Une majorité de petits établissements tournés vers le marché local

11 avril, par Rédaction Témoignages

Les industries agroalimentaires (IAA) transforment les produits de l’agriculture et de la pêche en aliments ou boissons pour l’Homme et l’animal. À La Réunion, elles emploient 4 640 salariés en équivalent temps plein (ETP) en 2022, soit un quart de l’emploi industriel régional. Les établissements employeurs des IAA sont de plus petite taille que ceux de l’Hexagone. L’industrie sucrière occupe proportionnellement dix fois plus d’emploi agroalimentaire à La Réunion qu’au niveau national, le rhum le double. Les emplois sont en moyenne plus stables et mieux rémunérés que dans l’ensemble du secteur privé, mais moins que dans les IAA de l’Hexagone.

Les centres de décisions des établissements de l’IAA sont majoritairement régionaux : seuls 21 % des emplois appartiennent à des groupes non régionaux. Les unités légales réunionnaises des IAA dégagent 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires sur un marché essentiellement local, hormis pour le sucre et le rhum. Leurs marges dépendent fortement des aides et subventions, en particulier dans la transformation de produits à base de viande et la fabrication de sucre. Les marges sont plus élevées dans l’industrie de fabrication des boissons alcooliques distillées, l’une des plus exportatrices.

Les IAA occupent un quart de l’emploi industriel réunionnais dans l’agroalimentaire

En 2022, à La Réunion, 625 établissements des industries agroalimentaires (IAA) transforment les produits de l’agriculture (végétaux et élevages) et de la pêche en aliments ou boissons pour l’Homme et l’animal. Ils constituent ainsi un débouché pour la production agricole régionale. Les 700 boulangeries, pâtisseries, boucheries et charcuteries de l’île sont exclues du champ de cette étude car leurs activités relèvent davantage de l’artisanat ou du commerce .

Les établissements des IAA emploient 4 640 salariés en équivalent temps plein (ETP) (pour comprendre), soit 1,9 % de l’emploi total contre 1,7 % dans l’Hexagone. À La Réunion, 24 % de l’emploi industriel relève des IAA, une part deux fois plus élevée qu’au niveau national (13 %) en raison de la moindre industrialisation de l’île.

Entre 2018 et 2022, l’emploi augmente de 12 % dans les IAA à La Réunion, bien plus que dans l’Hexagone (+ 2 %). Toutefois, cette hausse est nettement moins dynamique que celle de l’emploi dans l’ensemble du secteur privé hors intérim de l’île (+25 %) et de l’industrie dans son ensemble (+16,5 %). Sur la période, 8 emplois créés sur 10 dans les IAA réunionnaises le sont dans des établissements pérennes.

Des établissements de plus petite taille que dans l’Hexagone

À La Réunion comme dans l’Hexagone, seule la moitié des établissements des IAA emploient des salariés. Les établissements employeurs sont en moyenne deux fois plus petits qu’au niveau national (15 emplois par établissement en moyenne contre 27 dans l’Hexagone). De plus, les grands établissements de l’IAA, de plus de 100 salariés, sont deux fois moins nombreux sur l’île (1,6 % contre 3,5 %) ; ils concentrent 32 % des emplois contre 62 % au niveau national.

L’industrie de transformation des produits à base de viande est le premier employeur des IAA réunionnaises (810 emplois), mais regroupe une proportion des emplois moins élevée que dans l’Hexagone (17 % contre 24 %). Ses établissements, incluant notamment les abattoirs, comptent 25 emplois ETP en moyenne. Vient ensuite l’industrie de transformation des produits laitiers (690 emplois, soit 15 % des effectifs comme en France métropolitaine).

Les secteurs du sucre et des boissons alcooliques distillées qui transforment la canne à sucre occupent sur l’île une part bien plus importante de l’emploi des IAA que dans l’Hexagone (respectivement 10 et 2 fois plus). Les établissements du sucre sont en outre de plus grande taille que les autres (82 emplois par établissement en moyenne). À l’opposé, ceux de la transformation de fruits et légumes sont les plus petits (5 emplois par établissement en moyenne, soit 6 fois moins que dans l’Hexagone). Les autres IAA (transformation de produits à base de poisson, fabrication d’autres produits alimentaires, fabrication d’aliments pour animaux) regroupent un peu plus d’un quart de l’emploi.

De meilleures conditions d’emploi que dans l’ensemble du privé, mais moindres que dans l’Hexagone

À La Réunion, 82 % des salariés des IAA sont en CDI, une part plus élevée que dans l’ensemble du secteur privé (76 %). C’est en particulier le cas dans les secteurs de la viande (90 %), des pâtes, pains et biscuits (89 %) et de la transformation des fruits et légumes (88 %). Les segments du sucre et de la transformation des fruits et légumes offrent au contraire les conditions d’emploi les moins stables avec seulement 64 % et 70 % de salariés en CDI. Les emplois dans les IAA régionales sont cependant moins stables que dans l’Hexagone, où 89 % des salariés en ETP sont en CDI. En outre, la part des CDD est deux fois plus importante dans les IAA régionales (9 % contre 5 %). En particulier, le secteur de la fabrication de sucre recourt largement au travail occasionnel (27 % contre 3 % dans les IAA régionales) en raison du caractère saisonnier de la culture de la canne à sucre. Dans le secteur de la transformation des fruits et légumes, les CDD sont plus fréquents (17 % contre 9 % dans les IAA régionales).

Globalement, les salariés des IAA de La Réunion sont un peu mieux rémunérés qu’en moyenne dans le secteur privé : 18,5 € bruts/heure contre 17,3 €/h, soit 7 % de plus. C’est particulièrement le cas dans les segments des boissons alcooliques distillées, des autres boissons et de la fabrication de sucre (entre 22 € et 23,9 €/h). Cela résulte notamment d’une part plus importante de cadres dans les établissements des boissons alcooliques distillées et des autres boissons et d’une proportion élevée de professions intermédiaires et d’ouvriers qualifiés dans l’industrie de la fabrication du sucre. À l’opposé, les salaires sont bien plus faibles dans la transformation des fruits et légumes et la fabrication des pains, pâtes et biscuits (moins de 15 €/h) qui emploient davantage d’ouvriers non qualifiés, de salariés de moins de 25 ans ou de salariés en CDD.

Cependant, le salaire dans les IAA de La Réunion est inférieur de 14 % à celui dans les IAA de l’Hexagone, notamment car les salariés sont en moyenne moins qualifiés et plus jeunes sur l’île. En neutralisant les principaux effets liés aux spécificités structurelles du secteur sur l’île (catégorie sociale, âge, sexe, taille d’établissement, type de contrat et segment des IAA), cet écart se réduit à 4 %.

À La Réunion, les IAA sont peu féminisées : 27 % des emplois sont occupés par des femmes contre 41 % dans le secteur privé et 38 % dans les IAA de l’Hexagone. En particulier, le secteur du sucre n’emploie que 17 % de femmes. Elles sont en revanche plus présentes dans les secteurs où la proportion d’employés est plus élevée (fabrication de produits laitiers, boissons alcooliques distillées et transformation de fruits et légumes).

Les centres de décisions des établissements de l’IAA sont majoritairement régionaux

La quasi-totalité des établissements des IAA appartiennent à des unités légales (UL) régionales, c’est-à-dire des UL dont plus de 80 % de l’emploi est situé sur l’île. Au nombre de 575, ces UL réunionnaises regroupent 98 % de l’emploi des IAA. C’est bien plus qu’en moyenne hexagonale où les UL régionales représentent 74 % de l’emploi du secteur.

Pour 552 de ces UL réunionnaises, l’activité principale relève de l’agroalimentaire. Huit sur dix sont des entreprises indépendantes (463 UL), tandis que deux sur dix (89 UL) font partie d’entreprises au sens économique selon la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008. Ces 89 UL concentrent 76 % de l’emploi des IAA, à peine moins que dans l’Hexagone (82 %).

Le secteur de la fabrication de sucre est le plus concentré : comme dans l’Hexagone, la totalité de ses salariés travaillent dans des UL organisées en groupes. À l’inverse, dans la transformation de fruits et légumes, seuls 27 % des emplois dépendent d’un groupe (87 % dans l’Hexagone).

Les groupes régionaux concentrent 53 % des emplois des IAA (2 460 emplois). Les groupes non régionaux en regroupent quant à eux seulement 21 % (980 emplois), contre 48 % dans l’Hexagone. La moitié de ces emplois relèvent du secteur du sucre (490) et un quart de celui des autres boissons (240).

Un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros centré essentiellement sur le marché local

Parmi les 552 unités légales régionales réunionnaises des IAA, 334 ne sont pas des micro-entreprises et disposent ainsi de données comptables et financières complètes (pour comprendre). Ces unités légales génèrent un chiffre d’affaires (CA) de 1,5 milliard d’euros en 2022 concentré, comme dans l’Hexagone, sur un nombre restreint d’unités : 59 % du CA provient de 5 % des unités légales. Les IAA qui transforment les produits à base de viande, fabriquent des boissons autres que des boissons alcooliques distillées et des produits laitiers réalisent à elles seules la moitié de ce CA.

Les secteurs transformant la canne à sucre sont plus représentés sur l’île. À La Réunion, 10,4 % du CA total est généré par le segment de la fabrication de sucre (0,1 % dans l’Hexagone) et 6,3 % par celui des boissons alcooliques distillées, le rhum principalement (3,1 % au niveau national). Dans l’Hexagone, la fabrication de sucre est dominée par de grandes entreprises (non prises en compte dans le champ de comparaison qui se limite aux PME (pour comprendre).

Cependant, depuis 2019, la production de sucre décline sur l’île (-22 %), atteignant un point bas en 2022 (136 000 tonnes en équivalent sucre blanc). C’est d’ailleurs le seul secteur des IAA à perdre des emplois entre 2018 et 2022 (-8 %). A contrario, la quantité produite de rhum augmente et se stabilise à 126,9 milliers d’hectolitres d’alcool pur en 2022.

Les unités légales réunionnaises des IAA sont principalement tournées vers le marché domestique. Seul 6,3 % de leur chiffre d’affaires est réalisé à l’export contre 11 % pour leurs homologues de même taille de l’Hexagone. C’est le secteur sucrier qui exporte le plus (36 % du chiffre d’affaires réalisé à l’export) devant celui de la fabrication de boissons alcooliques distillées (21 %) tandis que les autres secteurs tirent une part très faible de leur CA des exportations (1,5 %).

Dans le sucre et la viande, une forte dépendance aux aides et subventions

À La Réunion, dans les IAA, les coûts de production élevés liés à l’éloignement géographique sont compensées en partie par les aides européennes, nationales, régionales et départementales (aides directes, exonérations de charges ou de taxes, subventions d’investissements ou défiscalisation). Les industriels peuvent ainsi acquérir la production agricole locale à un prix permettant de soutenir les revenus des agriculteurs. Sans ces aides, les marges des industriels de la fabrication de sucre et de la transformation de produits à base de viande seraient fortement négatives. Le taux de marge des unités légales régionales, qui intègre les aides et subventions d’exploitation, s’élève à 30 %, soit près de 5 points de plus que pour les PME hexagonales.

Par ailleurs, certains dispositifs de défiscalisation spécifiques à l’Outre-mer, comme le dispositif Girardin, ont bénéficié dans le passé aux unités légales industrielles de l’île. Ces dispositifs leur ont permis d’investir davantage. De fait, l’intensité capitalistique s’élève à 239 K€ par salarié dans les unités légales réunionnaises des IAA, un montant plus élevé que dans les PME hexagonales de l’IAA (195 K€). De plus, cette forte intensité capitalistique s’accompagne de frais de personnel globalement moins importants en proportion de la valeur ajoutée que dans l’Hexagone (70 % contre 74 %). Cela peut s’expliquer par les exonérations de cotisations sociales spécifiques à l’Outre-mer mais aussi par l’emploi d’un personnel moins qualifié et par conséquent moins bien rémunéré.

Comme au niveau national, le taux de marge est structurellement plus élevé dans les secteurs de la fabrication de boissons alcooliques distillées (66 % contre 46 % dans l’Hexagone) et des autres boissons (42 % contre 32 %), en lien avec une intensité capitalistique plus élevée (respectivement 490 K€ et 283 K€ de capital mobilisé par salarié) que la moyenne régionale. À l’opposé, les taux de marge sont les plus faibles dans la fabrication de produits laitiers (7 %), la transformation de produits à base de viande (12 %) et la transformation de fruits et légumes (11 %). Dans ces trois segments relativement peu intenses en capital, la part des frais de personnel dans la valeur ajoutée est bien supérieure à la moyenne des IAA régionales.

Les unités légales locales de l’IAA jouissent d’une plus grande autonomie financière que les PME hexagonales du secteur : pour 100 euros de total de bilan, les unités légales réunionnaises possèdent 52 euros de fonds propres contre 41 dans l’Hexagone. L’autonomie financière est la plus élevée dans les industries de fabrication de produits laitiers, de fabrication de sucre et d’autres boissons. L’industrie de la transformation de fruits et légumes est la moins autonome financièrement mais se situe au même niveau que son homologue hexagonale. Cela peut tenir à d’importants investissements réalisés par l’emprunt en vue de structurer une industrie encore en développement et dont les effectifs augmentent de 50 % entre 2018 et 2022.


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