Politique monétaire

Une « guerre des changes » larvée au Japon

28 décembre 2012, par Céline Tabou

Le nouveau Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a décidé de mener une « guerre des changes » afin de sauver la monnaie nationale, yen. Ce gouvernement souhaite déprécier sa devise afin d’être plus compétitif. Cependant, cette annonce inquiète les gouvernements qui craignent une volatilité des monnaies et une remise en cause des politiques monétaires.

Shinzo Abe a également décidé de s’attaquer aux pays qui «  essayent par différents moyens, directs ou indirects, d’affaiblir leur devise pour relancer leur compétitivité  », a expliqué le quotidien économique “Les Échos”. Ce dernier a indiqué que «  Les banques centrales du monde entier impriment de la monnaie pour soutenir leurs économies et exportations. L’Amérique en est le premier exemple. Si l’on poursuit sur cette voie, le yen va inévitablement s’apprécier. Il est vital de résister à cela  ».

«  Refonte radicale  » de la politique monétaire

Le leader du Parti Libéral-Démocrate (PLD) a réitéré sa volonté d’assouplir la politique monétaire du Japon, afin de «  contrer la déflation, corriger un yen fort et atteindre la croissance économique  », a-t-il déclaré devant les représentants du principal syndicat patronal, le Keidanren. Shinzo Abe pourrait aussi nationaliser la BoJ (Bank of Japan), qui a lancé un nouvel assouplissement de sa politique monétaire au lendemain du scrutin électoral, le 16 décembre. Le gouvernement a demandé à la BoJ un nouvel objectif d’inflation «  plus souple  », afin que celui-ci passe à 2% contre 1% actuellement.

Cette dernière est également sommée d’être encore plus ambitieuse dans son programme de rachats d’obligations d’État. La banque ne détient que 12% du stock de dettes nationales, contrairement à la Réserve fédérale américaine qui détient 18,3% du total des bons du Trésor américains. La pression du gouvernement sur la Banque du Japon (BoJ), qui reste pour l’heure indépendante, pourrait conduire cette dernière à mener la nouvelle politique monétaire des conservateurs.

Économie basée sur les exportations, la crise internationale et régionale (avec la Chine) a essoufflé l’économie du pays qui souffre d’une perte de compétitivité due au renchérissement du yen. Le Premier ministre a indiqué que son gouvernement présentera avant la mi-janvier un collectif budgétaire de près de 90 milliards d’euros (10.000 milliards de yens). Ce dernier ne serait pas convaincu par l’efficacité des interventions directes sur le marché des changes, il «  préférerait voir sa monnaie autour de 90 yens par dollar et non pas à 85 yens par dollar comme aujourd’hui » , a indiqué “Les Échos”.

Remise en cause de la politique monétaire internationale

L’annonce de Shinzo Abe est un motif de « préoccupations » et un « défi », a indiqué Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre. En effet, ce dernier s’attend à ce que « certains pays s’efforcent d’abaisser la valeur de leur monnaie en 2013 ». D’après ce dernier, cette dépréciation du yen pourrait déclencher une « remontée de la volatilité sur les devises, que les marchés anticipent en 2013 », a noté le quotidien économique. Compte tenu de la moindre efficacité de certains outils traditionnels, les banquiers centraux pourraient être tentés de recourir à la solution de facilité d’influer sur leur monnaie, avec la bénédiction de leur gouvernement et l’opinion publique.

Toutefois, selon les économistes de la Royal Bank of Canada, les banques centrales des pays du G10 sont intervenues activement entre 2011 et 2012 afin de modifier la valeur de leur devise, le plus souvent à la baisse. De leur côté, les pays émergents pourraient payer « le prix de cette politique monétaire ultra-accommodante » , a indiqué “La Tribune de Genève”. Les pays émergents, dont les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), devraient abaisser les taux d’intérêt ou intervenir sur le marché pour maintenir leur devise à un niveau raisonnable. Ces derniers ont un taux de croissance solide, mais un taux de change flottant.

Une source d’un pays membre des pays du G7 citée par “La Tribune de Genève” a expliqué — avant la décision de politique monétaire de la BoJ — que « Si tout le monde essaie de dévaluer sa monnaie, cela aura au final des effets néfastes sur l’économie mondiale ». Malgré les inquiétudes, de nombreux économistes, comme Simon Evenett, professeur d’économie à l’Université de St-Gall, expliquent que « La dépréciation d’une monnaie est davantage un effet dérivé d’une politique d’assouplissement monétaire mise en place pour soutenir la demande intérieure qu’une politique volontariste. C’est pourquoi je ne crois pas au déclenchement d’une guerre des monnaies ». En effet, la Chine, les Philippines, la Thaïlande, Singapour et la Corée du Sud ont une tradition d’intervention et manipulation de leur devise.

Céline Tabou 


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