A la pratique de la dénonciation et de la mise au pilori comme moyen d’assainir une filière, nous répondons par un pamphlet dans l’espoir d’apporter une autre manière de voir les choses et d’autres pratiques. Depuis des mois, nous observons, écoutons, analysons, intervenons en essayant de relativiser les événements qui touchent en bien ou en mal la filière pêche. A la conclusion nous constatons que l’ordre colonial perdure et qu’il nous faudra, à notre tour, aller secouer le vieux comptoir pour se donner un avenir.
On ne sait pas ce qui a provoqué le plus de casse dans la filière pêche en ces deux dernières années : le silence des services de l’état, l’agitation du parquet ou les attaques médiatiques. Après s’être interrogé sur le pourquoi, petit à petit, des éléments de réponses nous arrivent : Il est clair que la construction navale bretonne et vendéenne ne peut pardonner aux pêcheurs réunionnais d’avoir construit des navires en chine. A Maurice on aurait eu l’absolution, c’est là-bas qu’ils se sont délocalisés ! Tout le reste n’est qu’habillage, effet de meute ou boulimie médiatique des princes de passage.
Reste que l’affaire est grave entre ce qu’elle dénote et ce qu’elle explique. Elle dénote l’absence du politique, la dépendance aux lobbies métropolitains, l’interpénétration avec des lobbies locaux et explique le silence de l’état pendant cette phase de démolition organisée.

Comme après un cyclone nous commençons à prendre la mesure des choses....

Ce qui pendant un temps pouvait prêter à sourire, alarme aujourd’hui les acteurs de la filière pêche. Les éditoriaux du samedi font parfois rire quand il s’agit des autres, mais quand avec le temps on s’aperçoit que l’on n’est pas dans un folklore “la di, la fé”, mais bien dans une stratégie partisane et une instrumentation de la presse, le sourire s’efface et au delà de l’anecdote on recherche le pourquoi des choses.
Il est clair que si ce secteur économique doit faire l’objet d’une mise en ordre du fait de ses défauts de jeunesse, de son poids économique grandissant et des enjeux de plus en plus importants, nous en sommes d’accord ou au moins capable de le comprendre, voire de l’espérer. Corriger les défauts et erreurs d’une pêche réunionnaise en essor est plus valorisant que de voir détruire les navires d’une pêche métropolitaine en déclin... Paradoxalement, c’est quand il y a des hommes sur la mer que celle ci est protégée. Pour des centaines de navires asiatiques qui pratiquaient nos eaux d’une façon anarchique il y a vingt ans, aujourd’hui une trentaine de navires réunionnais travaillent de façon de plus en plus transparente. Ce phénomène est identique dans les mers australes. Pêcheries riveraines contre pêcheries foraines, gestion durable contre prédation, voici les enjeux en premier rang. En deuxième rang se trouve la grande distribution qui pèse lourdement sur les prix à la production et génère un flux à l’importation difficilement contrôlable d’un point de vue organoleptique et spécifique, voire sanitaire. Sur ce dernier point quand un poisson d’élevage, importé du Vietnam en filets, est vendu pour du poisson de mer qui peut dire, vu son prix, avec quoi il a été nourri ? Curieusement cette affaire, très grave, s’est diluée très rapidement. Un importateur derrière son comptoir doit certainement être plus respectable qu’un pêcheur.

A suivre...