Thierry Crop prend la barre de La Poste Réunion

« Un directeur multi métiers » pour une entreprise multi services

28 mars 2007

Thierry Crop succède à Bertrand Tormen à la Direction de La Poste de La Réunion. De cette première rencontre avec le nouveau directeur se dégage déjà un objectif central majeur : développer financièrement toutes les activités de La Poste afin que l’entreprise puisse accompagner le développement économique de l’île et remettre à niveau ses comptes déficitaires.

Thierry Crop, nouveau Directeur de La Poste de La Réunion.
(photo S.L.)

Pour cette première prise de fonction dans un Département d’Outre-mer, Thierry Crop, arrivé il y a une semaine, a « attaqué bille en tête » pour s’imprégner de l’organisation spécifique de La Poste de La Réunion. Comme il le souligne, à la différence de la Métropole, il n’y a pas ici de séparation dans le pilotage des activités courrier, colis, guichet et banque postale, d’où la nécessité d’avoir à la barre de l’entreprise « un directeur multi métiers ».

« Développer des activités rentables »

15 ans après son changement de statut, Thierry Crop remarque que l’on présente encore La Poste comme une administration. Certes c’est une entreprise publique qui a des missions de services publics, cependant, « il ne faut pas perdre de vue qu’une entreprise cherche à satisfaire ses clients, mais sa mission est aussi d’équilibrer ses comptes et de développer des activités rentables ». Sachant que ses missions de services publics constituent les deux tiers de son activité pour une charge financière de 100 millions d’euros à rapporter à un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros, on est encore loin de pouvoir parler de résultats d’exploitation pour l’entreprise réunionnaise, qui affiche des comptes déficitaires. Et Thierry Crop de souligner ici que « le coût moyen par postier est supérieur à La Réunion du fait de la prime de Vie chère et de la masse salariale ». Les 2.000 postiers de notre département (dont la moitié est affectée au courrier) pèsent donc lourd dans la balance financière de La Poste. Il faut néanmoins préciser ici que cet effectif est constitué pour un tiers, selon Thierry Crop, contre la moitié, pour les syndicats, de personnels contractuels qui, grâce à la mobilisation des délégations locales, il y a 2 ans, à Paris, ont pu obtenir une prime mensuelle de 150 euros.
Il ne faudra donc pas s’attendre au recrutement de nouveaux guichetiers pour désengorger les files d’attente des bureaux postaux. Leur rôle parfois pédagogique, relevé par Thierry Crop, comme cette activité de retrait et de versement qui occasionne des embouteillages quasi continuels, n’étant pas rentable, La Poste souhaite privilégier le développement des services à distance, l’installation de bornes électroniques et la mise en place d’un “package” de services bancaires accessibles pour 3 euros par mois. « Mais l’informatique est lourde à mettre en place », concède le nouveau directeur. Pour un service plus rentable donc, La Poste préfère créer des postes de conseillers clientèles, une trentaine pour 2007. Et Thierry Crop d’assurer qu’ils seront ouverts aux salariés actuels, précisant que l’« on forme beaucoup dans La Poste et le compte postal, avec 8 à 10 jours de formation par an (un peu moins pour les guichetiers). On a fait beaucoup évolué l’organisation et le métier de postier. Si l’on demande plus de polyvalence, de professionnalisme, d’expertise, c’est pour coller au développement de l’entreprise ».

L’activité micro-crédit n’est pas exclue

Pour poursuivre son développement sous le signe de la modernité, La Poste veut également investir cette année dans 12 nouveaux guichets automatiques qui viendront agrandir le parc actuel de 80 appareils. Continuer l’automatisation du tri du courrier et des colis (entamée en 2006 avec quelques perturbations dans la qualité du service) est un axe important pour La Poste, qui souhaite ainsi accompagner le développement économique de l’île et s’inscrire dans la dynamique de croissance des entreprises locales, ses principaux clients, avec 1,2 millions de colis et de Chronopost traités chaque année. C’est un axe d’autant plus important que c’est l’unique service qu’elle leur propose. « Nous sommes plutôt acteurs de l’élargissement du marché bancaire, précisera Thierry Crop. On ne rogne pas sur l’activité, comme le craignait la concurrence ». Pour exemple, La Poste n’est pas autorisée par le gouvernement à pratiquer des crédits à la consommation. Le rapport engagé sur 2007-2008 par la Cour des Comptes, afin d’évaluer l’impact de La Poste sur le marché bancaire, permettra peut-être un développement des micro-crédits pour la population qui n’a pas accès aux prêts ? Sachant que le Ministre de l’Économie a autorisé l’entreprise publique à se porter candidate pour le micro-crédit dans la région Poitou-Charente, Thierry Crop n’exclut pas cette éventualité pour La Réunion avant la fin de sa mission. « L’argumentation des pouvoirs publics à Bruxelles est de montrer le rôle social de La Poste, explique-t-il encore. Il n’est pas question de restreindre nos services à ceux des concurrents ». La Banque postale a en effet pour objectif d’accroître son activité de +20%, ce qui va se traduire par la mise en place des postes de conseillers clientèles dont nous parlions plus haut, mais aussi de conseillers financiers et patrimoniaux, dans le courant de l’année.

24.000 clients par jour

Thierry Crop soutient encore que l’activité bancaire restera toujours associée aux autres activités de La Poste. « La Banque postale est indissolublement liée à La Poste. Elle n’a pas de légitimité si elle n’est pas résolument ancrée dans la proximité et l’accessibilité à tous ». Pour rebondir sur cette prérogative de proximité, lorsque nous confrontons le nouveau directeur à la fermeture de certains bureaux de poste dans les écarts de l’île, il souligne que le service proposé varie en fonction des attentes géographiques et qu’il est plus rentable de transférer certains services chez un commerçant que de fonctionner à perte. Actuellement, La Poste de La Réunion compte 100 points de contacts, et d’autres créations sont envisagées. Un programme de rénovation et de sécurisation des bureaux de poste va d’ailleurs se poursuivre, alors que La Rivière Saint-Louis sera prochainement dotée du “Bureau du Futur”, espace dédié au conseil financier et à l’accompagnement du public en difficulté.
Et si les 7 millions de clients qui fréquentent les bureaux de poste de La Réunion chaque année, soit 24.000 par jour, pestent dans les files d’attente, qu’ils se rassurent, La Poste ne les oublie pas : elle va mettre en place une “TV in store” qui ne proposera pas des films pour patienter, mais offrira une présentation de ses produits et prestataires de services. C’est déjà ça !

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

« On tire un peu dessus »
Après une lecture attentive des coupures de presse collectées dans 2 conséquents dossiers, Thierry Crop déplore l’image négative que la presse véhicule de l’entreprise auprès du public réunionnais, alors que cette dernière contribue à l’économie locale. « On tire un peu dessus », note le Directeur. Et de rappeler qu’à Gamède J+ 1, plus de 85% du courrier a été assuré, alors que la quasi totalité des établissements étaient ouverts. Il a tenu à défendre les salariés qui « se défoncent et assurent un service au quotidien » et à appeler à davantage de mesure dans les critiques. « Tout en appartenant à tout le monde, La Poste mérite ce respect », a soutenu Thierry Crop, très attaché à l’image de l’entreprise. Il a d’ailleurs sollicité un rendez-vous avec l’ensemble des personnalités du monde politique et économique de l’île, afin de se présenter et de faire partager quelques-uns de ces objectifs de développement.

« Un acteur décisif sur l’île »
Selon Thierry Crop, la Banque postale est « un acteur décisif sur l’île » qui compte 60% de la population réunionnaise et dont la « particularité est l’accueil de tous, sans discrimination ; on le voit très bien les 10 premiers jours du mois avec l’accueil massif aux guichets ». Elle compte 450.000 Livret A et 170.000 CCP, soit plus de 1 milliard d’euros d’épargne et 200 millions d’euros de crédits, soit 4,7% de part de marché sur les crédits, fin 2006 (contre 4,5% au plan national). Le directeur n’a pas encore d’objectif chiffré concernant la progression des parts de marché de la Banque postale de La Réunion, alors qu’au plan national, la barre est fixée à 9% d’ici 2010 à 2012.

« Le climat social est important »
Dès son arrivée, Thierry Crop a pris contact avec l’ensemble des organisations syndicales pour une série de réunions déjà entamées, et qui vont se poursuivre. « Quand on gère une entreprise de plus de 2.000 salariés dont une partie est dévolue au service public, le climat social est important ». Et c’est un ancien responsable des ressources humaines fort de 10 ans d’expériences qui parle. « Le changement de statut de La Poste fait que les partenaires sociaux sont conscients de la réalité économique dans laquelle on évolue, soutient encore Thierry Crop. Il est important de mettre les choses sur la table pour un vrai dialogue social, d’aborder les vraies questions de fond », au-delà « du jeu de rôle » auquel s’apparente parfois les relations syndicats/patronat. Le temps pour le nouveau directeur d’analyser plus finement l’organisation de La Poste locale et il proposera un rendez-vous aux partenaires sociaux, fin avril, pour partager son bilan et ses propositions visant à améliorer le fonctionnement général de l’entreprise.

SL


Un directeur multi métiers : point sur le parcours de Thierry Crop

Thierry Crop a commencé sa carrière à La Poste à l’âge de 20 ans comme guichetier à Paris. Il a occupé, depuis, à peu près toutes les positions de travail et a gravi les échelons. Il est diplômé de l’ENSPTT et de l’ENA (promotion Diderot). En 1987, il est cadre supérieur chargé du marketing des services financiers de La Poste dont il réfléchit au développement en 1991, avec le banquier Jacques Lenormand. Il crée ensuite la délégation Est de La Poste, qui rassemble 14 départements, puis passe 2 ans à Strasbourg. A Bordeaux, il est ensuite chargé des ressources humaines auprès de 35.000 postiers du Sud-Ouest de la France. En 1999, il retourne vers Paris pour occuper à nouveau un poste ressources humaines, puis pilote la réorganisation de La Poste par métier. Le 1er janvier 2006, il est le premier DRH de la Banque postale et est conseiller de son président dans le domaine du développement international. Il appuie encore aujourd’hui le développement des services postaux en Afrique et l’offre de services au Maroc. A 48 ans, Thierry Crop est père de 9 ans.

NDRL : Dans les prochains jours et suite aux rencontres que le Directeur doit avoir avec tous les syndicats, nous donnerons les réactions de ces derniers à ses propos.


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