Environnement

Un Indien a planté seul une forêt de 550 hectares

23 juin 2015

Il arrive, parfois, que par sa volonté, une personne toute seule, puisse faire des choses importantes. Je ne veux pas parler des reconnus par la société comme importants à qui, peut-être un jour, on attribuera le qualificatif de grand personnage, mai de personnes simples, sans prétention, qui par leur vision personnelle du monde, sont amenés à réaliser des choses remarquables. Je ne résiste pas au plaisir de la raconter à nouveau aux lecteurs de notre journal, bien que je l’aie déjà fait, il y a plusieurs années.

Le Brahmapoutre est un fleuve riche en biodiversité mais aux crues catastrophiques.
Jadav Payeng doit avoir aujourd’hui cinquante et un ans. Depuis plus de trente ans son quotidien passe à planter des arbres jusqu’à engendrer une forêt de 550 hectares sur une île de sable au milieu du fleuve Brahmapoutre. Le Brahmapoutre – du sanskrit Brahmaputra signifiant « fils de Brahmâ » – est un fleuve de l’Asie du Sud, long de 2 900 kilomètres, ayant sa source principale dans l’Himalaya tibétain, à 5 542 m d’altitude. Son parcours tropical fait de la vallée de ce fleuve un des plus riches sites mondiaux en termes de biodiversité. Ses crues importantes permettent une fertilisation du sol mais sont dévastatrices. Dans son cours inférieur, qui est sacré pour les hindous, puisque le Brahmapoutre se jette dans Le Gange, le fleuve sacré des hindous.

« Je me suis assis et j’ai pleuré »

En 1979, les crues du fleuve Brahmapoutre touchent fortement l’écosystème de la région. Des centaines de serpents d’eau sont envoyés sur le banc de sable où ils meurent d’épuisement et de déshydratation. À l’époque, Payeng n’a que 16 ans, mais il se sent déjà concerné par l’environnement. Il déclare à un journal indien, Le Times of India que :
« Les serpents étaient morts de chaleur, il n’y avait pas d’arbres pour les protéger. Je me suis assis et j’ai pleuré sur leurs corps sans vie. C’était un carnage. J’ai alerté le ministère des Forêts et leur ai demandé s’ils pouvaient planter des arbres. Ils m’ont répondu que rien ne pousserait ici et m’ont dit d’essayer de planter des bambous. C’était dur mais je l’ai fait. Il n’y avait personne pour m’aider ». Il a alors quitté sa famille pour entamer sa vie de solitaire sur ce même banc de sable, et a décidé de redonner vie à cette terre du milieu du fleuve.

L’implantation des fourmis rouge de son village.

Seul, il se consacre entièrement à sa tâche. Pendant plusieurs années, il plante du bambou jusqu’à obtenir une forêt. Fort de son expérience et de cette première victoire, il décide de planter de « vrais arbres ». Mais une forêt sans animaux n’est rien de plus qu’un jardin. Payeng se démène donc pour réintroduire un véritable écosystème sur cette parcelle de terrain. Au départ, il commence petit. En effet, les premiers résidants de « la forêt de Molai » comme l’appelle les autochtones, sont des fourmis rouges ramassés au village natal de Payeng.

Ces insectes se révèlent être un atout pour lui puisque leur vie souterraine et leur activité ininterrompue « change les propriétés du sol » pour le rendre plus fertile et ainsi plus apte à abriter de la vie.

L’année 2008, le nouveau grand tournant de la vie de Payeng

Certaines sont bien plus grosses que les fourmis, comme le rhinocéros à une corne et le tigre du Bengale, qui sont des animaux en voie de disparition.
Et la nature a peu à peu repris ses droits. « Les oiseaux migrateurs ont commencé à arriver en masse. Les daims et le bétail ont attiré les prédateurs », déclare Payeng. « La nature a créé une chaîne alimentaire : pourquoi est-ce qu’on ne s’y tient pas ? Qui protégera ces animaux si nous, les êtres supérieurs, nous nous mettons à les chasser ? » Et il protège coûte que coûte les animaux qui se réfugient chez lui et « qu’il considère comme ses enfants ».

En 2008, un troupeau d’éléphants se réfugie dans la forêt après avoir dévasté un village. Lorsque les villageois ont décidé de raser la forêt pour débusquer les animaux, il leur a répondu qu’il faudrait le tuer en premier. Les villageois n’ont pas donné suite à leur projet dévastateur.

Les pouvoirs publics réalisent alors l’importance du travail de l’indien solitaire.

C’est à cette occasion que l’existence de cette forêt est parvenue aux oreilles du ministère des Forêts de la région. Le conservateur assistant des forêts a alors rencontré Payeng pour la première fois pour lui avouer son étonnement de voir « une forêt aussi dense sur le banc de sable. Quand on a vu ça, on a décidé de contribuer au projet. Payeng est incroyable, ça fait trente ans qu’il est là-dessus. Dans n’importe quel autre pays, il serait un héros ».

Depuis ce temps la forêt continue à s’accroitre abritant des espèces en voie de disparition. Des oiseaux font une halte dans l’île à l’occasion de leurs migrations saisonnières. Des villageois peuvent y trouver de quoi se nourrir et faire du feu. Payeng qui a aujourd’hui cinquante et un ans continue de planter des arbres et d’entretenir sa forêt ; il ne souhaite aucune reconnaissance autre que la possibilité de continuer son œuvre, insensible à ce que la presse indienne qualifie de miracle de Payeng. C’est assurément un grand homme mais qui rejette tout statut officiel et toute reconnaissance de l’Etat.

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