Dimanche soir, l’ambiance était à la fête autour de tous les bureaux de vote et sur les places publiques de l’Union des Comores qui a voté pour l’élection de son président. Jusqu’à très tard dans la nuit, chaque annonce de nouveaux résultats était ponctuée par des cris, des chants et des danses. L’effervescence était la même à Mbéni, Foumbouni ou Mitsamiouli à Ngazidja (Grande Comore), et dans les autres grandes villes de Ndzouani (Anjouan) et Mwali (Mohéli). Les résultats sont acheminés vers le Palais du peuple (Moroni) où siège la Commission nationale électorale (CNEC). Ils seront ensuite acheminés vers la Cour constitutionnelle pour homologation.
Les résultats officiels seront annoncés au plus tard ce mercredi par le secrétaire d’État en charge des élections. Mais la première tendance qui se dégageait hier matin donnait Ahmed Abdallah Mohamed Sambi gagnant en Grande Comore avec 48% des suffrages et 20 points d’avance sur Ibrahim Halidi (27%). Mohamed Djaanfari (23%) s’en sort avec un score plutôt honorable pour un candidat inconnu.
À Anjouan, malgré une faible participation des électeurs, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi réaliserait le score confortable de 63%. Mohamed Djaanfari serait crédité de 8% des voix. À Mohéli, la victoire d’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi serait également massive avec des chiffres dépassant parfois les 70% dans certaines localités.

Pas de réaction d’Azali

Dès 22 heures 30, dimanche, le candidat Ahmed Abdallah Sambi s’est adressé à la population au stade de Missiri, à Mutsamudu (Anjouan), pour remercier ses électeurs. Il a déclaré sa satisfaction pour le bon déroulement du scrutin. Il a appelé à "la vigilance de tous jusqu’à la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle". C’est seulement à ce moment-là qu’il promet de fêter ce qu’il qualifie de "victoire du peuple".
Le scrutin n’a pour le moment donné lieu à aucune réaction officielle de la part du président sortant, le colonel Azali. Quelques heures après la clôture des bureaux de vote, le président Azali a pris l’avion pour l’extérieur, accompagné de 2 de ses ministres. Il sera de retour ce jeudi, une semaine avant la cérémonie d’investiture du nouveau président élu, fixée au 25 mai. Il aurait demandé à son entourage de rester serein.
Selon le président de l’Observatoire national des élections, M. Saandi, "il y a lieu de se féliciter que le scrutin se soit déroulé dans le calme et sans incidents majeurs". Son équipe, forte de près d’une centaine de volontaires, s’était déployée sur l’ensemble du pays pour surveiller le déroulement des opérations électorales, aux côtés des 102 observateurs civils internationaux également présents sur le terrain.
Dans les milieux politiques et les chancelleries, on estime que la mission africaine de sécurisation des élections a été d’une efficacité irréprochable ce 14 mai, pour avoir réussi à maintenir une présence physique plus imposante que lors des primaires du 16 avril à Ndzouani. C’est aussi à l’AMISEC (Mission africaine de sécurisation des élections) que l’on doit la neutralisation d’un réseau de trafic de fausses cartes d’électeur. Ce trafic aurait des ramifications au sein même de la Commission nationale électorale (CNEC).

El-Had Said Omar

Un vote sanction

À l’analyse des premières tendances du vote de ce 14 mai, l’on s’aperçoit que l’annonce des résultats a été vécue comme une délivrance pour l’opposition au régime du colonel Azali. Une opposition restée longtemps silencieuse et qui s’est cristallisée autour de Ahmed Abdallah Sambi, l’homme "quasi providentiel". En effet, aux yeux d’une large frange de l’opinion, il semble incarner la rupture avec l’ancien système.
Les bons résultats (pour le moment officieux) enregistrés par Ahmed Abdallah Sambi semblent dès lors issus d’un vote de protestation contre un régime atteint par l’usure du pouvoir. En additionnant les suffrages des candidats Sambi et Jaanfari, l’on constate en effet que 3 électeurs sur 4 ont émis un vote favorable à l’opposition. Le 3ème candidat, Ibrahim Halidi, l’a appris à ses dépends. En s’alliant avec la Convention pour le renouveau des Comores (CRC) - le parti du président sortant Azali Assoumani - il a été considéré comme l’incarnation de la continuité du régime.
Cette alliance a été fatale à l’enfant du Nioumakélé (région d’Anjouan). Il ne pouvait compter que sur le vote de son fief natal, sans possibilité d’ouverture au lendemain des primaires du 16 avril dernier.

El-Had Said Omar