Pour défendre le Livret A - 5 -

Que faire de l’argent de l’épargne du Livret A ?

26 mai 2007

La querelle sur l’emploi des fonds des Caisses d’épargne a toujours été permanente. Par exemple la loi du 20 juillet 1895 va instituer, par mesure de sécurité, la constitution d’un fonds de réserve dans chaque Caisse d’épargne, appelé “fortune personnelle”. Les emplois autorisés pour la fortune personnelle sont strictement définis par la loi, et elle va permettre aux Caisses d’épargne de remplir leurs premières missions d’intérêt général : financement de logements à bon marché, de jardins ouvriers, puis de bains douches. En plus, les Caisses vont soutenir localement, au fil du temps, un nombre grandissant d’œuvres de solidarité nationale, de prévoyance, d’hygiène sociale, d’assistance ou de bienfaisance qui les feront reconnaître comme des acteurs de proximité irremplaçables.
L’argent des livrets d’épargne va servir au financement de nombreuses infrastructures d’intérêt général :
- 1822 : prêts aux collectivités locales, le premier étant pour le port de Dunkerque.
- 1830 : prêts pour l’adduction d’eau potable.
- 1837 : achat de titres (actions et obligations) de divers canaux (canal de Bourgogne, etc.). La Compagnie des Quatre-Canaux (canaux de Bretagne, du Nivernais, du Berry, canal latéral à la Loire) avait été créée en 1822.
- 1841 : achat des titres du Trésor.
- 1850 : achat d’obligations des chemins de fer.
- 1919 : prêts aux Habitations à Bon Marché (HBM).
- 1928 : prêts à l’électrification rurale.
- 1928 : prêts pour la construction de 200 000 logements à bon marché et 60 000 habitations à loyer moyen en 6 ans (loi Loucheur).
- 1929 : prêts pour la construction de silos coopératifs, de sanatoria, et aux PTT.
- 1950 : la loi Minjoz permet aux Caisses d’épargne de s’intéresser à la vie de leur région. Elles disposent d’une partie des fonds pour prêter aux collectivités, la CDC donnant son accord. Les Caisses d’épargne peuvent désormais octroyer des prêts bonifiés aux collectivités et organismes publics sur une partie des sommes qu’elles collectent sur le livret. L’épargne locale contribue ainsi au financement local. Précision : un taux d’intérêt « bonifié » signifie que celui qui obtient le prêt se voit accorder un taux d’intérêt inférieur à celui du marché (celui proposé par les banques privées). La différence est prise en charge par l’État.
- 1962 : les Caisses d’épargne ont la possibilité de consentir des prêts en dehors des strictes règles d’attribution, définies initialement, pour un montant égal à 10 % du contingent Minjoz, c’est le contingent libre. Elles sont alors sollicitées par les municipalités pour financer des équipements collectifs. Ce dispositif de soutien à l’équipement collectif et au développement local disparaîtra à la fin des années 1980.
- 1965 : les Caisses d’épargne entrent dans l’ère de la concurrence bancaire et, pour fidéliser leur clientèle, vont développer rapidement de nouveaux produits : le Livret Epargne-Logement (1965), le Livret Supplémentaire et les prêts Epargne-Logement (1966), la première SICAV et le Livret Portefeuille (1967), le Plan Epargne-Logement et les Bons d’Epargne (1969).
- 1971 : droit d’accorder des prêts personnels Habitat et Consommation aux conditions du marché et sans épargne préalable.
- 1978 : droit d’ouvrir des comptes de dépôts.
- 1983 (loi du 1er juillet) : elle accorde aux Caisses d’épargne la qualité d’établissements de crédit à but non lucratif et les habilite ainsi à effectuer toutes les opérations de banque.
- 1984 (loi bancaire) : elle consacre les Caisses d’épargne en tant que réseau à part entière du système financier français. Les Caisses d’épargne engagent aussitôt un processus de reconfiguration important qui aboutira à la diminution du nombre de Caisses, de 464 en 1983 à 186 fin 1990.
- 1987 (loi du 17 juin) : les sociétés commerciales peuvent désormais faire appel aux Caisses d’épargne. Les prêts aux entreprises viennent alors élargir la gamme des crédits.
- 1991 (loi du 10 juillet) : les Caisses d’épargne deviennent des entreprises de proximité autonomes et responsables. Le nombre de Caisses passe alors de 186 à 35. Emploi exclusif par la Caisse des dépôts des fonds du Livret A au logement social.
- 1999 (loi du 25 juin) : les Caisses d’épargne adoptent le statut de banques coopératives à vocation universelle. Ce texte va leur permettre d’avoir un statut de droit commun (celui de la coopération de 1947) et de régler la question de leur propriété.
- 2004 : le Groupe Caisse d’épargne et la Caisse des dépôts signent un accord pour refondre leur partenariat. La Caisse des dépôts apporte à la Caisse nationale des Caisses d’épargne sa participation financière dans sa filiale de banque d’investissement et de gestion d’actifs, CDC IXIS, et dans la Compagnie financière Eulia, qui disparaît. Ainsi, le Groupe Caisse d’épargne devient une banque universelle dont les activités sont organisées autour de trois grands métiers : la banque commerciale, l’immobilier spécialisé et la banque d’investissement.
- 2006 : le Groupe Caisse d’épargne et le Groupe Banques populaires signent un protocole d’accord définissant les modalités de création de leur filiale commune, NatIxis, qui regroupera leurs activités de banque de financement, d’investissement et de services. Le Groupe Caisse d’épargne se trouve doté d’un accès au marché grâce à une société qui figure parmi les premières capitalisations boursières de la place de Paris et parmi les plus grandes banques européennes.
C’est donc un gouvernement de gauche, en 1983, au moment du « tournant de la rigueur », qui, le premier, a commencé la destruction de la Caisse d’épargne et du Livret A.

À suivre...

J.Nikonoff,
Économiste,
Ex Président d’ATTAC FRANCE


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