Un quart des entrepreneurs individuels déclarent moins qu’un RSA

Pauvreté à La Réunion : quelques centaines d’euros par mois après avoir créé son entreprise pour sortir du chômage

9 mai 2022, par Manuel Marchal

L’INSEE Réunion a publié la semaine dernière une étude intitulée « Le non-salariat se développe fortement à La Réunion ». Elle apporte un éclairage sur les revenus perçus par les 38000 Réunionnais qui exerçaient en 2021 une activité non-salariée. Ils s’avèrent que des milliers d’entre eux, dont 75 % des micro-entrepreneurs, déclarent des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Un quart des entrepreneurs individuels déclarent moins qu’un RSA. Tout ceci souligne la grande précarité de leur situation.

Tout d’abord l’étude de l’INSEE intitulée « Le non-salariat se développe fortement à La Réunion » montre une croissance importante récente :

« Début 2021, à La Réunion, 38 000 personnes exercent une activité non salariée, soit 7 % de la population en âge de travailler. (…) Depuis les années 2000, le non-salariat se développe à un rythme trois fois plus élevé à La Réunion qu’ailleurs : les emplois non salariés y augmentent de 3,5 % par an en moyenne entre 2000 et 2020, contre 1,3 % en province. La Réunion fait même partie des départements français où la croissance est la plus importante. (…) Dans les années 1990, le non-salariat avait stagné autour de 20 000 emplois et n’occupait que 4 % de la population en âge de travailler, alors même que l’économie de l’île était en pleine expansion et que sa croissance démographique nécessitait le développement des services de proximité, comme le commerce ou la santé. Les créations d’emploi se concentraient en effet dans le salariat, qui s’imposait comme modèle d’emploi. (…) »

Croissance importante liée au chômage de masse persistant

Une économie en expansion se traduit par une baisse du chômage, car « les créations d’emploi se concentraient en effet dans le salariat ». Les entreprises embauchaient donc plus. Par conséquent, la hausse importante observée ces dernières années est donc une réponse au chômage. Pour en sortir, des Réunionnais décident de créer leur activité, avec tous les risques que cela comporte. Car à la différence d’un salarié, ils ne peuvent pas bénéficier d’allocation chômage, et ils doivent se débrouiller pour payer leurs cotisations sociales et les impôts même si cette activité ne dégage que peu de profit, ce qui a des répercussions sur le revenu.

Un quart des entrepreneurs individuels perçoivent moins de 400 euros par mois

L’étude note ensuite que des milliers de travailleurs qui ont créé leur entreprise ont un revenu inférieur au SMIC :

« Début 2019, 3000 micro-entrepreneurs sont économiquement actifs à La Réunion » (…) « En 2021, à La Réunion, 6 100 entreprises sont créées sous le régime de micro-entreprise dans l’ensemble du secteur marchand non agricole, soit deux fois plus qu’en 2019. C’est dorénavant sous ce statut que sont créées la plupart des entreprises réunionnaises : les microentreprises représentent 54 % des créations en 2021 ». (…)
« Hors secteur agricole, les micro-entrepreneurs ont les plus faibles revenus, à La Réunion comme ailleurs, notamment en raison des plafonds imposés sur le chiffre d’affaires pour bénéficier de ce régime. En moyenne, leur activité leur procure 600 euros par mois. Seuls 25 % d’entre eux en retirent plus de 900 euros mensuels. Pour compléter ces faibles revenus, environ 20 % des micro-entrepreneurs réunionnais exercent une deuxième activité, salariée, la plupart (57 %) dans un secteur d’activité différent. (…)
Un quart des entrepreneurs individuels classiques perçoivent ainsi moins de 400 euros par mois à La Réunion, contre 800 euros en province. Sur l’île, ces entrepreneurs individuels aux revenus les plus faibles sont par exemple les vendeurs au détail sur les marchés. (…) »

5900 euros mensuels en moyenne pour les professions libérales dans la santé

« Tous statuts confondus, les non-salariés réunionnais ont bien plus souvent un revenu nul qu’ailleurs. En revanche, lorsque leurs revenus sont positifs, à secteur identique, les revenus des non-salariés réunionnais sont proches de ceux de la province. Dans la construction, le commerce, l’industrie ou le transport, tous statuts confondus, un non-salarié perçoit en moyenne environ 2 000 euros par mois. C’est nettement moins dans les services aux particuliers (1 200 euros). En revanche, les non-salariés des services aux entreprises ont des revenus plus élevés (2 900 euros). Dans la santé et l’action sociale, où prédominent les professions libérales, les revenus sont nettement plus élevés (5 900 euros). », indique la conclusion de l’étude.

Quel poids de l’économie informelle ?

Les résultats indiquent que pour des milliers de travailleurs, la création d’une entreprise pour échapper au chômage signifie un revenu nettement inférieur au SMIC.
Si en 2021, plus de 6000 personnes ont créé leur micro-entreprise, qu’elles gagnent en moyenne 600 euros et que seulement 20 % d’entre elles à une autre activité complémentaire, comment s’en sortent-elles ? Comment un travailleur qui a créé son entreprise pour échapper au chômage peut-il survivre en touchant moins que le RSA ?
Derrière ces chiffres se cache l’incertitude de l’économie informelle vers laquelle des milliers de personnes sont poussées pour essayer de survivre à La Réunion. Ces revenus non-déclarés contribuent à retarder l’explosion sociale, mais les conséquences de la crise COVID et de la guerre en Ukraine permettront-elles encore à l’économie informelle de jouer ce rôle d’amortisseur ?

M.M.

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