À propos de Foncier

« Quand est-ce que l’on commence ? »

25 octobre 2007

Le problème du foncier réunionnais n’est pas nouveau. Et le débat s’enrichit de la contribution du tissu économique local, qui souffre « comme tous les Réunionnais » de la disponibilité et du coût du foncier. La Réunion économique a besoin de 800 hectares de foncier à vocation économique. Où ? Et pourquoi faire ?

Après les Assises du foncier agricole, voilà les acteurs du tissu économique qui revendiquent leur droit au foncier. Le futur Schéma d’Aménagement Régional (SAR) se peaufine, et c’est d’une voix commune que les entreprises du MEDEF abordent le problème du foncier à La Réunion. Comme tout le monde, elles sont concernées. Et pour cause. En 1995, notre île disposait de 80 hectares disponibles pour les activités économiques, contre seulement 7 hectares en 2006, fera remarquer Jean Chatel lors de son exposé. Aujourd’hui, les zones d’activités s’étendent sur 830 hectares, dont 172 hectares en friche. Et il en faudrait encore 800 pour quelque peu satisfaire la demande des entreprises, qui veulent contribuer au développement de La Réunion, mais sont contraintes par la pénurie foncière. L’heure était donc à la réflexion. Atouts et faiblesses du SAR de 1995 sont décortiqués, interprétés. L’écriture du futur SAR, qui vaudra pour des décennies, se fera donc encore plus avec les acteurs économiques. Le MEDEF, à l’initiative de cette rencontre, avait d’ailleurs convié élus locaux et représentants de l’Etat, à qui on fera savoir que le SAR de 1995 prévoyait 1.000 hectares à destination des entreprises.
Le tissu économique réunionnais souhaite que l’on aborde la réalisation effective de ce vaste chantier. Il faudrait en fait 1.600 hectares pour le tissu économique. Il en va du devenir de notre économie, entend-on. En clair, la question la plus relevée fut de demander : « quand est-ce que l’on commence ? ». « De l’action », souligne le Préfet Pierre-Henry Maccioni. Quant à savoir comment faire, on entendra plusieurs propositions “personnelles”, lâchées à la sauvette par quelques élus ambitieux, d’autant que se profilent les prochaines échéances électorales. Il ne suffit pas de puiser dans notre maigre parc foncier. La Réunion ne pèse que 2.500 kilomètres carrés, soit 250.000 hectares, dont seulement un tiers exploitable pour l’activité humaine, à partager entre habitations, activités agricoles, les services, les institutions, etc...

Ensemble pour un SAR de projets

On critiquera à souhait les choix stratégiques du SAR de 1995. Mais, comme l’a si bien fait entendre le président de la SR21, Pierre Vergès, au moins, ce SAR aura eu le mérite de jouer son rôle de défense du foncier, et en plus, d’avoir donné des règles communes à l’ensemble du territoire. Par ailleurs, cela a permis de faire naître une plus grande ambition économique. Avec les acteurs économiques, aux côtés des partenaires institutionnels, et étatiques, nous pouvons passer d’un SAR coercitif à un SAR de projets. Il y a de la place pour tout le monde, sans omission d’une quelconque filière. Tenez ! le MEDEF s’est fait, le temps d’une phrase, défenseur de l’agriculture locale, relevant aussi les défis de la filière et ses besoins de 50.000 hectares pour assurer son développement.
Qu’il s’agisse du tourisme, du BTP, du transport, de l’industrie, de l’agriculture et consorts, le foncier est une problématique pour tous, qu’il faudra résoudre dans l’esprit de la concertation. Les acteurs du monde économique l’ont bien compris. Ainsi, le cap sera passé, entre territoire de réserve foncière et territoire de projets, pour utiliser à bon escient le moindre lopin de terre. La maîtrise foncière de terres de moindre valeur agronomique est la règle, selon les dispositions du Schéma d’Aménagement Régional. Ce qui ne satisfait pas pour autant les agriculteurs. Les entreprises, elles, déchantent, puisqu’il faut aussi faire front à la pénurie foncière, et du même coup, à la cherté des terrains. Les chiffres le disent. Il est plus facile pour une entreprise de trouver son pied à terre en France hexagonale, où les terres sont inéluctablement moins chères, qu’ici à La Réunion. Quand un terrain coûte entre 15 à 40 euros le mètre carré en France, il se positionne entre 75 et 150 euros le mètre carré ici, voire parfois 250 euros le mètre carré. Les entreprises demandent une compensation du surcoût. Allez ! Nous n’allons pas faire un cours sur les prix du foncier réunionnais. Tout le monde est au courant.

La densification foncière

Le nouveau SAR est celui du défi. Prendre en considération les besoins de tous, anticiper l’avenir pour faire face au million d’habitants, assumer la charge tarifaire du foncier... c’est le moment des grands choix. Il faut condenser, choisir la densification foncière. Les entreprises attendent encore les trois zones de développements stratégiques, à savoir Cambaie, Pierrefonds et Saint-André. « L’absence d’outils juridiques et financiers concordant avec cet objectif n’a pas permis de faire émerger ces zones identifiées dans le SAR », fait remarquer le Préfet Maccioni, qui poursuit : « la pénurie de foncier destiné aux activités repose aujourd’hui la question de la reconduction de cette orientation ». Pourtant, notre île a besoin de ces espaces, propices à la compétitivité réunionnaise. Il faudrait même davantage de pôles d’activités, ce que fera ressortir le Préfet, qui n’aura cessé de rappeler l’implication de l’Etat. Il faut un SAR, schéma stratégique essentiel au développement économique.
Certes, les professionnels s’y perdent, entre les différents schémas et plans d’urbanisme, territorial, local, régional. Mais, élus et représentants de l’Etat ont bien fait de signifier toute l’importance d’un schéma régional pour un aménagement concerté de notre île, visant le développement durable. Il faut concentrer les « outils destinés à favoriser l’émergence de nouvelles zones qui permettraient de rendre le SAR plus opérationnel et d’en faire un véritable outil de gestion des espaces », recommande Pierre-Henry Maccioni. Demain, il faudra densifier l’espace, par pôles d’activités, qui « associeraient production, conception et services aux entreprises suffisamment importants pour, d’une part, accueillir des unités de grande taille, mais également créer des synergies entre les différents établissements », recommande encore le représentant de l’Etat. Allons donc pour la densification. Les entreprises n’attendent que cela. Les élus locaux, « à tous les niveaux », déclarera Paul Vergès, doivent s’interroger sur la portée de leur responsabilité, leur devoir de service vis-à-vis du secteur économique. « Il est plus facile de le résoudre (ndlr : le problème du foncier) sur le papier que dans la réalité », précisera-t-il.

Se projeter dans l’avenir

Les acteurs du tissu économique réunionnais doivent se projeter dans l’avenir. Certains n’ont pas attendu. Il faudra du moins prendre en compte quelques donnes nouvelles. La définition de programmes financiers pour 2008-2013, ainsi que les dispositions du Protocole de Matignon jusqu’en 2017. Dans quelques semaines, les Accords de partenariat économique feront que les pays dits ACP intégreront notre île, cela au 31 décembre 2007. La Réunion devra « partager le sort des deux contractants, c’est-à-dire l’Etat et les pays ACP », prévient Paul Vergès.
La Réunion doit maintenant, plus qu’autrefois, s’intégrer dans son environnement géographique. Et le Président Vergès de noter : « s’il y a cet accord, cela veut dire qu’il est valable pour des dizaines d’années à venir, et que nous avons à définir les conditions de nos relations avec nos voisins les plus immédiats ». Ainsi, dépassant le problème récurrent de foncier, Paul Vergès appelle à se porter sur les opportunités des pays de l’Océan Indien. En 2020, Madagascar comptera 28 millions d’habitants. En 2050, l’Europe verra sa population baisser de 50 millions de personnes, tandis que l’Afrique ajoutera son milliard d’habitants. Les cartes seront donc redistribuées, y compris pour notre île. Et d’une question, la réflexion : « comment allons définir nos stratégies, si nous nous plaçons uniquement dans le cadre de notre marché intérieur ? », demande Paul Vergès.

Willy Técher


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