces territoires.

Pourquoi ces territoires traversent cette crise et dans quelle situation se trouvent-ils actuellement ? L’Outre-mer n’a jamais été la préoccupation majeure des Parisiens. Ils ne viennent que lorsqu’il y a des voix à prendre en prévision des élections.

Un bref rappel historique

Un bref rappel historique nous permettra de mieux comprendre la situation. La loi du 19 mars 1946 a conféré à la Guyane, à la Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion le statut de département. L’égalité sociale prévue au 1er janvier 1947 n’a eu lieu que 50 ans plus tard, c’est-à-dire en 2002.
Historiquement, ces territoires ont donc été intégrés à la France par l’assimilation. Or, l’assimilation était une erreur pour ces régions, mais aussi pour la France.

Au vu de l’inégalité de traitement avec la France, le PCR a réclamé l’autonomie à partir de 1959. Il a été accusé à tort de séparatisme.
Arrive ensuite l’année 1982, marquée par l’installation de la gauche au pouvoir en France. Cela a suscité un grand espoir. Mais le pouvoir a préféré une politique dite d’« intégration sans assimilation » à la place de l’Assemblée Unique. Le PCR a tiré les enseignements par l’arrêt du mot d’ordre d’Autonomie et par son engagement à lutter au niveau du contenu des projets, en déclarant que l’Histoire tranchera.

La loi de décentralisation de mars 1982 a érigé chaque DOM en région et a transféré au Conseil général et au Conseil régional un certain nombre de compétences relevant auparavant de l’Etat. Ce transfert de compétences a été renforcé par la loi du 13 août 2004. Cette loi stipule que toutes les collectivités locales peuvent intervenir dans les domaines de compétence. L’Etat continue tout de même à jouer un rôle prépondérant dans le domaine économique, notamment au travers des lois d’orientation ou des lois-programmes.

Beaucoup de questions restent en suspend. Comment assumer l’intégration à la France et à l’Europe ? Comment développer les relations avec les pays voisins dans ce nouveau contexte avec des écarts de niveau de vie importants ? Comment régler entre autres les problèmes posés par les APE ? Comment régler le problème de la concurrence ?
De 1981 à aujourd’hui, on est dans une situation d’intégration sans assimilation. Quels résultats ?

Des indicateurs économiques alarmants

Les DOM sont caractérisés par un taux de chômage très important. Le chômage y est à la fois un phénomène ancien et de forte ampleur. Inexistant avant la départementalisation, il apparaît bien avant le début de la crise de 1970. Dès la fin des années 1960, il dépassait 13% de la population active. En 1974, il approchait les 20% tant aux Antilles qu’à La Réunion. Il n’a cessé de progresser tout au long des années 1980 et 1990. Son profil avoisine aujourd’hui les 30% de la population active.
Le chômage dans les DOM affecte en premier lieu les jeunes (de moins de 25 ans) et les femmes. Ce constat vaut pour les 4 DOM. Les jeunes actifs de moins de 25 ans représentent environ 11% de la population active des DOM, mais quelque 20% du nombre total de chômeurs. Leur taux de chômage atteint ainsi les 63% en moyenne.

Plusieurs phénomènes expliquent ce déséquilibre persistant sur le marché du travail dans les DOM :

• La forte augmentation de la population active.
Les données fournies par Jean-Yves Rouchoux illustrent bien la situation de La Réunion :

- de 1967 à 1974, plus de 12.500 emplois sont créés (1.800 par an), mais 23.800 actifs supplémentaires arrivent sur le marché de l’emploi (3.400 par an) et le taux de chômage s’approche de 20%,
- de 1974 à 1982, il y a une création annuelle d’emplois inférieure à 2.000 personnes, mais 5.400 actifs supplémentaires,
- de 1982 à 1990, c’est 3.500 emplois environ qui sont créés, mais avec plus du double d’actifs supplémentaires, soit 7.250 personnes.
Au début des années 1990, les créations d’emplois sont plus modestes : 3.000 emplois en moyenne et par an. Cet échec relatif en matière de création d’emplois (taux de croissance annuel avoisinant 1,5%) débouche sur un taux de chômage toujours croissant du fait de l’arrivée de 7.700 actifs avec un taux de chômage qui avoisine les 30% aujourd’hui.

• Une évolution plus modérée de la demande de travail.
La croissance économique enregistrée dans les DOM a été plutôt économe en emplois et a reposé largement sur les gains de productivité.

• Le décalage entre l’offre et la demande de travail.
La proportion d’actifs sans diplôme reste élevée dans les DOM (de l’ordre de 40%) contre 16% en France.

• La structure de l’économie.

Les économies des DOM ont connu une transition d’économie de plantation vers des économies tertiaires (plus de 84% de la valeur ajoutée aujourd’hui). Le secteur primaire a quasiment disparu et le secteur secondaire, notamment industriel, reste très faible (6% contre près de 20% en France).

• Des transferts très importants représentant près de 40% du PIB.
À La Réunion, selon les chiffres de l’I.E.D.O.M., le solde net des transferts publics, c’est-à-dire le solde des recettes et des dépenses de l’État, plus le solde des recettes et des dépenses des organismes sociaux représentent environ 40% du PIB régional, et cela depuis plus de dix ans. Le poids des transferts publics dans l’économie est très important dans les DOM où il avoisine les 30% du PIB.

• Un déficit de la balance commercial très important.
Le taux de couverture (exportation/importation) est inférieur à 10% dans les DOM. (Voir graphique “Évolution du déficit de la balance commerciale à La Réunion”).

• Des exportations très faibles et essentiellement de produits primaires (près de 50% pour le sucre à La Réunion).

• Une très faible ouverture sur les pays voisins.

Le commerce se fait essentiellement avec la France depuis près de 50 ans.

A cela s’ajoutent des indicateurs sociaux alarmants :
La part de la population vivant en dessous du seuil de la pauvreté est considérable dans les DOM et en particulier à La Réunion. En effet, 52% de la population vit avec moins de 690 euros par mois.

• De très fortes inégalités de revenu.
Les inégalités sont deux fois plus importantes que celles observées en France.

• Un fort taux d’illettrisme.
Par exemple, à La Réunion, près de 120.000 personnes sont illettrées.

• Un coût de la vie extrêmement élevé.
Certaines études montrent que le coût de la vie est 50% plus élevé dans les DOM qu’en France.

Au cœur des contradictions

Le modèle a abouti à un système très inégalitaire, les revendications des Domiens sont donc légitimes. En même temps, avec l’application des APE et l’ouverture des marchés, les économies des DOM vont se retrouver en concurrence avec les pays voisins où les coûts de production sont largement inférieurs.
L’OMC oblige également une ouverture des frontières et la suppression de toute forme de subsides. Le prix du sucre va ainsi être réduit de 36%. Quelle catégorie sociale accepterait une baisse de 36% de ses revenus ?
Nous sommes aujourd’hui au cœur des contradictions. Nous sommes dans l’impasse dans tous les secteurs. Quel chemin prendre aujourd’hui ? Il faut que tous les Réunionnais se concertent. L’intégration avec ou sans assimilation a aggravé tous les paramètres. La sortie ne peut aujourd’hui se faire que par le biais du développement durable.

ER.V

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