Désarroi des éleveurs laitiers

Vérité et solidarité pour tous !

11 septembre 2006

Trois organisations - la Commission Justice et Paix, le MTKR et la Mission Rurale le Secours Catholique - se sont réunies pour témoigner des difficultés d’un secteur agricole important de La Réunion, celui de l’élevage pris dans une situation où se mêlent l’irresponsabilité de certains et une crise profonde.
Les intertitres sont de la Rédaction.

20 septembre 2003 : près de 600 bovins débarquent au Port de la Rivière des Galets après 1 mois de traversée difficile. Les uns destinés à la Sicarevia, les autres à la Sicalait. Le problème, c’est que certaines bêtes sont malades et se sont contaminées mutuellement durant le trajet. Elles souffrent d’une maladie non légalement transmissible : la Rhino-trachéite bovine ( IBR). Maladie qu’il est impossible de diagnostiquer les premiers jours. Après réflexion au plus haut niveau avec la DSV (Département des Services Vétérinaires) et selon certains vétérinaires, la décision est prise de ne pas abattre tous les cheptels, mais de vacciner tous les élevages. Près de 80 élevages seront ainsi vaccinés. Hélas pas tous, et certains éleveurs omettront de faire la piqûre de rappel. Depuis, pour certains éleveurs laitiers, c’est une descente aux enfers qui débute. Bêtes malades qu’il faut abattre, avortements en série, production de lait en chute libre avec toutes les conséquences financières que l’on devine. Ils sont au bord du gouffre. Ils lancent un cri de désespoir. Dans le vide pour l’instant. Certains dénoncent la "communication rigide" de la coopérative et affirment ne pas vouloir mettre en péril la filière. Difficile de se faire entendre. Une réunion de conciliation a lieu en Mairie de la Plaine des Palmistes. C’est un dialogue de sourds. Résultat : des éleveurs s’organisent et fondent l’ADEFAR (Association de Défense des Éleveurs de La Réunion). Dans un tel contexte, comment faire passer un message constructif ?

Une société dominée par l’argent

Nous sommes dans une société où l’argent et l’efficacité sont les maîtres-mots. Face à de telles turbulences qui secouent déjà plusieurs villages, il est indispensable de ne pas rester dans son coin et de rechercher des solutions ensemble. Des éleveurs souffrent et sont désespérés sans pour autant baisser les bras. Trop souvent, l’éleveur - ou l’agriculteur - se retrouve seul en face de ses problèmes. La solitude est paralysante. Elle ne favorise pas la rencontre et l’échange d’idées qui permettent de devenir lucides et de retrouver l’espérance. Il est donc utile et urgent de favoriser la mise en place de lieux de parole où chacun puisse se sortir de son isolement sans redouter d’être jugé, classé ou d’être perçu comme incapable, et finalement exclu. N’est-ce pas le rôle des collectivités ou celui des associations de favoriser ce genre de discussions et de chercher à résoudre des cas douloureux ? Seul le partage ou l’entraide peuvent permettre d’entrevoir des sorties de crise. À condition de jouer la carte de la transparence de part et d’autre.
Cette crise est profonde. Et elle mérite de la part de tous les éleveurs - en difficultés ou non - une analyse objective. Tous doivent tenir compte de plusieurs paramètres pour éviter l’échec : conditions climatiques, suivi sanitaire, conseils nécessaires d’autant que le productivisme à outrance gangrène notre société et élimine très vite les hommes. Quel avenir donc pour ce monde de l’élevage ? Selon certains, l’on marche vers la professionnalisation "nouvelle formule" de la filière avec la disparition d’un certain nombre d’éleveurs. 15 à 20%, selon quelques vétérinaires qui pointent par ailleurs des carences certaines telles que le manque de confort pour l’élevage ou le manque de rigueur dans le suivi sanitaire.

Sortir de la crise

Alors, comment sortir de la crise ? Que nous réserve l’audit sanitaire demandé par le Conseil général ? N’est-il pas indispensable de parvenir à une chronologie sur l’objectivité des faits et du contenu des contrôles sanitaires ? Serait-il utopique que les différents partenaires, individuels ou instances, reconnaissent leurs maladresses ou leurs erreurs respectives pour renforcer la volonté de sauver toutes les filières par les efforts déjà engagés ? N’est-il pas possible de négocier avec telle ou telle collectivité ou institution pour que vivent les hommes en sauvant la filière et pour que vive la filière en sauvant les hommes ? Est-il impossible de prendre en charge les campagnes de vaccination ? Comment aider toute la filière ? Les efforts doivent être partagés et ne pas retomber sur les plus faibles. C’est une question de dignité. Chaque conscience est ici interpellée. Comment vivre dans une société “rouleau compresseur” ?

Il est nécessaire de favoriser une meilleure circulation de l’information, une information objective, pour un dialogue constructif. Tous les acteurs de ces filières sont ainsi appelés à modifier leur état d’esprit pour une ouverture au Bien Commun. Nous passerions de la méfiance à la confiance, entre les éleveurs eux-mêmes et entre les éleveurs et les consommateurs. En comprenant mieux la situation du monde agricole et celle des éleveurs, nous travaillons à "une meilleure cohésion sociale". Et nous ne pouvons rester silencieux devant l’angoisse et la désespérance qui minent certaines familles. La foi chrétienne ne donne pas de solutions toutes faites, mais elle donne un sens à notre propre vie. Elle rappelle sans cesse à tous l’impératif de la solidarité : "Qu’as-tu fait de ton frère ?".


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