Les jeunes agriculteurs, la CGPER et les 152 ans de la Chambre d’Agriculture

Un anniversaire plein du sens des luttes

10 mai 2006

Les jeunes agriculteurs de la CGPER ont organisé hier une rencontre commémorant le 152ème anniversaire de la Chambre d’Agriculture et le chemin parcouru depuis, dans les luttes, pour faire grandir et moderniser l’agriculture de La Réunion, au service du plus grand nombre.

Les jeunes planteurs et éleveurs de La Réunion de la CGPER ont souhaité marquer hier la date commémorative de la création de leur chambre professionnelle - instituée le 12 avril 1854 et réunie pour la première fois en AG le 10 mai de la même année.
Ils ont organisé une “causerie” sur l’histoire de l’agriculture réunionnaise et ses enjeux actuels en présence d’une vingtaine de jeunes et de deux “anciens”, Marcel Bolon et Émile Lagarrigue, qui ont échangé avec eux sur les luttes passées, les acquis de ces luttes et ce qui reste à faire.
Éric Soundrom a animé la rencontre en présentant un résumé de l’histoire de la Chambre et de l’évolution de son rôle dans la société réunionnaise, depuis le soutien inconditionnel apporté à la monoculture de la canne, au siècle dernier, jusqu’aux transformations de ces dernières décennies, après la loi de 1946 et la création de l’OCM sucre - avec la diversification des cultures, la structuration de l’élevage et l’émergence d’une classe de petits et moyens agriculteurs qui veulent jouer un rôle dans le débat actuel sur les orientations de l’agriculture.
Pour la filière canne, ces agriculteurs prônent "un plan de relance" qui tienne compte du poids économique de la canne à sucre et de ses sous-produits. Dans l’élevage, où a été évoquée la responsabilité des SICA (Sicalait, Sicarévia) dans les "difficultés financières où se débattent les éleveurs", Éric Soundrom a rappelé le potentiel de la filière et la nécessité de "mettre l’éleveur au centre des préoccupations". Il a conclu à l’importance de "faire de la Chambre d’agriculture une force de propositions au service de l’agriculture et des agriculteurs de La Réunion".

Plier ou progresser

Dans l’échange qui a suivi, Marcel Bolon a évoqué l’importance de la création de la CGPER pour faire évoluer une institution "dirigée autrefois par les gros propriétaires fonciers dont les portraits ornent cette salle" (la rencontre avait lieu dans l’auditorium de la Chambre). Marcel Bolon lui-même, membre de la CGPER depuis sa création, a été élu secrétaire de la Chambre d’Agriculture pendant 18 ans à compter de 1983, lorsque Pierre Rossolin a été porté à la présidence au bénéfice de l’âge. C’était le premier président de cette institution issu des rangs de la CGPER. "Il a fallu un combat énorme de conscientisation des agriculteurs, mené notamment avec Angélo Lauret, le premier président CGPER élu à une forte majorité, en 1989", a-t-il évoqué en rappelant les nombreuses conquêtes apportées par le programme d’action de la CGPER : électrification, retenues collinaires, chemins d’exploitation, indemnité “montagne”, Agridif, batailles pour les primes bagasse et mélasse, etc. Encore aujourd’hui, le dirigeant agricole a estimé que les planteurs étaient mis devant un choix : soit plier devant “l’agriculture compétitive” et les tenants du libéralisme, soit progresser sur la voie d’une “agriculture multifonctionnelle”.

"152 ans, c’est une victoire"

Émile Lagarrigue, agriculteur retraité, a estimé que "152 ans, c’est une victoire" - une victoire qui permet de voir surgir aujourd’hui, grâce aux luttes des anciens, un noyau de jeunes agriculteurs prêts à prolonger leurs combats. Venu du sud, Émile Lagarrigue a rappelé les principaux combats menés depuis la fin des années 50 autour de ce qui s’appelait alors "le groupe de la Charte" et qui est devenu la CGPER avec Angélo Lauret. "Tous les grands acquis, ce sont les petits et moyens planteurs qui les ont obtenu pour tous", au terme de batailles que les plus anciens ne sont pas prêts d’oublier et qu’ils veulent transmettre aux plus jeunes : le mouvement de février 1962 contre la perte de 400 francs (CFA) dans le règlement de la campagne 61, “l’accord de trahison” de 69 et tant d’autres...
Les planteurs d’aujourd’hui s’inquiètent de la place qui sera faite à leur activité dans l’aménagement foncier de l’île. "Comment protéger nos terres agricoles ?" a demandé un éleveur de la Plaine des Cafres, dont la production de viande se fait sur moins de 40 hectares de surface utile (SAU).
Il n’y a pas eu foule à cette rencontre, pourtant très chaleureuse. Les agriculteurs étaient venus avec quelques produits à partager - du lait cru, du rhum, des ananas, du pâté, du gâteau patate et autres ravaz - ou encore des objets rappelant l’agriculture d’autrefois, tels les fers pour marquer les bêtes. Éric Soundrom avait obtenu du musée agricole de Stella une série de diapositives faites à partir de reproductions des années 50-60 montrant la culture de la canne au temps des sarèt’ bèf...

P. David


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