Rendre aux planteurs leur dignité d’acteur économique responsable

19 juin, par Parti Communiste Réunionnais, Ary Yée-Chong-Tchi-Kan

La situation actuelle de la filière canne est la conséquence cumulée de 3 périodes de changement structurel. Au fond, la canne doit être transformée sur place. La direction stratégique confiée à un acteur extérieur est un non sens historique et pragmatique.

1- pendant longtemps, la chaîne de valeur était simple. La Réunion produisait le sucre et la France s’occupait de la commercialisation et du raffinage. Les usines et les matières extraites appartenaient aux planteurs.

2-En 1969, ce modèle équitable a été remis en cause par la division capitaliste le long de la chaîne de valorisation. On voit apparaître le capital foncier, le capital industriel, le capital financier, le capital de transport etc. La canne devenait une matière première vendue à l’industriel qui en faisait son affaire. La rémunération du fournisseur était calculée sur la vente du sucre.

Coincé entre le capitalisme industriel qui exigeait de la matière première de qualité et l’administration qui appliquait des lois sociales, les propriétaires de vastes domaines fonciers se sont délestés des parties cultivables. De nombreux colons bénéficièrent d’une importante réforme agraire conduite par la SAFER. Les uns améliorent leur capital financier, les autres deviennent débiteurs du Crédit Agricole, pour de longues années. Selon leur nouveau statut, ils devaient supporter la charge de la dette et s’acquitter des taxes et impôts divers.

Parallèlement à la réforme foncière, le capitalisme industriel engagea un vaste programme de productivité qui bénéficia grandement de financements publics : fermeture d’usines, modernisation de l’appareil industriel, rationalisation du travail, défiscalisation des moyens de transports. Les fournisseurs de matière première devaient sans cesse investir pour supporter les conditions de l’industriel d’un produit de qualité. Ils ne devaient pas consacrer plus de 10% à la diversification, pour tenter de joindre les 2 bouts.

Pendant ce temps, le capitalisme industriel et financier investissait à fonds dans la valorisation du foncier non-agricole et la spéculation immobilière, avec la complicité des Communes. La contagion gagne également des propriétaires de bonnes terres.

3-Enfin, en 2015, la décision de Bruxelles de supprimer notre quota sucrier et le prix garanti, supérieur au cours mondial, a enlevé les derniers espoirs que des travailleurs de la terre devaient pouvoir bénéficier de la solidarité nationale et européenne ainsi que d’un juste prix de l’industriel. Peu après cette décision, un commissaire Dacian Ciolos, en visite dans l’île, déclare que « l’avenir de la canne dépendra de la stratégie de l’industriel ».

Nos commentaires.

Il faut cesser de mentir aux planteurs

1-L’industriel avait affirmé qu’il lui fallait 2 millions de tonnes de fourniture pour garder les 2 usines en fonctionnement. Si avec une récolte de 1,2 million de tonnes, c’est toujours rentable, alors les planteurs doivent s’organiser en coopérative et réclamer la propriété de l’usine. Au moins, ils pourront faire la transparence sur la valorisation de la filière et se fixer un juste prix. Tereos était à l’origine une coopérative de planteurs de betteraves.

2-Cela est d’autant plus compréhensible car depuis 40 ans, la part de l’usinier dans le prix payé aux planteurs n’a pas bougé. Les maigres progrès reposent sur des arrangements avec l’Etat. Un audit pourrait calculer le manque à gagner pour les planteurs. La pleine propriété de l’usine doit revenir au monde agricole, pour un euro symbolique. Nous pourrions également évaluer les centaines de millions de finances publiques versées au capitalisme industriel depuis la réforme de 1969.

3- Les pouvoirs publics exigent à juste titre que les planteurs soient des sentinelles du foncier agricole et du développement durable. Or, pour loger leurs enfants, ces citoyens méritants doivent acheter au prix fort la spéculation sur le foncier non-agricole, rendu constructible par la décision des Maires. Les agriculteurs doivent pouvoir également investir dans la diversification des revenus agricoles. Les autorités concernées doivent créer une caisse pour compenser les restrictions liées à la protection des terres agricoles.

Conclusion

Le PCR milite pour une mise à plat de toute la filière et viser la souveraineté des agriculteurs réunionnais, sur un engagement de responsabilité à long terme, en faveur des générations futures. Mais, de grâce, cessons de mentir aux planteurs.

Bureau de presse du PCR,
P/ Ay Yee Chong Tchi Kan


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