Relations Comores-France

Accord au sommet et désaccord à la base

11 juin 2008

La réunion à Paris du Groupe de Travail de Haut Niveau entre les gouvernements français et comorien a été jugé satisfaisante par les deux parties, mais cela est loin de signifier que la brouille entre la France et son ancienne colonie est réglée. Les parlementaires, la société civile et nombre de Comoriens crient à la trahison.

Depuis leur indépendance en 1975, les Comores entretiennent des relations très ambiguës avec l’ex-puissance coloniale. Les Comoriens continuent à dénoncer une décolonisation inachevée, mais ne cessent d’entretenir des relations privilégiées avec la France. Au niveau politique, cela s’explique par l’impérieuse nécessité de préserver un soutien économique vital pour palier les mauvaises performances de la création de richesse nationale. Sur le plan social, c’est la présence d’une très forte diaspora dans l’hexagone qui maintient le lien en assurant la survie des familles et les investissements communautaires. En fait, la réalité est loin d’être aussi lisible.
L’ancien président Ahmed Abdallah, dans son langage imagé, a qualifié ce pays de « viande de coun », que l’on ne peut ni consommer, ni abandonner (il est ici question de “poulet péi” et non de “mabawa” aux hormones).
Et ce, parce que la France, premier partenaire économique, est également considérée comme le premier partenaire technique de la plupart des entreprises de déstabilisation. Les bras armés n’ont jamais fait défaut dans cet archipel aux Sultans Batailleurs, d’autant plus que Bob Denard était là pour apporter un coup de poudre si besoin. Face à tant de malveillance, les dirigeants comoriens successifs ont toujours riposté par la « guerre de salive », pour reprendre une autre expression du président Abdallah. Après les coups d’Etat et les assassinats de présidents, la plus récente et la plus sournoise des déstabilisations est sans conteste la tentative de sécession de l’île d’Anjouan.
Sans revenir sur ce qui a été dit sur les implications réelles ou supposées de Français dans les tentatives loufoques de recolonisation, d’indépendance puis d’autonomie et de rébellions à Anjouan, il apparaît clairement aujourd’hui que le bourreau des Anjouanais et fossoyeur de l’Unité des Comores est au petit soin. C’est certainement la raison qui fait qu’un palier dans l’expression de l’hostilité à l’égard de la France a été franchi. Les manifestations à La Réunion, à Mayotte et à Moroni en témoignent.

Les tribuns et la plèbe dans l’arène

D’un autre côté, surfant dans le vent euphorique de la libération d’Anjouan, le Gouvernement Sambi a mis sur la sellette pour la première fois, de façon nette, le statut des ressortissants des îles sœurs résidant à Mayotte, notamment sur la question des reconduites aux frontières.
Cependant, le triomphe de la verve nationaliste a été de courte durée. La diplomatie, dans ce qu’elle renferme de ruse, de pression, de compromis et de compromissions, a repris ses droits et ses méthodes. Aussi, c’est à reculons que les dirigeants comoriens avancent dans les pourparlers avec leurs homologues depuis quelques semaines à Moroni et à Paris. Selon un ancien ministre, non seulement ils ont cédé Mayotte, mais ils ont aussi vendu la souveraineté qui subsistait dans les 3 autres îles : « Aujourd’hui, un élu de Mayotte s’assoit à la même table de négociation qu’un ministre de la République et pire encore, c’est à Mayotte même que se dérouleront les discussions sur... la coopération régionale. Désormais, on ne parlera plus de contentieux entre la France et les Comores, mais de négociation entre Mayotte et Comores ».
Parce que les capitaines de chancelleries ont désarmé leurs citadelles, abandonné les lignes de défenses, comblé les tranchées, détruit les remparts et livré leur propre cité, les tribuns dans l’hémicycle et la plèbe dans la rue continuent la résistance. En effet, dans une résolution votée à l’unanimité le 4 juin dernier, l’Assemblée nationale « conteste toute légitimité à une action qui découlerait des discussions entamées le jour même à Paris et qui serait de nature à porter atteinte à l’intégrité territoriale du pays ».
Pendant ce temps, à Paris, des manifestants comoriens hostiles à cette réunion ont tenté d’empêcher l’accès à l’Ambassade des Comores, en scandant des slogans qui fustigeaient ceux qui veulent brader la souveraineté nationale. Des heurts se sont même produits et l’ambassadeur des Comores à Paris s’est trouvé dans les échauffourées.

De notre correspondant
A. Mohamed

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