Quelle agriculture pour demain ?

’Passer d’une culture de subventions à une agriculture de production’

17 septembre 2004

’Il n’y a rien de plus désespérant pour un agriculteur que d’avoir une production de qualité sans pouvoir l’écouler’ faisait remarquer un professionnel, à l’occasion du débat organisé hier par la Fédération régionale des coopératives agricoles.

"Tout est pour la canne, c’est dommage d’oublier les autres productions" faisait hier remarquer un jeune agriculteur de Saint-Joseph. Il participait au débat organisé par la Fédération régionale des coopératives agricoles (FRCA) à la salle Lucet-Langenier, à Saint-Pierre.
Et d’ajouter : "il faut aussi tirer parti de notre climat : ici, on peut faire 3, 4 récoltes de maïs ou 5 récoltes de haricots par an, ou 8 récoltes de foin dans l’année, quand en Europe, on n’en fait qu’une".
Benjamin Elma, producteur de fruits et éleveur de Sainte-Rose, fait remarquer qu’au moment de la saison des agrumes péi, les importateurs baissent leurs prix, les augmentent lorsque la production locale est terminée, et prônent un protectionnisme renforcé.
Autre question longuement débattue : l’écoulement de la production agricole auprès des collectivités. Harold Cazal, ancien élu adjoint au maire de Saint-Pierre et directeur d’un établissement agricole, estime que "l’on tombe trop souvent sur les élus".
Pour M. Cazal, toute la question est : comment les agriculteurs peuvent-ils s’organiser pour aider les élus, afin que les collectivités représentent un véritable débouché, dans le respect, bien sûr, des règles édictées par le Code des marchés publics. L’enjeu est de taille : si l’on prend en compte les cinq communes de la CIVIS, cela représente 7 millions d’euros. "Mais nous n’avons pas en face d’interlocuteurs organisés pour prétendre répondre aux appels d’offres" déplore pour sa part Michel Fontaine, maire de Saint-Pierre et président de la CIVIS.
"Il n’y a rien de plus désespérant pour un agriculteur que d’avoir une production de qualité sans pouvoir l’écouler" faisait remarquer un professionnel. Ce problème d’écoulement rejoint dans la discussion un autre problème : celui de l’organisation des agriculteurs dans les différentes filières.

Letchis : de 1,50 à 11,50 euros

Un problème que l’on rencontre aussi bien pour le marché intérieur qu’à l’export. Georges-Marie Lépinay, du Comité économique et social, enfonce le clou et pose un problème de fond : "l’an dernier, nos letchis étaient vendus à 1,50 euro et se retrouvaient sur les marchés de gros de métropole à 11,50 euros ! Nana in problème" concluait Georges-Marie Lépinay.
Produire n’est pas la véritable difficulté de l’agriculture réunionnaise. Les gains en productivité dans les différentes filières ces vingt dernières années le prouvent.
La question serait plutôt : produire dans quelles conditions ? Ce qui revient à évoquer le problème du foncier, le coût des intrants, voire à remettre en cause certains modèles de production. "Quand on fait 10 tonnes d’oignons à l’hectare, nos voisins mauriciens eux, font 40 tonnes" note un agriculteur. "Bien sûr, il ne faut pas éluder la question du différentiel de prix qui fait que souvent nos produits sont plus chers que ceux importés" estime Jean-Pierre Avril, président de la FRCA.
Un des jeunes agriculteurs fait remarquer : "Quand on demande à un jeune d’investir sur 15 ou 20 ans, c’est tout un projet de vie qui se bâtit...". À quoi le responsable d’une organisation professionnelle agricole répondait : "si on veut que nos jeunes s’engagent, il faut aussi qu’ils puissent s’appuyer sur des professionnels... engageants". Manière de dire que si l’agriculteur est bien sûr le pivot de l’agriculture, il doit aussi bénéficier à la fois de l’appui des organisations agricoles et de la considération à laquelle il peut prétendre en tant qu’acteur du développement et de l’aménagement du territoire.
Une agriculture qui doit donc être soutenue, mais avec une nouvelle donne : "passer d’une culture de subventions à une agriculture de production".

S. D.


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