Une filière locale concurrencée par les importations

Pour ou contre l’octroi de mer ?

4 août 2009, par Manuel Marchal

Les difficultés rencontrées par les tailleurs réunionnais de basalte montre quelle pourrait être la situation vécue par la totalité des producteurs réunionnais en cas de suppression de l’octroi de mer et son remplacement par la TVA à 19,6%.

Dans son édition d’hier, "Le Quotidien" fait part des difficultés des producteurs des tailleurs de basalte. La production locale est concurrencée par les importations venues de Madagascar ou de Chine. En augmentant au maximum la productivité, les Réunionnais restent plus chers que le basalte importé. Ce sont 25 années d’effort qui risquent d’être perdues, emportant avec elles les 80 emplois que procure cette filière à La Réunion.
Les entrepreneurs locaux dénoncent le coût du travail extrêmement bas en Chine, et l’un d’entre eux affirme que « le pire, c’est que les importateurs ne paient aucune taxe sur ces marchandises, même pas l’octroi de mer ».
Cette situation amène à plusieurs commentaires.
Selon les orientations actuellement données aux échanges mondiaux par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il est difficile de croire qu’il sera possible pour La Réunion d’imposer une taxe d’importation supplémentaire sans être aussitôt accusée par Bruxelles de « distorsion à la concurrence ».
La situation vécue par les producteurs de pierres taillées de basalte est celle qui menace tous les producteurs réunionnais dans tous les domaines si jamais les Accords de partenariat économique à signer entre l’Union Européenne et les pays voisins signifie l’ouverture totale de La Réunion aux importations. Rappelons que la partie ACP des négociations a demandé de supprimer l’octroi de mer, ce qui aurait pour conséquence d’appliquer à tous les produits le même taux de TVA qu’en France à 19,6%. Dans ce cas, plus question de barrière protectrice. Même avec un niveau de taxe plus élevé qu’aujourd’hui, et donc des prix plus chers, les produits importés auront un prix plus faible que ceux qui seront fabriqués à La Réunion. Cela montre toute l’importance de se mobiliser pour proposer dans la région une alternative à ce libre-échange destructeur. Cela peut être par exemple le co-développement, qui cherche à faire de nos îles des producteurs complémentaires plutôt que des concurrents.
L’autre remarque touche à la forme même de taxation évoquée dans "Le Quotidien". Comme d’autres journaux, notre confrère a déjà publié des propos attaquant l’octroi de mer, affirmant que la suppression de cette taxe fera baisser les prix.
L’article d’hier démontre combien il est dangereux de donner du crédit à une idée aussi suicidaire pour les consommateurs réunionnais qui verraient tous les prix augmenter, pour les communes qui perdraient une part importante de leur financement, et pour les entreprises réunionnaises qui produisent des biens matériels, puisqu’elles seraient brutalement confrontées à la concurrence mondiale à La Réunion. Or, le maintien ou pas de l’octroi de mer et son éventuel remplacement seront au menu des négociations de la législature européenne qui commence. Dès le mois d’octobre prochain, les "Open days" organisés par la Commission à la Politique régionale prévoient en effet un atelier sur l’après 2013.

M.M.


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