Pourquoi ne pas supprimer les stock-options ?

8 octobre 2007

Avec France Inter, la chronique quotidienne de Bernard Maris, journaliste et écrivain.

L’AMF, l’Autorité des Marchés Financiers, vient de lancer un réquisitoire impitoyable contre les dirigeants d’EADS, au premier rang desquels Noel Forgeard et André Lagardère, coupables d’avoir vendu des titres alors qu’ils connaissaient les difficultés d’Airbus. Ils ont vendu leurs actions à 30 ou 35 euros, empochant d’énormes plus-values lorsqu’ils réalisaient leurs options, alors que quelques mois plus tard, l’action ne valait plus que 18 euros et quelques. Imaginez le Titanic. Quand le Titanic a heurté l’Iceberg, les dirigeants du bateau se sont réunis, ils ont compris très vite que le bateau allait couler, et, pour ne pas créer de panique, ils n’ont pas dit aux passagers que le naufrage était inéluctable. Parmi ces dirigeants, l’armateur a sauté dans les premiers canots de sauvetage qui partaient à moitié vides, parce que les passagers croyaient encore à l’invulnérabilité du bateau. L’architecte, en revanche, est resté à bord et s’est noyé. Les deux étaient initiés. Les passagers ne l’étaient pas.

Ce qui était valable pour le naufrage du Titanic le serait aussi pour le capitalisme ?
Oui. Et comme pour le Titanic, un problème de morale surgit. Car l’économie capitaliste ne peut pas exister sans les initiés. Ce sont les initiés qui font tourner le moteur capitaliste. Pour réussir, il faut connaître un marché avant les autres, avoir un brevet avant les autres, inventer une méthode de production avant les autres, financer une entreprise avant les autres etc... L’initiation est le nerf de la réussite concurrentielle. Bref, il faut anticiper. C’est pourquoi, la notion de transparence, de concurrence pure et parfaite, chère aux libéraux, est l’une des plus sottes qui soit. Si tout le monde sait ce que tout le monde sait, il ne se passe rien. Personne n’avance. Imaginez qu’au foot, tout le monde sache, à tout moment, où le ballon va aller. Il n’y aurait plus de jeu.

Alors comment distinguer les bons initiés des mauvais ?
Eh bien, le capitaine qui abandonne son navire avant les passagers est un mauvais initié. Non seulement il est moralement infâme, mais en plus, la loi l’oblige d’assurer la sécurité des passagers avant la sienne. De même dans une entreprise. La loi interdit d’utiliser des informations au détriment de l’ensemble des autres salariés. C’est ce qu’avaient fait les dirigeants d’Enron : ils envoyaient des mails aux salariés en leur disant « achetez, achetez ! » pendant qu’eux vendaient à tour de bras.

Les stocks-options ont favorisé les délits d’initiés. Pire, les ventes des dirigeants d’EADS ont précipité la chute de la valeur de l’action. A juste titre, le gouvernement s’oriente vers une taxation alourdie des stocks-options. Le capitalisme s’est passé des stocks-options depuis sa naissance. Pourquoi ne pas les supprimer ?

Bernard Maris,
(France Inter - www.marianne2.fr)


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