Cannes et fermeture de la route du Littoral

« Va v’nir le temps n’aura pu la race commandeur »

11 août 2007

Les planteurs ne savent plus où mettre leurs têtes. Après un début de campagne en retard dans l’Est, à cause d’une mauvaise préparation des usiniers, ils doivent déplorer la non réception de leurs cannes deux jours durant. Est-ce là une conséquence de la fermeture de la route du Littoral ? Ou bien est-ce un diktat de la part de l’usinier ?

La Sucrerie de Bois-Rouge annonce qu’elle ne pourra réceptionner les cannes, à cause de la fermeture de la route du Littoral. Les planteurs doivent encore subir les conséquences.
(photo Toniox)

Dans un communiqué de presse, la Sucrerie de Bois-Rouge annonce - bien en retard - aux producteurs canniers qu’elle ne pourra réceptionner les cannes, pour raison de fermeture de la route du Littoral. Le samedi 11 et lundi 13 août, pas de réception donc ! C’est le principe du diktat, et les planteurs doivent encore subir les conséquences. L’axe routier “principal” de l’île est fermé pour raison de sécurisation. Valse héliportée, drapage de falaise dans une robe de fer, bref, on peut commenter les travaux entrepris pour sécuriser la route du Littoral. Là, pas question de taper sur la DDE. Elle a pris toutes les précautions pour prévenir les usagers et les professionnels.
Alors, comment se fait-il que les usiniers décident seulement le mercredi 8 août dernier d’« étudier les conséquences de la fermeture programmée de la route du Littoral sur l’activité de l’usine de Bois-Rouge et les réceptions de cannes ». Pourquoi ne pas avoir réuni l’ensemble des concernés, planteurs et usiniers, pour établir précisément la marche à tenir ? C’est seulement maintenant - oui, disons maintenant - que l’usinier Xavier Thiéblin se rend compte que ces sucres produits ne pourront être acheminés vers Le Port. Une question parmi tant d’autres : Pourquoi avoir construit la zone de stockage uniquement au Port ? Ou bien, si une zone de stockage existe bien à Bois-Rouge, comment ne pouvait-on pas se prémunir d’une telle situation ? Ce ne sont sûrement pas les moyens qui manquent à la Sucrerie de Bois-Rouge, pour réaliser un silo, ou même un centre de conditionnement sur le lieu de fabrication ! Oui, moult questions restent en suspens, surtout quand, du côté de l’usinier, on préfère faire écho au silence radio.

Où est le dialogue ?

On pouvait s’y attendre, la CGPER réplique de mille voix, en notifiant son rejet d’une telle décision. Ces dispositions des usiniers « remettent en cause les traditions des milliers de planteurs et d’ouvriers qui travaillent au sein de la filière canne réunionnaise. Si les usiniers restent sur leur position, les représentants de la CGPER s’abstiendront de participer aux réunions des Commissions mixtes d’usines (CMU) de Bois-Rouge et de Beaufonds, compte tenu du manque flagrant de dialogue des usiniers », s’indigne le syndicat agricole dans un communiqué, d’ailleurs transmis aux usiniers.
Jean-Yves Minatchy, Président de la CGPER, par ailleurs à la tête de la Chambre verte, a fait parvenir un courrier à Jean-François Moser, Directeur de l’Usine de Bois-Rouge, dans lequel il ne mâche pas ses mots. « Les usiniers ont proposé l’arrêt des réceptions des cannes le samedi 11 et le lundi 13 août 2007, afin de ne pas surcharger le hangar de Bois-Rouge, et la reprise des réceptions des cannes le mercredi 14 août ainsi que le jeudi 15 août 2007. Cette décision a été jugée inacceptable par nos représentants qui ont demandé l’ouverture des plates-formes du Nord-Est à compter du lundi 13 août à midi, dans la mesure où le sucre pourra être livré dès le mardi soir. De plus, les usiniers ont justifié la réception des cannes le 15 août par la fermeture de la route du Littoral alors que cette décision avait été programmée avant le début de la campagne sucrière », écrit le président Jean-Yves Minatchy à Jean-François Moser. Où est le dialogue ? Puisque, de toute façon, il est caractérisé que les usiniers se passent volontiers de l’avis des planteurs.

Vin désanm la fine pasé ...

On se croirait dans un temps révolu. « Ma di aou Vin désanm... », diraient certains. Pour la CGPER, c’est s’attaquer aux traditions réunionnaises. Les planteurs, à l’heure de la coupe de cannes, n’attendent pas le grain de pluie ou qu’ils fassent soleil. Ils travaillent. Jean-Yves Minatchy note que « c’est aux usiniers de s’adapter aux planteurs et non l’inverse, car cela mettrait en péril l’équilibre social des milliers de familles de planteurs et d’ouvriers œuvrant au sein de la filière canne ». La demande est on ne peut plus claire : ouvrir l’usine à compter du lundi 13 août à midi jusqu’au mardi. Si les usiniers souhaitent jouer seuls sur cette affaire, ce sera aussi seuls qu’ils devront siéger aux réunions des CMU.
Mais, à vrai dire, le seul constat que nous pouvons faire de ce fiasco - puisqu’il n’y a pas d’autres noms pour cela -, c’est que les usiniers continuent à se croire en ces temps lointains où les producteurs de sucre faisaient la pluie et le beau temps sur notre île. Sans cannes, pas de sucre et autres produits dérivés. En fait, il faudrait se demander si certains se croient komandèr au point de bloquer les planteurs. A l’époque, on le sait, il n’y avait aucune place possible pour le dialogue entre esclaves et producteurs ! Aujourd’hui, quand même, usiniers et planteurs peuvent s’entendre. La CGPER fait une demande honorable, proposant un bon compromis entre les deux parties. Alors, lundi matin, ouverture de l’usine de Bois-Rouge ? Pas de précision du côté de l’usinier. Me vient alors une chanson de la plume du célèbre poète Jean Albany « Commandeur, oté Commandeur, attend’ un peu nou n’y attend’. Va v’ni le temps, va v’ni le temps, n’aura pu la race commandeur ».

Babou B’Jalah


Témoignages

Kosa zot i panss la fermetïr lizine ?

J.J-M, planteur :

Oté, mi giny pa dir rien, moin. Kosa mi lé par rapor Xavier Théiblin. Ou koné, bann gro mesië, va pass touzour dévan in ti kolon. Moin, moin la mèt atèr, moin la dépayé, moin la mèt an ta. Astèr, mi aspèr. Dayèr, i fé trant an, mi aspèr. Kosa lizine va désidé ? Mi koné pa, moin. Là, d’in ou, li désid i fo arèt tout ? pokosa ? Dépi lontan, nou té koné la rout noré été fermé. Là, n’i siport mèm, selon le bon vouloir le gran mèt. Oté, nout do té larz lontan, astèr mèm dann flan, mi siport pa i vien tapé. Là, tout mon kane koupé, kosa mi sar fé avèk, mi lèss séké ? Nora touzour inndé kaniar po fimé akoté, fout defé anndan, va dir sé moin lotèr po giny la priorité. Moin, moin lé dépité. Mi travay, mi travay tout mon fors. Kan mi rant, moin la pa le tan rosovoir dann salon konm bann patron lizine i fé. Mi manz, mi dor, mi arlèv, mi sar travayé. Mon kane, mi vé voir ali lizine, va nouri mon fami, épui dawar va resté po pèy bann faktïr. Là, mi koz èk ou, mi préfèr mèm pa di mon non, an ka banna i rod di amoin mon to desik la pa bon. Banna va trouv touzour in manièr ral anou kari desou deri. Ogard ! aou lé zournalis, kan la débït la kanpane, navé in tralé problèm lizine. Plantèr la atann, kosa li pé fèr de mié ? Amoin, mi suiv Jean-Yves Minatchy. Lindi, i fo Lizine lé rouvèr.


K.S, coupeur de canne, saisonnier :

Kosa ou vé mi di ? La pa moin i sar di Lizine kosa i fo fé èk nou. Alala pokosa i di aou Lesklavaz la pa fini. Amoin, mi koup kane. Ou di amoin « arèt koupé, mi rant la kaz, soman la pèy oukilé ? ». In désizion komsa i trakass amoin, i trakass sirtou mon port-moné. Là, samdi, lindi, mi travay pa ? Loiyé-là, dawar Léta i pèy ? I kont sa dan mon lasédik, apré ? Sa mayaz gro larzan, mi giny pa rant anndan. Banna va désidé, zot va manzé. Mé, moin èk mon fami, n’a krévé, pa grav sa.

G.H, planteur :

Oufou ! arèt fatig amoin èk sa. Dizon ! pa ou. Soman moin lé fatigé bann zistoir komsa. Moin la fine ral shépa konbienn mené atèr. I atann dann sharèt là. Mon moral la poin kalbït atèr, pèrsone i giny arpa fé rien. CGPER la mont o kréno, mé dépi lontan, nou noré dï vèy kosa banna té parté fé èk nou. I atann dernié zour mèm, po koz èk ou. Sa i fé panss amoin dann tan mon défin papa té travay ti kolon si térin Barau. Komandèr i vien pa voir aou out kaz po dir aou fé sa, fé komsa. Li atann le zour mèm po anons aou out travay. Moin té zèn kan moin la komans travayé dann kane. Moin navé par là trèz an. Zordi, ashèv dir la pa shanzé. I kontinié abïz dési nout zépol. Banna i vé nou fout in bèzman dévan lizine, ou koi ? Lindi, mi di, sé in bon konpromi. Mi voi pa, kosa i zèn Thiéblin okïp nout kane, lindi ? Alé, samdi, n’i ropoz in-kou. N’alé an parti an fami. Soman, kosa i anpèsh ali rouv lizine Lindi. Va soulaz anou, hin !

Propos recueillis par Babou B’Jalah


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