Patriotisme économique ?

13 juillet 2006, par Risham Badroudine

Lors du lancement de l’OPA de Mittal sur Arcelor, les réactions négatives se sont multipliées. Thierry Breton, Ministre de l’Économie, a fait connaître la "préoccupation" du gouvernement français "sur la manière dont cette offre publique d’acquisition semblait être engagée, notamment au regard de son caractère hostile et de l’absence de discussion préalable entre les deux groupes". La défense du sidérurgiste Arcelor s’articulait autour du vocable de "patriotisme économique". Pourtant, pour faire front à l’OPA de Mittal, Arcelor avait même élaboré fin mai un mariage avec le russe Severstal, contrôlé par Alexeï Mardichov.
Quelques jours avant l’OPA, lors du Forum économique mondial de Davos, les dirigeants français indiquaient que "tous les investisseurs y compris asiatiques sont les bienvenus en France", martelant que "la France est un pays ouvert".
Finalement le patriotisme économique prôné par la France pour protéger ses fleurons industriels n’est pas parvenu à résister à la logique des marchés. Après un relèvement de l’offre de 10% par Mittal, le numéro deux mondial de l’acier Arcelor, a consenti au mariage. L’offre de Mittal Steel est considérée "meilleure" que celle du groupe russe Severstal.
Le ministre français de l’Économie s’est "réjoui" d’une opération devenue "amicale". Face aux marchés, l’avis des politiques ne pèse pas lourd.
Le “Tiers-Monde” regorge d’entreprises prêtes à rivaliser avec les géants des économies occidentales. Les Chinois Levono, fabricant d’ordinateur, Galanz, géant des micro-ondes ou l’Indien Ranbaxy, un des dix principaux fabricants de médicaments génériques dans le monde, ne manquent pas d’atouts.
Disposant d’une main d’œuvre dix à vingt fois moins chère qu’en Occident, mais aussi un accès avantageux au capital et aux matières premières, ces entreprises montrent un solide appétit pour la compétition mondiale.
Les entreprises des pays occidentaux n’ont plus le monopole des OPA. Les nouveaux champions chinois, indien ou brésilien trouvent dans les acquisitions un formidable accélérateur de croissance.

Les opérations de fusion/acquisition restent encore le fait des pays du Nord. (en 2005, 42% ont été réalisées en Amérique du Nord et 38% en Europe).
Mais les pays du Sud confirment leur montée en puissance. L’an dernier, les 134 achats opérés à l’étranger par des firmes indiennes ont totalisé 3.7 milliards d’euros soit 80 fois plus que dix ans auparavant ! Les investissements directs à l’étranger de la Chine s’élèvent quant à eux en 2005 à 5.8 milliards d’euros, en hausse de 26% par rapport à 2004. Pékin est devenue en 2005, le premier fournisseur du continent africain devant la France et l’Allemagne mais aussi son deuxième client. Entre 2000 et 2004, la part de l’Afrique dans le commerce extérieur chinois a triplé, et la Chine prévoit un nouveau triplement de ses échanges avec le continent d’ici 2010.

Risham Badroudine

Chronique économique

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