La coopérative Avipole dans la manifestation des agriculteurs hier à Saint-Denis

Patrick Leveneur : « un pays qui ne produit pas perd son identité »

31 janvier 2024, par Manuel Marchal

Le secteur de la volaille est particulièrement touché par les difficultés. Elles sont liées notamment à la structure de la filière, souligne Patrick Leveneur, président de la coopérative Avipole qui regroupe 80 % des 150 éleveurs de volailles membres d’une organisation de producteurs.
Pour Patrick Leveneur, il est possible d’arriver à l’autosuffisance en consommation de viande de volaille. Le potentiel existe et cela permettra de créer de l’emploi. L’élevage de volailles est une diversification bienvenue pour les planteurs de canne à sucre notamment.
Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de rendre aux éleveurs la gestion de l’abattoir.
Pour limiter la concurrence des importations, le président d’Avipole propose l’application de la cotisation interprofessionnelle étendue (CIE) payée par les importateurs au profit de l’Interprofession Volaille.

Grâce au travail important des agriculteurs et à l’accompagnement de leurs partenaires, la production annuelle de viande de volaille à La Réunion est passée de 7000 à 15000 tonnes. Cela représente actuellement 45 % de la consommation. 55 % de la viande de volaille vendue à La Réunion est donc importée, soit 20 000 tonnes par an.
Patrick Leveneur, président de la coopérative Avipole, explique pourquoi il est bien difficile pour les producteurs réunionnais de s’aligner sur les prix de ces importations.
« Une grande partie des importations sont des « produits de dégagements ». En Europe, c’est l’escalope, le blanc de poulet, qui est le produit du poulet le plus consommé. Le bénéfice se fait sur la vente de cette partie. Les ailes et les cuisses y rencontrent beaucoup moins de succès. Elles sont expédiées dans des pays comme La Réunion à un prix très bas : ce sont des « produits de dégagement » qui n’existent pas en France », précise Patrick Leveneur.
Cela signifie que la vente de ces caisses de cuisses et d’ailes congelées sont un simple complément de revenu pour les producteurs européens qui tirent l’essentiel de leur revenu de la vente de l’escalope. Mais pour les producteurs réunionnais, c’est une très grande concurrence.

Un choix de société

Pour limiter cette concurrence, Patrick Leveneur propose d’utiliser une mesure inscrite dans la législation de l’Union européenne : la cotisation interprofessionnelle étendue (CIE). Les importateurs versent alors une cotisation prélevée en fonction du volume importé. La recette de la CIE est ensuite versée à l’Interprofession volaille de La Réunion qui peut utiliser cette enveloppe pour soutenir des investissements pour faire baisser les prix de la production locale, ainsi que soutenir l’installation de jeunes agriculteurs en élevage de volaille.
Ceci pourrait augmenter le prix de la volaille importée. Mais pour Patrick Leveneur, il est essentiel de savoir si l’on veut aider les producteurs ou continuer dans la crise. Car « un pays qui ne produit pas perd son identité ». C’est aussi un choix à faire de la part des consommateurs : manger de la viande venant d’un « produit de dégagement » tous les jours, ou limiter sa consommation à quelques jours par semaine avec un produit de qualité fabriqué à La Réunion ? Rappelons que la consommation quotidienne de viande est une habitude relativement récente dans notre île.
A La Réunion, plusieurs filières ont demandé à l’État la mise en œuvre de la CIE, mais les dossiers ne sont pas encore traités.

Lever les blocages pour aller vers l’autosuffisance

La filière volaille n’a pas encore fait cette demande, indique le président d’Avipole, car elle est confrontée à un problème structurel qui doit préalablement être réglé.
Il n’existe plus qu’un abattoir de volailles à La Réunion. Situé à l’Etang-Salé, il fut inauguré en 2015 par Manuel Valls, alors Premier ministre. Cet équipement est le résultat du travail des éleveurs et de l’accompagnement des pouvoirs publics. Il appartient à l’Union régionale des coopératives agricoles (URCOOPA). L’URCOOPA a cédé 1 % des parts de l’abattoir à un privé, M. Duchemann. Ce dernier bénéficie également d’un contrat de gestion. Il est donc celui qui gère l’abattoir.
La société de M. Duchemann a comme priorité le profit, indique Patrick Leveneur, ce qui n’est sans causer de conflits avec les éleveurs qui ne peuvent vendre leur production à un prix suffisamment rémunérateur. Pour se faire entendre, « nous avons déjà bloqué l’abattoir, nous sommes prêts à la refaire si nous sommes obligés », explique le président d’Avipole.
Pour Patrick Leveneur, il est possible d’arriver à l’autosuffisance en consommation de viande de volaille. Le potentiel existe et cela permettra de créer de l’emploi. L’élevage de volailles est une diversification bienvenue pour les planteurs de canne à sucre notamment.
Mais atteindre cet objectif de production de 20 000 tonnes supplémentaires, il est donc essentiel de rendre aux éleveurs la gestion de l’abattoir afin que La Réunion puisse être autosuffisante en consommation de viande de volaille, conclut Patrick Leveneur.

M.M.

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Messages

  • Pour pouvoir arriver à l’autosuffisance en consommation de viande de volaille, il faut commencer par parler des élevages repro de l’île (Vous savez les élevages de l’île qui font les œufs fécondés qui permettent ensuite de fournir en partie Avipole en poussins). Ces élevages qui aujourd’hui sont gouvernés également par Patrick Leveneur, qui sont dans l’ombre et qui subissent une dévalorisation de leur travail et que personne ne défend.


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