Débat à la F.R.C.A. sur le “modèle agricole réunionnais”

’Pour une agriculture économique privilégiant l’emploi’

29 janvier 2005

Mercredi dernier, dans le cadre de son assemblée générale ordinaire, la Fédération réunionnaise des coopératives agricoles (F.R.C.A.) organisait un débat sur le “modèle agricole réunionnais”. Qu’en est-il de ce modèle ? Selon les participants à ce débat, l’agriculture doit être économique et doit privilégier l’emploi.

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Pour les responsables de la F.R.C.A., l’agriculture réunionnaise est au carrefour de trois grands enjeux :

- l’enjeu du développement économique, de l’emploi et de la cohésion sociale dans une île frappée par une exclusion économique massive ;

- l’enjeu de l’aménagement du territoire dans un espace restreint, où les ressources sont rares et les besoins nombreux ;

- enfin, l’enjeu des rapports de La Réunion avec un environnement européen et mondial en pleine mutation.

Ces grands enjeux pèsent sur l’agriculture et créent aujourd’hui un contexte à la fois difficile et mouvant. Chacun a conscience qu’un cycle de développement agricole s’achève et qu’un autre commence. Il s’agit désormais d’assumer le poids des contraintes nouvelles pour forger un nouveau projet agricole capable de redonner des perspectives réalistes aux agriculteurs et de proposer un contrat durable entre la société réunionnaise et son agriculture.
La proposition du C.A.R. (Conseil de l’agriculture de La Réunion) s’inscrit dans le cadre des réflexions engagées par l’État, le Département, la Chambre d’agriculture et la F.R.C.A. pour la préparation de différents documents d’orientation qui vont définir les objectifs de l’agriculture réunionnaise pour le moyen et long terme : “Cahiers de l’Agriculture”, Projet agricole de développement (P.A.D.), préparation de la loi de modernisation agricole). Cette proposition traduit la volonté des différentes instances représentées au C.A.R. de promouvoir un modèle d’agriculture original et ambitieux qui préservera au mieux les intérêts à long terme de La Réunion.

Les perspectives de l’agriculture à La Réunion

Maintenir une agriculture à La Réunion est un choix collectif majeur qui a un coût :

- un coût financier en raison des soutiens publics nécessaires ;

- un coût en termes d’effort vis-à-vis de l’État et de l’Europe pour obtenir les dispositions dérogatoires nécessaires ;

- un coût en termes d’effort de redéfinition d’un projet de développement global réellement partagé et susceptible de mettre en cohérence un développement économique avec une forte composante agricole d’une part, et la forme et l’organisation des villes et du territoire d’autre part.
La question qui se pose au moment de redéfinir un projet agricole pour le long terme est donc la suivante : est-ce que le maintien d’une agriculture à La Réunion justifie ces coûts et ces efforts ? (voir encadré “An plis ke sa”)

Les axes d’intervention prioritaires

Il existe trois scénarios d’évolution possibles pour l’agriculture réunionnaise :

- Celui d’un démantèlement progressif des productions organisées, sous l’effet de contraintes extérieures et de conflits internes. Ce scénario aboutirait à une petite agriculture informelle limitée à quelques produits destinés aux touristes et aux marchés de proximité.

- Celui d’une agriculture alignée sur le modèle libéral, qui aboutirait à une forte réduction du nombre d’exploitations et d’emplois agricoles, la production agricole se trouvant concentrées sur quelques grandes exploitations dans les secteurs de l’élevage et des fruits et légumes.

- Celui d’un modèle mixte, maintenant un niveau relativement élevé d’exploitations familiales et d’emplois grâce à un système d’aide adapté, à un niveau d’organisation élevé et à la mobilisation de toutes les complémentarités entre les différentes productions.
Ce dernier scénario est le plus adapté à la situation sociale de La Réunion. Il suppose une volonté politique affirmée pour réunir les trois conditions essentielles de sa réussite :

- le maintien des aides nationales et européennes, avec la mise en place d’une législation dérogatoire, protectrice pour les productions locales et favorable à l’organisation des marchés ;

- la définition d’un programme de développement global privilégiant l’emploi et l’insertion et protégeant les ressources foncières consacrées à l’agriculture ;

- un effort sans précédent du monde agricole pour assurer sa survie en organisant de manière rationnelle sa production et ses marchés.

(synthèse F.R.C.A.)


An plis ke sa

o Priorité à l’emploi

Pour la F.R.C.A., l’agriculture réunionnaise doit maintenir et si possible créer le maximum d’emplois :

- en limitant l’accroissement du recours aux aides publiques ;

- en optimisant l’utilisation des ressources foncières disponibles.
Les solutions proposées passent par :

- la protection du marché intérieur ;

- l’organisation rationnelle des productions et des marchés ;

- la réorganisation de l’espace agricole pour répondre à la pression foncière.
Pour faire face à cette concurrence accrue, trois solutions peuvent être envisagées :

- la concentration de la production pour mobiliser les économies d’échelle et réduire les coûts de production, avec pour conséquence une réduction massive du nombre des exploitations et des emplois ;

- une augmentation des aides publiques pour compenser la baisse des prix et maintenir le revenu des agriculteurs ;

- un renforcement de la protection du marché local par divers dispositifs (mise en œuvre ou renforcement des systèmes de péréquation entre les importateurs et les producteurs locaux, mise en place de tarifs douaniers spécifiques pour les denrées agricoles).

o Le modèle agricole réunionnais

Selon la F.R.C.A., la nouvelle organisation de notre agriculture doit reposer sur trois principes fondamentaux :

- la protection du marché agricole intérieur ;

- l’organisation poussée du marché péi et de la production destinée à ce marché ;

- la mobilisation de la sécurité et des revenus produits par la protection du marché intérieur pour sécuriser les filières les plus fragiles en maximiser l’emploi agricole global à travers le développement d’un modèle d’exploitation mixte.

La mise en œuvre de ce modèle agricole impose d’apporter une réponse crédible au problème foncier à travers ne nouvelle réforme foncière. La réorganisation de l’espace agricole doit se faire selon un principe de compensation : "remembrement contre droit à construire".

o La justification de l’agriculture réunionnaise

Aux yeux de la F.R.C.A., ce qui justifie l’existence d’une agriculture à La Réunion, ce n’est pas le fait qu’on produise moins cher ici, c’est le fait que l’agriculture réunionnaise offre depuis de nombreuses années un grand nombre de biens et de services, marchands et non marchands, qui ne peuvent pas être produits autrement avec les mêmes avantages indirects et au même coût. Ces biens et ces services sont susceptibles d’évoluer dans le temps pour apporter des réponses aux besoins futurs de La Réunion.
Dans cette perspective, il faut désormais considérer l’agriculture non plus comme un secteur de production traditionnel, mais comme un potentiel aux usages multiples, qui doit être cogéré par la puissance publique et les agriculteurs et qui doit être préservé pour les générations futures.


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