Politique des visas imposée par Paris, manque d’infrastructures, coût de la vie : La Réunion contraste avec Maurice bien plus accueillante pour les touristes

Tourisme : le retard de La Réunion face à Maurice s’est encore accentué en 2024

4 février, par Manuel Marchal

Quelques jours après les chiffres 2024 du tourisme à Maurice publiés par Statistics Mauritius, l’IRT a publié hier les données 2024 de la fréquentation touristique à La Réunion. La comparaison montre des dynamiques bien différentes entre deux pays distants d’un peu plus de 200 kilomètres. En 2024, La Réunion a accueilli à 80 % des touristes venus de France, avec seulement 53 % de touristes d’agrément fréquentant obligatoirement hôtels, restaurants et locations saisonnières. Les recettes ont atteint 468,8 millions d’euros, en baisse de 1,9 %. À Maurice, la diversité des visiteurs et une politique d’accueil plus ouverte génèrent 4,5 fois plus de revenus touristiques : 2 milliards d’euros entre janvier et novembre.
Une explication de ce retard de La Réunion sur Maurice est une politique des visas restrictive imposée par Paris : d’une part, seuls les Européens à 10 000 kilomètres de La Réunion peuvent entrer sans visa, et d’autre part, les touristes hors-Europe ne peuvent entrer à La Réunion en achetant un visa et en fournissant une simple adresse comme à Maurice.
Le manque d’infrastructures adaptées aux touristes à fort pouvoir d’achat est une autre explication alors que le coût de la vie à La Réunion est dissuasif pour les Européens qui préfèrent venir en masse à Maurice. Plus de 800 000 touristes d’agrément à Maurice en 2024 étaient des Européens.

L’Île de La Réunion tourisme (IRT) a publié hier les chiffres de la fréquentation touristique en 2024. Quelques jours auparavant, Statistics Mauritius avait fait de même concernant Maurice, pays le plus proche de La Réunion qui a une superficie et une population voisines. Ceci permet de comparer.

Tourisme à La Réunion : 80 % des touristes viennent d’un seul pays, la France

Les visiteurs proviennent principalement de France. Les arrivées en provenance du reste de l’Europe demeurent stables. Les recettes touristiques enregistrent une légère baisse de 1,9 %, atteignant 468,8 millions d’euros.
- La clientèle d’agrément (267 663 touristes) représente 49 % des touristes extérieurs.
- La clientèle affinitaire (242 021 touristes) représente 43 % des touristes extérieurs.
- La clientèle d’affaires (34 775 touristes) représente 6 % des touristes extérieurs.
- Enfin, les autres touristes (11 630 touristes) représentent 2 % des touristes extérieurs.

Les principales provenances des touristes à La Réunion :
- Europe dont France : 483 000
- France : 450 000
- Océan indien c’est-à-dire Afrique australe, COI et Inde : 65 000

43 % des touristes séjournent chez des amis ou parents, 39 % dans des locations saisonnières (gîtes, particuliers, AirBnb…) et seulement 17 % dans un hôtel. La durée moyenne des séjours est de 18 jours en moyenne passés sur l’île. Ces tendances confirment la nécessité d’adapter l’offre touristique pour attirer des visiteurs à plus forte contribution économique.

Diversité de visiteurs à Maurice et dépenses 4,5 fois plus importantes qu’à La Réunion

En comparaison, Maurice a accueilli des touristes issus de nombreux pays. La France reste le premier pays émetteur avec 339 421 visiteurs, suivie du Royaume-Uni (158 188) et de La Réunion (140 618). D’autres provenances se distinguent, notamment l’Allemagne (123 825), l’Afrique du Sud (106 542) et l’Inde (56 788). On note aussi le nombre important de voyageurs suisses (35 329), italiens (29 489) et russes (28 750), ainsi que des touristes venant d’Arabie Saoudite (22 171), d’Australie (21 228), de Madagascar (19 152), des États-Unis (15 450), de Chine (13 095) et des Émirats arabes Unis (12 374).
Cette diversité est un atout pour Maurice. Cela permet de limiter la dépendance à une seule provenance et de sécuriser l’activité touristique face aux fluctuations économiques ou géopolitiques de certaines régions. À La Réunion, 80 % des touristes viennent d’un seul pays (France).
À Maurice, l’impact économique du tourisme est considérable. Entre janvier et novembre 2024, les recettes touristiques ont atteint 1,998 milliard d’euros, soit une moyenne de 182 millions d’euros par mois, c’est 4,5 fois plus qu’à La Réunion. Cette manne alimente directement l’économie mauricienne à travers l’hôtellerie, la restauration, les transports, les commerces et les activités de loisirs. Les touristes séjournent en moyenne 11,4 nuits sur l’île.

Comparaison avec La Réunion

Si Maurice bénéficie d’un flux touristique diversifié et d’un fort impact économique, la situation est différente à La Réunion. Notre île a accueilli 267 663 touristes d’agrément en 2024, avec des recettes estimées à 470 millions d’euros, soit environ 40 millions d’euros par mois, en intégrant les touristes affinitaires. Cette disparité s’explique notamment par la nature des flux touristiques : les touristes affinitaires sont quasiment aussi nombreux que les touristes d’agrément à La Réunion. Les touristes affinitaires viennent rendre visite à leur famille et ne séjournent que très peu dans des hébergements marchands ni ne fréquentant régulièrement les restaurants.
À Maurice, les touristes sont quasi exclusivement des touristes d’agrément.

L’obstacle de la politique des visas imposée par Paris à La Réunion

Un premier facteur déterminant dans cette différence réside dans la politique de visas. Maurice offre une facilité d’entrée aux nombreux voyageurs internationaux, leur permettant d’obtenir un visa à l’aéroport en fournissant une simple adresse de résidence temporaire.
En revanche, à La Réunion, les touristes hors Union européenne doivent obtenir un visa en amont qui est loin d’être systématiquement accordé pour ceux en provenance des pays voisins. Ceci est dû à un préjugé parisien selon lequel La Réunion serait un eldorado pour les étrangers hors Europe, et qu’une personne entrée avec un visa touristique est un immigrant clandestin potentiel.
Cela constitue une barrière administrative contraignante et dissuasive. Cette politique limite l’arrivée de visiteurs provenant de marchés en plein boom comme la Chine, l’Inde, la Russie ou l’Afrique du Sud, qui contribuent pourtant énormément à l’essor touristique de Maurice.
Elle empêche également la venue en nombre de touristes à fort pouvoir d’achat comme les Émirats arabes Unis, la Chine, l’Inde ou la Russie.

Coût de la vie et pénurie de structures d’accueil pour touristes à fort pouvoir d’achat

Un autre obstacle est le coût de la vie qui est plus important à La Réunion qu’à Maurice, car il est calculé en fonction du pouvoir d’achat d’une minorité qui, à travail équivalent, est surrémunérée à La Réunion par rapport à la France. Les Européens aux revenus limités auront un rapport qualite-prix meilleur à Maurice et un voyage en avion plus confortable dans des cabines moins denses. Cela explique pourquoi plus de 800000 touristes européens étaient à Maurice l’an dernier.
Enfin, le manque de structures hôtelières adaptées est une autre explication. Un Airbus A380 d’Émirates se pose tous les jours à Maurice car la compagnie émiratie sait qu’il existe chez nos voisins des hôtels de luxe en nombre suffisant pour accueillir 500 touristes à fort pouvoir d’achat par jour. Ce n’est pas le cas dans notre île.
L’exemple de Maurice illustre comment une politique d’accueil ouverte et des investissements ciblés permettent d’attirer un nombre important de touristes à fort pouvoir d’achat et de maximiser les retombées économiques. Dans le cadre actuel, il est impossible pour La Réunion d’espérer approcher les résultats obtenus par Maurice dans le tourisme.

M.M.

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