Négociations entre l’Union européenne et les États-Unis

Pacte Transatlantique : « Un nouveau coup de force néolibéral »

9 avril 2014, par Céline Tabou

Les négociations en cours entre l’Union Européenne et les Etats-Unis vont conduire à un accord de libéralisation accrue du commerce et des investissements entre les deux parties. Ce pacte vise à mettre en place une zone de libre-échange, principalement au profit des Etats-Unis.

En bleu foncé, Union européenne (dont La Réunion) et États-Unis. Extension possible aux pays en bleu ciel (ALENA et AELE).

« Négocié en secret, ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettrait d’attaquer en justice tout Etat qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme », a expliqué Lori M. Wallach, directrice de "Public Citizen’s Global Trade Watch". A la suite de fuite sur l’existence de ces négociations, l’ensemble des organisations non gouvernementales, des syndicats, formations politiques et militantes internationales ont vivement dénoncé ce prochain accord, remettant en cause tout le système commercial de l’Union Européenne au profit des Etats-Unis.

Le libéralisme à son paroxysme

Ce pacte transatlantique donne le droit à une entreprise de poursuivre un État ou une collectivité locale, si une réglementation entrave au commerce et la prive de bénéfices escomptés. En cas de litige, le différend sera arbitré par des experts privés, à la discrétion et hors des juridictions publiques nationales, régionales ou multilatérales.

Le pacte prévoit également que les législations actuellement en vigueur s’adaptent aux normes du libre-échange mises en place par et pour les grandes entreprises européennes et américaines. En cas de poursuite, le pays en faute fera face à des sanctions commerciales ou au versement de plusieurs millions d’euros au bénéfice de l’entreprise qui a déposé plainte, a expliqué Attac-France.

Pour Marc Delepouve, syndicaliste et universitaire, « l’ambition générale du pacte transatlantique, telle que définie par le mandat de juin 2013, est d’accroître la soumission des institutions démocratiques de l’UE et de ses États membres (idem outre-Atlantique) aux lois du marché et aux entreprises multinationales ». Ce dernier a affirmé que ce pacte transatlantique est « la tentative d’un nouveau coup de force néolibéral », le tout au profit unique des entreprises multinationales, de leurs dirigeants et de leurs principaux actionnaires.

Entrée des Etats-Unis sur le marché européen à un taux quasi nul

Pour exemple, l’accord s’attaque aux droits de douanes américains et européens sur les biens manufacturés commercialisés par chaque économie. Déjà faibles, soit moins de 3% en moyenne, l’accord de libre-échange permettra aux entreprises américaines d’intégrer le marché européen grande sans difficulté et à un taux quasi nul.

Pour Gérard Filoche, membre du PS et militant pour la CGT, « la suppression des droits de douanes menace l’industrie européenne ». En effet, d’après le site Rue89, les droits de douanes qui protègent les industries européennes sont plus faibles que les protections tarifaires des Etats-Unis. « L’accord risquerait de mettre à mal ce qui reste en France en particulier d’industrie automobile », a expliqué ce dernier. En effet, l’Union Européenne paie plus cher que les Américains pour entrer sur le marché de ces derniers.

En matière d’agriculture, les conséquences seraient désastreuses, car « la levée de ces barrières douanières serait un désastre pour les éleveurs français, un problème certain pour les betteraviers », qui devront faire face à une concurrence déloyale des Américains. Ce déséquilibre porte en partie sur les réglementations sanitaires et environnementales européennes actuelles qui freinent la pénétration du marché par les Etats-Unis.

Normalisation des règles

Pour Jean-Luc Mélenchon du Parti de Gauche, « l’accord livre la France et l’Union européenne aux intérêts économiques et stratégiques américains ». La coprésidente du parti, Martine Billard, a ainsi expliqué que « si demain ces normes disparaissent, la concurrence deviendra totalement inégale, nos assiettes seront envahies de malbouffe et ce sera la fin de la paysannerie, déjà bien mal en point ».

Pour permettre cette zone de libre-échange, l’Union Européenne et les Etats-Unis prônent pour une harmonisation des règles en matière de production agricole ou industrielle, la protection des données numériques et des licences et entre autres, les mesures de prévention des risques environnementaux et sanitaires. Pour les détracteurs, l’harmonisation des normes permettra, par exemple, de voir sur les rayonnages d’Europe, La Réunion comprise, de la volaille désinfectée avec des solutions chlorées ou du bœuf aux hormones.

En effet, les réglementations sur les produits chimiques, mais aussi sanitaires et environnementales, sont beaucoup plus contraignantes en Europe qu’aux États-Unis. D’après le rapport commandé par la Commission ENVI du Parlement européen, l’Europe risque de perdre ses standards de protection dans le domaine de l’environnement et de la sécurité alimentaire. La remise en cause de ces normes peut avoir des conséquences sur la santé des Européens, mais sur le mode de consommation,

 Céline Tabou 

À La Réunion, les pétroliers vont se frotter les mains


Donc « imaginez un traité de commerce autorisant les entreprises multinationales et les investisseurs à poursuivre directement en justice les gouvernements pour obtenir des dommages et intérêts en compensation de toute politique ou action publique qui aurait pour effet de diminuer leurs profits », a traduit Lori M. Wallach.

À La Réunion, certaines multinationales pétrolières pourraient attaquer une commune, une intercommunalité, ou l’Etat parce qu’elle perd de l’argent lorsqu’elle est contrainte de diminuer le prix des carburants. Idem pour les monopoles agroalimentaires. Les grandes sociétés ajoutant du sucre dans l’alimentation des réunionnais, pourraient se retourner contre l’Etat en cas de loi visant à réduire le taux de sucre.

« 40% du commerce mondial passe entre les États-Unis et l’UE »


En juillet 2013, la tension est montée d’un cran entre l’UE et l’Etats-Unis lorsqu’Edward Snowden a révélé les écoutes américaines en Europe. La commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, avait déclaré qu’« on ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s’il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens ». De son côté, la ministre française au Commerce, Nicole Bricq, qui a lutté pour exclure du mandat de négociation de la Commission européenne les biens et services culturels, a estimé : « Si la confiance est rompue, cela sera difficile de mener des négociations commerciales extrêmement importantes puisque c’est 40 ?% du commerce mondial qui passe au travers des États-Unis et de l’UE ».

En dépit de cette méfiance et du refus des Etats-Unis de cesser les écoutes, les négociations ont continué. Le mandat de négociations de la Commission, réputé secret, porte toujours sur une zone de libre-échange. De fait, les révélations d’Edward Snowden, laissent présager un espionnage industriel au profit des multinationales états-uniennes. « Si l’espionnage est mené à cette échelle, c’est également un problème pour les compagnies allemandes sur toute la planète », s’était inquiété Wolfgang Bosbach, président allemand de la commission parlementaire de la Sécurité intérieure. Malgré cela, un an plus tard, les négociations continuent au détriment de la population et des demandes de transparences de l’ensemble des organisations.

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Messages

  • En 2005, les électeurs, électrices en France avaient brandi leurs NON au projet de traité européen car il comportait déjà dans son troisième grand chapitre, le volet économique qu’on essayait de cacher, les prémices de ce « traité transatlantique ».
    Les premiers articles de ce jour dans TÉMOIGNAGES me confortent dans l’avis que Démocratie est un mot qui ne signifie plus rien et un concept, une valeur qui tend à disparaitre.
    Un président de la République de moins en moins socialiste qui pousse un premier ministre, pion de droite, croit ainsi répondre aux cris d’alarmes poussés par les électeurs. Malheureusement il faut bien interprêter l’abstention toujours grandissante lors des votes en France comme une juste compréhension par le peuple de l’impuissance de nos gouvernants : ils n’ont plus les moyens de mener quelque politique , encore moins « sociale », ils subissent des pressions supra nationales, des milieux affairistes, bancaires, capitalistes. Heureusement il existe des phares qui nous indiquent d’autres voies.
    Il serait temps de mettre la barre à gauche, beaucoup plus à gauche.
    À gauche toute, citoyens !

  • que peut faire un simple citoyen français contre ce désastre annoncé en dehors de s’indigner ?

  • C’est la vision capitaliste des choses. La production alimentaire est de tout temps la chose a s’emparer car elle porte en elle un ordre séculier, celui de la terre et de sa rente ainsi qu’ une possibilité d’autonomie par rapport au systéme. l’établissement de normes est de tout temps la façon de prendre le contrôle d’un marché. Standardiser et industrialiser la production alimentaire est une manière de contrôler le marché en disant ce qui se vends et ne se vent pas. Ce qui se vend étant ce qu’on contrôle et ce qu’on ne contrôle pas ne doit pas l’être. C’est avant tout en ça que ce pacte est dangereux c’est la prise de contrôle de l’industrie et de la production américaines sur le marché européen par les standards. tout ceci pour que ça puisse profiter a une oligarchie choisie a travers des fonds d’investissement comme dans tout bon capitalisme qui se respecte. Accepter ce pacte c’est une façon de couper l’enracinement des nations européennes qui est le seul continent où persiste l’interrogation de fonctionner autrement. par l’histoire , la culture, la paysannerie et au final la population. Il faut casser l’Europe, qu’elle devienne la banlieue productive sous le contrôle des USA, qui eux aurons bientôt leur centre de gravité orienté vers l’Asie où il est plus facile de faire prospérer leur capitalisme. Donc solutions de droite ou de gauche ça ne veut pas dire grand chose car c’est le système qu’il faut changer. Ce fondement du capitalisme qui est que seuls ceux qui possèdent on droit de cité légitime dans la marche du monde et, plus ils possèdent, plus leur droit est grand. Car ce droit, qui ne devrait pas en être un, ceux qui le possèdent, irrémédiablement finissent toujours par en abuser


Témoignages - 80e année


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