Chambre de Commerce et d’Industrie de La Réunion

« Une gestion administrative des défis ne permettra pas de faire le saut qualitatif et quantitatif indispensable dans tous les domaines »

7 décembre 2007

À l’approche de la fin d’année et en forme de bilan provisoire, le Président de la CCIR, Eric Magamootoo a fait le point hier sur les grands chantiers économiques de l’île : le port, l’aéroport et les liaisons aériennes, les Très Petites Entreprises mais aussi les moyennes et les grosses et la façon de les faire travailler ensemble ; le fonds d’investissement, La Réunion 2030... Sur les grands dossiers, l’actuel président de la CCIR pense avoir beaucoup fait déjà pour « rassembler tout le monde autour des acteurs économiques ». Il veut continuer, y compris « après 2009 ».

Après trois ans passés à la direction de la Chambre consulaire, Eric Magamootoo a des motifs de satisfaction mais aussi des inquiétudes et « une grande ambition pour le pays ». La satisfaction est d’avoir construit depuis décembre 2004 une équipe « unie et cohérente », très investie, à un moment où se réalise une conjonction de facteurs qui « peuvent donner de l’espoir » a-t-il dit. Il s’agit de réaliser, à la faveur du projet Réunion 2030, l’intégration des divers axes de la problématique économique réunionnaise - sans négliger les facteurs socioculturels - et en s’appuyant sur ce que Eric Magamootoo appelle le « transfert générationnel », c’est-à-dire, dans la plupart des domaines de la vie sociale, la transmission à des plus jeunes, dans l’ensemble bien formés et quelquefois portés vers l’excellence. C’est aussi ce qui lui fait parler d’un « saut qualitatif et quantitatif » à réaliser, dans de nombreux domaines.
Encore faut-il, selon lui, sortir d’une posture « d’administration ou de gestion des défis » - l’exemple donné est celui de la zone de Pierrefonds - pour aller vers la construction de projets. « Qu’on le veuille ou non, à marche forcée nous serons obligés de le faire, parce que toutes les compétences ont été transférées », a-t-il dit. Aussi faut-il regarder de près, et c’est le rôle des politiques, la façon dont s’effectuent ces transferts de compétences et de budgets.

Se préparer à une explosion des créations d’emploi

Le Président de la CCIR souligne l’importance de la formation et de l’éducation pour l’avenir, en raison d’une prévisible « explosion des créations d’emploi », dans plusieurs domaines. Si nous savons y préparer les plus jeunes, il y a des gisements d’emplois dans les collectivités locales et territoriales - où « 43% des agents titulaires et permanents de catégorie C, soit 8.800 personnes, vont partir à la retraite dans les dix prochaines années » (d’ici 2017) - dans les professions de santé et l’aide à la personne, dans le Bâtiment, dans les activités maritimes où le groupe Bourbon va créer entre 4000 et 5000 emplois dans les trois prochaines années. C’est à la fois une « pression monumentale » sur les décideurs actuels, comme l’exprime Eric Magamootoo, et une formidable perspective pour le pays.
Faute d’avoir saisi l’occasion, depuis déjà deux ans, de créer « un Centhor 2 », la CCIR signe des conventions de partenariat avec les pays de la zone, comme aujourd’hui entre le Centhor et l’école polytechnique du Tourisme de Namibie. La formation aux langues régionales (anglais prioritairement, mais aussi portugais) est un des soucis de la Chambre consulaire. « À partir de septembre 2008, toutes les formations économiques après la licence se feront en anglais ». On devrait voir rouvrir aussi, d’ici peu, un consulat d’Afrique du Sud, indispensable à l’essor de nos relations avec ce pays d’Afrique australe. C’est en tout cas un des vœux, un des besoins du monde économique, rappelé hier par le président Eric Magamootoo.

Refuser le travail du dimanche

Parmi les facteurs d’inquiétude, le Président de la chambre consulaire - qui se dit « un peu seul, politiquement » - craint surtout les effets déstructurants, pour la société réunionnaise, d’une « intégration politique » non mesurée par ses principaux acteurs. On comprend, par “intégration politique”, une assimilation des acteurs politiques aux thèmes de politique nationale plutôt qu’un effort pour développer une pensée politique servant le développement de l’île avec ses paramètres spécifiques. Le Président de la CCIR a pris l’exemple du travail le dimanche - que le gouvernement aurait l’intention de faire passer en force en cette fin d’année. Il existe un consensus de tous les acteurs réunionnais de la distribution pour poser autrement le problème, mais Eric Magamootoo craint fort de ne pas trouver les relais parlementaires pour appuyer cette démarche. (voir encadré) « Nos parlementaires sont pratiquement tous dans des logiques municipales », a-t-il relevé. Mais les acteurs économiques - y compris le PDG de Casino au plan national - sont « tous favorables à l’adaptation de la loi ». Il reste à trouver la façon de le faire. Pour Eric Magamootoo, si le personnel politique se laissait aller au risque de “l’intégration” (qu’on peut aussi appeler assimilation) « cela voudrait dire qu’on n’a pas les compétences pour penser notre île ».

Rassembler sur des projets

Sur un autre plan, il a évoqué les faiblesses du tourisme - et l’énorme “raté” qui vient de se produire avec les croisiéristes - pour illustrer « l’accélération » des événements politiques et économiques : l’arrivée prochaine (2013) de l’Airbus 380 commande de travailler dès maintenant l’offre touristique en hébergement et transports.
Dans le port, la perspective est d’aller vers un transbordement 24h/24, 7 jours sur 7 avec 10 ha supplémentaires de terre plein d’ici mars 2009 - et la moitié vers la mi 2008, dans quelques mois.
Pour l’aéroport, une fois mené à bien le plan de redressement, l’avenir serait dans la création d’une société aéroportuaire, à concession trentenaire, pour préparer les transformations à venir, l’arrivée de l’A380.
Le “Cap TPE” est un contrat d’accompagnement et de professionnalisation des très petites entreprises réunionnaises, dans un projet de mutualisation des moyens avec divers partenaires. L’idée est qu’« il y a de la place pour tous » et qu’il faut donc se rassembler sur des projets. Celui de créer un fonds d’investissement est à l’étude entre divers partenaires depuis quelques mois.
La dynamique de projet est aussi ce à quoi s’emploient tous les jours les équipes de la chambre de commerce, d’après leur président. « Nous avons tous les atouts pour réussir, si nous savons intégrer tous les clignotants (chômage, illettrisme) », a-t-il dit pour conclure.
Le président de la CCIR va passer quelques jours à Paris pour y défendre deux dossiers et divers points d’importance.

P. David


Focus

Travailler le dimanche ?

Eric Magamootoo, comme les autres leaders des PME, y est résolument opposé. Il dit pourquoi :

« L’optique du gouvernement, avec le “travailler plus pour gagner plus”, est de supprimer le repos hebdomadaire pour faire travailler le dimanche. Cela me paraît être en contradiction avec ce que nous sommes, à La Réunion. Dans nos vies d’hommes et de femmes, nous avons besoin de prendre le temps de la respiration, d’être avec la famille, de rendre le culte aux ancêtres. Dans ce qui va se passer au niveau de l’Assemblée Nationale, pour la suppression du repos hebdomadaire, je souhaite qu’on arrive à faire comprendre qu’à La Réunion, les choses sont différentes. De façon très claire, je suis opposé au travail le dimanche.
Ici à La Réunion, on peut très bien rassembler la grande, la moyenne distribution et le petit commerce. La grande distribution peut donner une bouffée d’oxygène à ces petits commerçants qui souffrent. Si nous sommes capables de rassembler les acteurs du commerce, pour rechercher un accord sur la fermeture des grands centres commerciaux en périphérie le dimanche, cela redonnera de la vie aux centres-villes.
On peut très bien faire que l’arrêté préfectoral qui organise toute cette problématique soit modifié dans ce sens.
Mais en même temps, sur le plan national, il faut qu’on puisse faire entendre dans le débat la spécificité de l’île de La Réunion. »


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