La chronique économique

Un monde en péril

25 janvier 2007, par Risham Badroudine

Notre mode de développement menace la planète. Non seulement nous risquons de mettre en péril la survie de l’humanité, mais, avant cela, nous aurons provoqué de terribles catastrophes économiques.

Selon une étude du service économique du gouvernement britannique, la facture du réchauffement climatique se montera à 5.500 milliards d’euros. On peut s’attendre à une crise économique équivalente à celle de 1929 dans moins d’un siècle. Cela représentera entre 5% et 20% du PIB mondial, voire plus si les gouvernements ne prennent pas des mesures dans les 20 prochaines années. En comparaison, il suffirait de mobiliser 1% du PIB mondial chaque année dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, pour éviter les pires conséquences économiques et humaines du changement climatique.

De quoi même inquiéter les industriels et les financiers, alors qu’ils étaient jusque là peu réceptifs aux généralités alarmistes des écologistes. Chaque canicule coûtera 11.5 milliards d’euros à l’Europe. Une hausse de la température de 3 degrés suffira à faire baisser de 5 à 20% le rendement des récoltes aux États-Unis. En Inde, 20% de pluies en moins équivaudront à une perte de 20 milliards. Dans le Sud-Est asiatique et l’Afrique subsaharienne, le réchauffement jettera 145 millions de personnes dans l’extrême pauvreté. Tous les pays seront affectés, et notamment les plus pauvres même si leur responsabilité dans le réchauffement de la planète demeure moindre, tandis que les riches continueront à augmenter leurs dépenses économiques induites par les catastrophes naturelles.

Dans le fonctionnement actuel de nos sociétés, tout ce que la technologie permet d’économiser en termes de pollution et notamment de gaz à effet de serre, est complètement annulé par nos comportements de consommation. Nos voitures émettent, par exemple, un tiers de CO2 en moins au kilomètre qu’il y a 30 ans, mais nous roulons de plus en plus et il y a plus de gens qui ont un véhicule. Il faut donc changer les mentalités et faire face au nœud culturel, écologique, économique et politique du mécanisme de croissance économique.

Face à la montée des risques environnementaux globaux, certains États continuent malheureusement à privilégier les intérêts nationaux de court terme.
L’humanité continue à puiser dans son stock de ressources naturelles bien au-delà de ses capacités de renouvellement. En 2006, le quatrième Forum de l’eau a souligné l’aggravation des tensions sur l’or bleu. De plus en plus d’États, parmi lesquels la Chine et les États-Unis, sont en train de franchir le seuil où les prélèvements d’eau douce sont tels que les nappes phréatiques ne peuvent plus se reconstituer.

Les monocultures du soja au Brésil ou de l’huile de palme en Indonésie, destinées aux marchés d’exportation, entraînent une déforestation massive : ces deux pays ont perdu au total 700.000 km2 de forêts en quinze ans, 1,3 fois le territoire français.

L’entrée en vigueur en février 2005, le protocole de Kyoto sur la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre et d’autres outils du droit international traduisent la prise de conscience de la nécessité de gérer à l’échelle globale et de façon équitable ces ressources, indispensables à la survie de l’humanité. Mais l’égoïsme national prend le dessus. Par exemple le principal acteur du protocole de Kyoto (l’Union Européenne) ne tient pas ses promesses. Ses émissions en 2010 devraient dépasser de 3.5% leur niveau de 1990, alors que l’Union s’était engagée à réduire de 8%.

Quant aux États-Unis, le dérapage est total : +13% en 2003 par rapport à 1990 et peut-être +32% d’ici à 5 ans. Le premier émetteur de CO2 de la planète refuse l’idée même d’engagements chiffrés tant que la Chine et l’Inde, grands pollueurs également, mais pas en termes d’émissions par habitant, refuseront d’en faire autant.

Pour faire baisser les émissions, il faut commencer par changer les infrastructures de transport : davantage de trains, de bateaux, de transports collectifs et moins de voitures individuelles. Mais est ce nuisible pour l’emploi et la croissance du PIB ? Une enquête de l’Institut National sur les Transports et leur Sécurité montre, par exemple, que les déplacements d’un voyageur sur un kilomètre en automobile créent deux fois moins d’emploi que le même déplacement en transport collectif.

Le salut passe aussi par le développement des énergies renouvelables. Le solaire, la géothermie ou l’éolien permettaient de résoudre une partie du problème.

A La Réunion, l’électricité (25% de l’énergie consommée) est produite à 43% par des moyens renouvelables (30% par l’eau, 12% par la bagasse et 1% par le solaire et l’éolien) contre 57% par des combustibles fossiles. L’objectif est de porter la production d’électricité indépendante des combustibles fossiles à 100% dans les années à venir.

Quant aux carburants, ils représentent aujourd’hui 75% de notre production d’énergie. Économiser du carburant passe par le développement de transports collectifs tels que le tram-train. Le respect des normes HQE (Haute Qualité Environnementale) dans toutes les constructions est aussi une manière de faire des économies d’énergie.

Il apparaît aujourd’hui indispensable de faire du “PIB propre” pour la survie de l’humanité. A quatre mois du scrutin présidentiel, nos candidats sont-ils à la hauteur des menaces et des défis qui nous attendent ? Gageons qu’ils oseront s’exprimer sans recourir à la langue de bois sur les réels dangers qui nous guettent.

Risham Badroudine

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