Propositions et demandes de la Chambre d’agriculture

Pour sauver l’agriculture réunionnaise

13 septembre 2004

L’agriculture réunionnaise, notamment la filière canne, est en danger. La Chambre d’agriculture compte le faire savoir au ministre de l’Agriculture, Hervé Gaymard, le 17 septembre prochain. Avec toute la profession agricole qui doit « montrer une image forte d’une profession déterminée à défendre ses intérêts », déclarait Guy Derand, président de la Chambre d’agriculture.

"Tout le monde s’accorde à dire que l’agriculture réunionnaise est en crise. On a la chance de recevoir le ministre de l’agriculture pour lui faire part de nos doléances", indique Guy Derand. La Chambre d’agriculture souhaite ainsi lui adresser ses propositions et demandes en faveur de l’agriculture réunionnaise. La Réunion est au cœur de défis nouveaux, pourtant elle reste fragile par ses handicaps spécifiques et structurels, dus à son statut de Région ultrapériphérique (RUP).
Il est nécessaire de conforter durablement de développement de notre agriculture par des mesures adaptées, qui s’additionneront aux mesures existantes dans le DOCUP 2000-2006. Ces mesures et aides en faveur d’une économie agricole durable de La Réunion s’exerceront prioritairement dans les 5 domaines, à savoir l’aménagement du territoire, la consolidation de la filière canne, l’activité économique et Emploi, la continuité territoriale et exportation, et les dispositions propres aux collectivités locales.

Spéculation foncière

La situation de développement limité de l’espace agricole que connaissent les trois DOM îliens est aggravée par une vive spéculation foncière. Le prix du foncier est dû à un périmètre qui n’est pas extensible. La Chambre d’agriculture note que l’acquisition de foncier agricole en vue de la redistribuer aux agriculteurs servirait pourtant à préserver l’agriculture, et particulièrement la canne à sucre.
Elle observe pourtant que l’aménagement du territoire n’est pas en faveur des agriculteurs, avec un différentiel entre la superficie cannière nécessaire pour assurer la survie de la filière et la surface cannière effectivement recensée, soit un différentiel de 4.000 hectares. Le déclassement des terres agricoles en foncier constructible continue à se pratiquer couramment sur île, sûrement "en raison d’une législation métropolitaine des espaces agricoles" inadaptée au contexte local.
La Chambre propose d’augmenter le taux d’imposition actuel appliqué sur la plus value réalisée par les propriétaires, et d’appliquer au bénéficiaire de toute plus value une taxe dissuasive lors de tout déclassement de terres agricoles. Par contre, elle souligne toute l’importance d’accélérer et améliorer la procédure de récupération des terres incultes et manifestement sous-exploitées, en renforçant notamment la procédure des biens vacants, dite de la Curatelle, qui relèverait d’un décret colonial en date du 27 janvier 1855.
Par ailleurs, elle demande d’introduire un volet agricole dans le diagnostic préalable à tout document d’urbanisme. Le fait est que les Schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les Plans locaux d’urbanisme (PLU) ne relèvent malheureusement pas - ou presque pas - les besoins de l’agriculture réunionnaise.

Prise en compte de notre spécificité

Dans le cadre du projet de réforme de l’OCM Sucre, la Chambre d’agriculture reste sur ses propositions, à savoir d’appliquer le principe d’exclusion des RUP du champ d’application de la réforme de la Politique agricole commune (PAC). En cas de baisse du prix d’intervention et du quota, la chambre demande la compensation de 1 euro pour 1 euro.
Pour l’heure, la Chambre souhaite que la filière canne-sucre soit confortée par le maintien des aides existantes et la mise en œuvre d’une aide à la récolte et d’une aide incitative à la replantation. Ces nouvelles aides devraient réunir les conditions d’une modernisation durable de la culture de la canne à sucre, ce qui englobe l’accès à la mécanisation, la diminution des coûts de production, l’amélioration de la trésorerie, le rajeunissement des plantations, etc.
La Chambre d’agriculture souhaite que les producteurs puissent vivre de leur revenu, qui se dégrade au fur et à mesure. Il faut compter 100 francs en moins par tonne de canne, cela dès juin 2005. "Si l’agriculteur veut accepter ça, qu’il reste chez lui", déclare alors Guy Derand, qui appelle tous les professionnels à venir rencontrer le ministre, et lui faire entendre en force collective toutes les préoccupations des acteurs de la filière. "Industriels, salariés, producteurs, femmes et enfants" doivent être présents, "c’est le maintien de l’agriculture réunionnaise qui est en jeu", poursuit-il.
La Chambre d’agriculture souhaite que le ministre s’imprègne des difficultés des agriculteurs réunionnais, et notamment des producteurs canniers. La réforme de l’OCM Sucre entrera en vigueur dans maintenant moins d’un an, et l’État doit prendre ses responsabilités dans ce dossier.

Bbj


Arèt èk kolona

Dans les propositions que la Chambre d’agriculture transmettra au ministre de l’agriculture, il existe un volet abordant le problème du colonat à La Réunion. Il reste 800 à 1.000 colons réunionnais, pour 25 gros propriétaires. À terme, la Chambre espère aboutir à la suppression de ce système féodal, au 31 décembre 2005.
"Nou lé pu dann lépok bann serf ki travay pou rien", lançait d’ailleurs Guy Derand. Le colonat est un système où le propriétaire du terrain agricole perçoit 25% de la récolte. Sur la seule région Est, on répertorie encore 300 colons. La Chambre propose que l’on remplace le colonat partiaire par le fermage.


La CGPER "pour un traitement à part de la filière canne"

L’avenir de la filière canne était au menu de la rencontre de Jean-Yves Minatchy, président de la CGPER et de la presse hier matin à la mairie annexe de Terre-Sainte.

Entouré d’une soixantaine de responsables planteurs de la région Sud, Jean-Yves Minatchy a fait état d’un courrier reçu de Margie Sudre, députée européenne, la semaine dernière. Dans cette lettre, deux informations qui concernent au premier chef la filière canne.
En premier lieu, la désignation de Jean-Claude Fruteau, député européen, en tant que rapporteur auprès du parlement européen sur le dossier de la filière canne. Seconde information, la mise en place pour le 30 novembre prochain d’une audition avec M. Joseph Daul, président de la commission de l’agriculture au Parlement européen. Dans cette optique, explique M. Daul, il est nécessaire qu’un expert soit désigné par les partenaires réunionnais. Pour la CGPER, l’instance incontournable, toute désignée pour jouer ce rôle, pourrait être la Commission paritaire de la canne et du sucre, dont les deux co-présidents pourraient faire le voyage auprès des instances européennes le 30 novembre prochain. D’autant plus, fait remarquer Jean-Yves Minatchy, que la Commission paritaire a travaillé avec les collectivités et les autres partenaires sur le dossier, au sein d’un groupe de travail dans lequel se trouvait le préfet et un représentant du ministère de l’agriculture, et dont les conclusions ont été approuvées à une large majorité.
Si d’aventure, cette commission n’était pas retenue, pour la CGPER, il n’y a pas d’autres alternatives que de se retourner "vers les organisations syndicales représentatives, surtout dans la filière canne".
Mais d’ici le 30 novembre, Jean-Yves Minatchy estime qu’il faudra "étoffer encore le dossier" surtout au vu des événements récents. Lesquels événements peuvent se résumer par d’autres dates. D’abord, le 14 juillet avec l’annonce par M. Fischler, commissaire européen, d’une baisse des prix du sucre. Seconde date : le 1er août, date de la signature entre l’Union européenne et 147 pays, entérinant cette baisse du prix du sucre. Troisième date : le 4 août dernier, avec une plainte émanant de trois géants du sucre, le Brésil, la Thaïlande et l’Australie contre l’Union européenne. Enfin, dernier événement en date : le 8 septembre, avec la condamnation de l’Union européenne par l’Organisation mondiale du commerce. Ce qui, annonçait le journal “le Monde” dans son édition du 10 septembre, signifie à terme l’arrêt de toutes les subventions, avec des conséquences terribles pour la filière canne réunionnaise. Une filière qui, rappelle le président de la CGPER compte 5.000 planteurs, dont 80% sont des petits et moyens producteurs, et qui génère 15.000 emplois, avec des enjeux environnementaux considérables.
Pour la CGPER, l’heure est au contraire à la consolidation de la filière, avec la poursuite des travaux d’irrigation dans le Sud, le Nord et surtout l’Ouest, avec le basculement des eaux dont les travaux sont arrêtés depuis trois ans. Il faudrait aussi, suggère la CGPER, faire passer l’aide à la replantation, actuellement fixée à 2.200 euros par hectare, à 3.200 euros par hectare.
De plus, alors que les autres pays producteurs de canne se lancent dans la fabrication de l’éthanol, pourquoi sommes-nous à la traîne à La Réunion, alors que notre industrie sucrière est en pointe et que la recherche est un pôle de référence ?
Pour le président de la CGPER, l’avenir de la filière passe par "un traitement à part".

S. D.


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